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 Ha'aretz, 26 juillet 2005
 Le retrait ne fait
      pas mal à tout le monde, Monsieur le PrésidentPar Tom Segev
 Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
 
 Moshe Katsav, Président de l'Etat d'Israël, a écrit vendredi dernier
      que "la douleur des colons est celle de la nation tout entière".
      Il semble que le président ne connaisse de la nation que ceux qui
      partagent son opinion. Katsav pense aussi que nous devons "nous
      excuser" auprès des colons du Goush Katif.
 
 Dans un éditorial publié dans [le quotidien] Yediot Aharonot, Katsav
      affirme que les colons "ont joué un rôle très important dans les réussites
      de l'Etat d'Israël", dont l'accord de George Bush pour que les
      "blocs de colonies et Judée et en Samarie" demeurent israéliens.
      Pour Katsav, Bush serait parvenu à ces conclusions grâce aux prières
      des Juifs au Caveau des Patriarches et devant la tombe de Rachel ! Le président
      appelle les colons à la retenue, mais exprime une grande sympathie pour
      les objectifs de leur combat. Il leur conseille de garder leur calme avant
      le combat pour la Cisjordanie en ajoutant : "les valeurs pour
      lesquelles combattent les habitants de Judée et de Samarie continuent d'être
      essentielles pour la nation et pour l'Etat".
 
 Ces affirmations ne tiennent pas une seconde. Les colonies n'ont joué
      aucun rôle dans les réussites de l'Etat d'Israël. Au contraire, au fur
      et à mesure qu'elles se multipliaient, les chances de parvenir à un
      accord avec les Palestiniens se sont réduites, comme celles qu'Israël
      demeure un Etat juif et démocratique. Les valeurs des colons vont à
      l'encontre des droits de l'homme et de la liberté. Si la douleur des
      colons avait été celle de la "nation tout entière", alors
      beaucoup plus d'Israéliens se seraient joints à eux. Les colons et leurs
      partisans ont comparé leur marche à la marche de
 Martin Luther King sur Washington, mais la marche sur le Goush Katif ne prétendait
      pas défendre les doits de l'homme, mais préserver une idéologie qui
      implique l'assujettissement d'autres hommes. A cet égard, leur marche
      ressemblait d'assez près à la marche de Mussolini sur Rome. Ce ne sont
      pas les valeurs de la "nation tout entière".
 
 Les colons tentent d'appliquer la tactique du "traumatisme anticipé"
      qui résulterait du retrait de Gaza : plus il paraît
      "traumatisant", plus il sera difficile à Israël d'évacuer des
      colonies en Cisjordanie. Mais ce retrait de Gaza est tactique et limité.
      Il n'y a aucune raison d'anticiper un
 traumatisme historique.
 
 A plus d'une reprise, le mouvement sioniste et l'Etat d'Israël ont accepté
      de renoncer à certaines parties de la terre d'Israël, et de nombreuses
      communautés juives ont été évacuées, pour des raisons diverses : mis
      à part les incidents isolés comme l'évacuation du quartier juif de la
      Vieille Ville de Jérusalem en 1948, il ne s'est jamais rien produit de
      "traumatisant". La bande de Gaza a été évacuée peu après sa
      conquête en 1956 [à l'occasion de la guerre du Sinaï], après quoi un
      calme relatif a régné pendant une dizaine d'années sur la frontière
      israélo-égyptienne. L'évacuation du Sinaï [après la paix signée avec
      l'Egypte], y compris de [la ville de] Yamit, n'a créé aucun traumatisme
      national et a permis de faire la paix avec l'Egypte. De même pour le
      retrait du Liban : aucun traumatisme ; cela n'a fait que permettre
      l'instauration d'un calme relatif.
 
 Ceux qui parlent de "traumatisme national" évoquent aussi une
      guerre civile et appellent à "repenser" le conflit israélo-palestinien,
      à explorer une soi-disant révélation ou à redéfinir nos valeurs
      identitaires. Tout cela est parfaitement inutile. Dès décembre 1967,
      tous les arguments et toutes les positions étaient connus. La situation géopolitique
      a changé, la possibilité pratique d'échanger la paix contre les
      territoires s'est réduite, mais, régulièrement, on en revient à
      reconnaître que le principe de cet échange est toujours valide. Et,
      surprise, quand on jette un regard sur les années écoulées depuis la
      guerre des Six jours, on peut même pencher pour un
 certain optimisme.
 
 Les pays arabes ont mis fin à leur refus de reconnaître l'existence de
      l'Etat d'Israël. Deux d'entre eux [Egypte et Jordanie] ont signé un
      traité de paix avec Israël malgré les célèbres trois "non"
      de la conférence de Khartoum [de la Ligue arabe, en juillet 1967] : non
      à la reconnaissance d'Israël, non à la négociation, non à la paix.
      Les Palestiniens ont, eux aussi, reconnu l'existence d'Israël. Quant à
      Israël, il a cédé sur certains de ses "non" : il a reconnu
      l'existence de la nation palestinienne avec l'OLP pour représentant, et
      signé des accords avec celle-ci ; il a accepté le principe de la création
      d'un Etat palestinien et brisé un tabou en acceptant de discuter de la
      division de Jérusalem. Et il quitte Gaza.
 
 Dans cette perspective, il est manifeste que les colonies de Cisjordanie
      constituent l'obstacle essentiel sur le chemin d'un accord avec les
      Palestiniens, au moins dans la phase actuelle du conflit. Le retrait de
      Gaza implique de nombreux problèmes, mais le démantèlement des colonies
 provoquera probablement une approche plus rationnelle du conflit. Voilà où
      réside l'espoir. Et, Monsieur le Président, cela ne fait pas mal à tout
      le monde.
 
        
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                    : La Paix Maintenant     |  |  
          | Ce texte
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            parfois en désaccord avec certains d'entre eux, trouve,
            néanmoins, utile de les présenter pour permettre à chacun d'élaborer
            son propre point de vue." |  |