AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   

 

Après la décision de La Haye, 
Ilan Halevi interpelle la communauté internationale

P. Barbancey


Interview de Ilan Halevi, vice-ministre des Affaires Etrangères de
l'Autorité Palestinienne, après la décision de la Cour Internationale de
Justice qui déclare le mur illégal.

P.B :Il y a quelques jours, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a rendu
un avis sur le mur construit par Israël, qui le rend illégal aux yeux du
droit international. Quelle va être maintenant votre attitude et notamment
vis-à-vis de l'ONU ?

Ilan Halevi : "Le mur avait déjà été décrété illégal par l'Assemblée
Générale des Nations Unies. Une majorité du Conseil de Sécurité avait voté
dans le même sens, mais ça s'était heurté à un veto américain. La décision
de la CIJ est cependant très importante. Il s'agit certes d'un avis
consultatif mais il fait autorité. Il est complet car il renvoie
l'illégalité du mur à l'illégalité de l'occupation israélienne.

 Dans une certaine mesure, il définit pour la première fois légalement les
frontières de l'État d'Israël en transformant les lignes de cessez-le-feu de
l'armistice de 1949 en frontières à caractère internationalement garanties.
Il est également demandé la destruction du mur et le paiement de dommages et
intérêts aux Palestiniens qui sont affectés à la fois dans leur propriété et
dans leur vie.

 Pour que cette victoire morale devienne une victoire politique, il faut que
la communauté internationale agisse à partir de cette décision. Et pour que
ça devienne une victoire concrète, c'est-à-dire pour que le mur soit
effectivement démantelé, il faudra que la communauté internationale exerce
des efforts considérables parce qu'aujourd'hui l'administration américaine,
en tout cas jusqu'au lendemain des prochaines élections américaines, a
montré qu'elle était prête à tout pardonner à Israël, que le gouvernement
israélien pouvait se permettre pratiquement tout et n'importe quoi, dans
l'impunité la plus grande."

 PB : Qu'est-ce que l'Autorité Palestinienne compte faire pour transformer
cette victoire morale en victoire politique ?

Ilan Halevi :"Il y a d'abord le retour à l'Assemblée Générale de l'ONU pour
élaborer toute une série de mesures. Mais on sait très bien que la seule
instance qui a un pouvoir exécutif dans le système de l'ONU, c'est le
Conseil de Sécurité. Au moins jusqu'au lendemain des élections américaines,
Israël est assuré d'être protégé par un veto américain de tout mécanisme de
sanction.

 Il nous faut donc nous installer dans une stratégie de moyenne durée (6 à 7
mois), pour capitaliser sur cette résolution, en mobilisant l'opinion
internationale et les gouvernements. C'est pour cela que nous avons repoussé
la demande de convocation du Conseil de Sécurité."

 PB :Comment abordez-vous cette question du désengagement de la Bande de
Gaza tel que le présente Ariel Sharon ?

Ilan Halevi :" Il y a une position historique de l'OLP, adoptée formellement
en juin 1974, disant que nous établirons l'Autorité Nationale Palestinienne
sur toute partie du territoire palestinien qui sera évacuée. C'est vrai pour
tout centimètre carré, c'est ce qui nous a guidé dans toutes les
négociations depuis le début du processus de paix.

 Nous sommes donc prêts à assumer nos responsabilités à Gaza sans la moindre
hésitation. Mais pour nous, il est clair que ce n'est pas un marché. Il est
exclu que l'évacuation de Gaza puisse servir de prétexte ou de justification
à la poursuite de l'occupation en Cisjordanie.

Donc, nous considérons que l'évacuation de Gaza doit faire partie de la mise
en oeuvre de la « feuille de route », doit s'accompagner d'une évacuation partielle en
Cisjordanie et doit être le prélude à l'évacuation de l'ensemble des
territoires et au retour à la table des négociations. Ce qui suppose, selon
la « feuille de route » elle-même, un véritable cessez-le-feu réciproque,
mutuel, mutuellement contraignant et simultané sur tous les fronts.

 Un cessez-le-feu unilatéral est impossible. La volonté de lecture sélective
de la « feuille de route » pour faire d'un cessez-le-feu unilatéral du côté
palestinien une condition sine qua non de démarrage du processus pendant que
les Israéliens continuent leurs exactions, ça ne peut pas marcher. On l'a
fait il y a un an. Nous avons obtenu une trêve de 51 jours de la part des
organisations armées, pendant laquelle les Israéliens ont continué leurs
assassinats, leurs destructions de maisons, la construction du mur, les
arrestations, les tortures.

 Il faut que la communauté internationale et en particulier les Européens,
qui sont une des composantes principales du « quartet » avec les États-Unis,
la Russie et l'ONU, prenne très sérieusement en main cette question et
décide d'imposer un cessez-le-feu et d'en surveiller la mise en oeuvre.
C'est le point de départ."

 PB :Les récentes discussions avec les organisations armées palestiniennes
et avec l'Égypte, n'ont pas abouti. Qu'est-ce qui fait problème ?

Ilan Halevi :" Le problème c'est l'absence de toute réciprocité israélienne.
Mais il y a un engagement de leur part. Si le cessez-le-feu est mutuel, ils
le respecteront. Et s'ils s'engagent à un cessez-le-feu, nous les aiderons à
le faire respecter."

 PB :Dans les organisations armées, il y a celles liées au Hamas et au
Djihad islamique. Mais il y a aussi les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa,
qu'on dit liées au Fatah. Qu'en est-il exactement ?

Ilan Halevi :" Les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa sont une excroissance du
Fatah. Mais aujourd'hui elles ne dépendent plus du Fatah, c'est une
dissidence. Ce sont des gens qui appartenaient à notre mouvement et qui ont
pris leur indépendance, et agissent en petits groupes, sans direction
centrale. D'où la difficulté d'ailleurs d'arriver avec eux au moins à un
accord. Mais la stratégie des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa est une
stratégie de concurrence et de compétition politique avec les autres
organisations armées. À partir du moment où le Hamas et le Djihad arrêtent
leurs opérations, un des éléments principaux qui a poussé les Brigades à
l'action disparaît. S'ils continuent, nous les empêcheront."

 PB :Marwan Barghouti, dirigeant du Fatah en Cisjordanie, député, a été
condamné à cinq fois la prison à vie par Israël. Quelle est votre position ?

Ilan Halevi :" Marwan Barghouti a été enlevé illégalement, son procès a été
illégal, sa condamnation est une parodie de justice. Marwan est un patriote,
un dirigeant populaire. C'est également un des artisans du processus de paix
et un homme convaincu d'une paix juste, pas d'une paix de capitulation. Les
Israéliens ont décidé d'en faire un Mandela palestinien."

 PB :Etes-vous prêts à le faire aussi ?

Ilan Halevi :" Marwan Barghouti est un des dirigeants les plus aimés du
peuple palestinien, des plus respectés. Il n'y a aucune contradiction entre
lui et le reste de la direction palestinienne. Tout le monde le soutient et
nous réclamons sa libération. Sa condamnation n'a aucune valeur légale."

 PB : Comment obtenir la levée des restrictions de mouvements imposées à
Yasser Arafat ?

Ilan Halevi :" La communauté internationale ne doit pas accepter le siège
imposé au président Arafat. La France s'est très bien tenue dans cette
affaire, alors que des pressions considérables avaient été exercées pour que
le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, ne rencontre pas le
président. Il l'a fait. Nous mesurons également l'importance politique de la
visite de notre camarade Marie-George Buffet, secrétaire nationale d'un
parti ami.

 Plus largement, il faut que la communauté internationale cesse d'être
complaisante à l'égard de cet ostracisme et du siège imposé au président
palestinien. C'est contre-productif et c'est indigne."

Entretien réalisé par Pierre Barbancey pour le journal L'Humanité

Source: Liste Assawra

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