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DOSSIER 
Prisonniers Palestiniens

 

 

Les Gazaouïtes sont prudents, 
mais ils attendent impatiemment le retrait israélien
 
Laila El-Haddad

"Abo Walid, dont le frère a été tué par un sniper israélien deux ans auparavant dans le camp, dit que la première chose qu’il va faire après le départ des colons, c’est d’aller jusqu’à la plage... "Si c’était juste pour avoir accès à une plage, nous irions à la ville de Gaza. C’est parce que c’est notre droit de vivre librement. C’est par rapport à l’occupation,..."

A la limite du camp de réfugiés de Khan Younès, au sud de la Bande de Gaza, les maisons délabrées des réfugiés sont face aux villas de toit rouge de la colonie de Neve Dekalim, au bord de mer.

La colonie, une des 21 sélectionnées pour être évacuées dans les prochaines semaines, a été l’objet de beaucoup de griefs - et maintenant de spéculation - de la part des Palestiniens d’ici.

La maison d’Abo Ahmed est située directement en face de Neve Dekalim, la colonie la plus étendue et la plus extrémiste des implantations de Gush Katif, un bloc de colonies installé en 1970, soit 3 ans après la capture et le début de l’occupation de Gaza par Israël.

Non loin de la colonie se trouve une tour israélienne pour snipers ainsi que plusieurs centaines de soldats stationnés pour protéger les colons illégaux de leurs voisins palestiniens et des habitants d’origine de cette terre. Les coups de feu tirés depuis la tour ont laissé des impacts de la taille d’une pomme dans le mur du séjour au second étage de la maison d’Abo Ahmed.

Si l’on ne tient pas compte de cela, la vue depuis la fenêtre de la pièce abandonnée est d’une beauté frappante. “N’est-ce pas beau ?” demande Abo Ahmed en riant et en regardant au-delà de son mur troué. “Si seulement nous pouvions en profiter.”

Depuis plusieurs années, Abo Ahmed ne s’est pas aventuré dans cette pièce de peur de se transformer en cible. Et bien que la plage soit à 5 minutes à pied, elle est hors d’accès pour les Palestiniens.

Anxiété

Comme beaucoup de réfugiés, Abo Ahmed attend avec anxiété le jour où les colons juifs quitteront Gaza et où sa vie trouvera une semi-normalité.

“Les colonies sont un des plus grands obstacles pour nous, et nous le ressentons ici sur la ligne de front plus que quiconque. Nous souffrons quotidiennement”, ajoute-t-il. “Tout ce dont je me souviens des années passées, c’est que nous étions en permanence martyrisés, toujours meurtris et envahis par les tanks dans les rues”, rappelle-t-il. Sa belle-soeur, Zakiya Musa, tient son bébé de trois mois dans les bras. “Je ne peux plus attendre de les voir partir, de façon à ce que nous puissions nous détendre, et pour la santé de nos enfants. Ils sont mortifiés chaque nuit par les tirs des snipers”, dit-elle.

Autorité palestinienne

Comment les colons vont partir et quel sera le rôle des Palestiniens restent un mystère pour beaucoup, y compris pour l’Autorité palestinienne (AP). Jusqu’à présent, le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a refusé que le retrait de Gaza soit coordonné avec les Palestiniens, déclare Nabil Shaath, l’adjoint du Premier ministre palestinien.

“Il y a très peu de choses de faites du point de vue de la coordination... Les Israéliens parlent de coordination mais rien n’est encore fait”, nous a dit Shaat.

L’AP doit encore faire savoir ce qui doit être fait avec la terre qui sera revenue sous le contrôle des Palestiniens, et comment les gains vont être distribués.

Initialement, le gouvernement israélien devait démolir les maisons des colons après leur évacuation, et les Palestiniens devaient débarasser la terre des débris. Les Israéliens sont revenus sur leur engagement cette semaine. Shaath fait savoir qu’une cour spéciale statuera sur les réclamations des terres privées qui représentent 5% du total des terres [qui seront libérées]. Les autres 95% sont terre gouvernementale et ne peuvent être achetés ou vendus pendant les 6 mois qui suivront le désengagement.

“Après cela, nous mettrons en oeuvre un plan de privatisation des zones agricoles à travers une procédure transparente. Dans d’autres zones, nous construirons des unités d’habitation pour ceux qui en ont le plus besoin, dont les réfugiés dont les maisons auront été démolies ou les familles de martyrs”, ajoute Shaath, faisant référence aux Palestiniens qui ont été assassinés par les forces israéliennes.

Un espace pour vivre

Mais l’idée de construire des immeubles d’appartements pour les réfugiés en demande d’espace à Gaza a provoqué des réactions mitigées à Khan Younès.

“Nous préfèrerions construire sur un bout de terre n’importe où, ou même rester dans le camp, plutôt que de vivre dans des appartements empilés”, nous dit Abo Wali, résident du camp, dont la maison a été menancée de démolition à cause de sa trop grande proximité avec Neve Dekalim.

“Nous devions quitter notre maison chaque nuit par crainte qu’ils ne la démolissent sur nous. Nous ne pouvions dormir durant les raids nocturnes. Nous vivions un traumatisme quotidien”, ajoute-t-il.

Abo Walid, dont le frère a été tué par un sniper israélien deux ans auparavant dans le camp, dit que la première chose qu’il va faire après le départ des colons, c’est d’aller jusqu’à la plage. Son ami Abu Khalid qui est enseignant à l’école élémentaire à proximité, nous signale que ce n’est pas seulement pour profiter de la plage.

“Si c’était juste pour avoir accès à une plage, nous irions à la ville de Gaza. C’est parce que c’est notre droit de vivre librement. C’est par rapport à l’occupation, laquelle se poursuivra même après le retrait”, dit-il encore. “Rappelez-vous qu’ils contrôleront toujours les frontières de Gaza, l’espace aérien et la mer. Ils réinstallent tous les colons en Cisjordanie. Ils sont simplement en train de restructurer l’occupation”.

Pour d’autres à Khan Younès, la question de savoir ce qui doit être fait après le désengagement amène une réponse simple. “Nous voulons pouvoir nous amuser sans la crainte de recevoir une balle, pouvoir sortir et jouer”, nous dit Abu Ibayd qui a 10 ans.

Elle et d’autres enfants courent vers l’horizon, près de la tour des snipers, essayant de faire voler un cerf-volant fait de papier.

L’enclave de Mawasi

Près de là, le résident de Mawasi, Subhi Astal, 57 ans, attend que les forces israéliennes ouvrent le checkpoint de Tufah. Mawasi, une enclave palestinienne à l’intérieur du bloc de colonies de Gush Katif, a été isolé du reste de la Bande de Gaza depuis plus de 4 ans.

Il faut un permis spécial pour traverser le checkpoint, et les résidents palestiniens attendent souvent des jours avant d’être autorisés à entrer.

Que nous dit Subhi Astal ? “Les colons partent au bon moment. Ils ne laissent rien derrière eux. Ils ont tout pris et on épuisé les ressources de cette zone. Ils ont surexploité l’eau des puits à un tel point que la salinité de l’eau a augmenté à Gaza.”

“Ils prennent tout ce qu’ils peuvent de notre terre”, ajoute-t-il en montrant du doigt des camions en train de charger du sable jaune de Gaza pour qu’il soit vendu à 2 000 shekels le chargement en Israël pour des besoins en construction.

“Je voudrais voir les choses s’améliorer à Gaza. Je pense qu’ils voudront transformer les colonies en zones touristiques et une partie en terre agricole. Je pense que la terre doit retourner au peuple, et la distribution doit être faite de façon suffisante. Mais je suis certain que cela ne se produira pas”.

Préparatifs

Shaath insiste sur le fait que ce qui sera fait après le désengagement sera transparent et que l’Autorité palestinienne a beaucoup d’autres choses dont elle doit se soucier après le retrait [israélien].

“Je ne pense pas que la corruption soit un danger, mais plutôt le chaos créé par les factions politiques sous ce prétexte. Nous craignons que tout un chacun se précipite prendre un morceau de terre pour lui-même. Notre crainte est que cela s’apparente à la situation en Irak ou en Algérie après l’indépendance. C’est ce que nous voulons empêcher”, nous dit-il.

L’Autorité palestinienne a mis en place un nouveau service de sécurité avec 5 000 officiers de police pour prendre le contrôle des terres évacuées, afin d’empêcher des « prises de contrôle hostiles ».

Bien que les détails du post-désengagement soient loin d’être précis, les Palestiniens semblent être d’accord avec au moins une chose.

“Tout le monde regarde au-delà du retrait [israélien]. Nous voulons que l’occupation cesse. Nous voulons vivre comme des êtres humains », dit Abo Walid en regardant par-delà la colonie ombragée de palmiers.

“Chaque mois de mai, nous voyons leurs feux d’artifice partant des toits pour célébrer le jour de leur indépendance et de notre catastrophe. Tout ce que nous ressentons aujourd’hui, c’est de la peine et de la misère. Nous souhaitons pouvoir un jour célébrer notre jour de l’indépendance ».

Laila El-Haddad
à Gaza, Mardi 7 juillet
Cet article peut être consulté à :  http://english.aljazeera.net/NR/exeres/06CC545B-222D-4EF1-98FA-63023E34D826.htm 
Traduction : Claude Zurbach

 

Source : CCIPPP   www.protection-palestine.org

 

Ce texte n'engage que son auteur et ne correspond pas obligatoirement à notre ligne politique. L'AFPS 59/62,  parfois en désaccord avec certains d'entre eux, trouve, néanmoins, utile de les présenter pour permettre à chacun d'élaborer son propre point de vue."

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