AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


Leila Shahid : « Genève est essentiel mais pas suffisant »

 

Leila Shahid, déléguée de la Palestine en France, était à Laon hier soir à l'invitation d'une association axonaise de jumelage avec le camp de réfugiés palestiniens de Baddawi au Liban.

Que pensez-vous de l'Initiative de Genève alors que les politiques palestiniens et israéliens restent souvent hostiles à ce nouveau pacte ?
 

LEILA SHAHID : C'est une action citoyenne essentielle dans le rapprochement d'Israéliens et de Palestiniens qui, chacun dans sa société, représente un courant politique. Malheureusement, les Israéliens qui encouragent l'Initiative de Genève sont dans l'opposition à Sharon. Et les Palestiniens qui ont signé, même s'il y a des proches d'Arafat, n'engagent qu'eux-mêmes.
 

Le président du conseil général de l'Aisne, Yves Daudigny, a beaucoup insisté, dans son discours de bienvenue, sur l'amitié franco-allemande. Cela ne signifie-t-il pas que la paix finira par triompher au Moyen-Orient.
 

L.S : Il faut comprendre que le conflit israélo-palestinien n'est pas une guerre entre deux armées, entre deux Etats. C'est davantage une tragédie grecque qu'un conflit politique. C'est un conflit existentiel.
 

Les Palestiniens ont disparu avec la création d'Israël parce que les Juifs pensaient ne pas avoir d'autre moyen de se défendre d'un génocide. Les Palestiniens sont dès lors devenus les victimes des victimes. A Baddawi, l'un des 15 camps palestiniens du Liban, 70 métiers sont interdits aux réfugiés. Il y a 75 % de chômage dans la bande de Gaza, deux tiers vivent avec moins de 2 dollars par jour.
 

On a l'impression que les obstacles aux négociations de paix sont surtout Arafat et Sharon, actuellement.
 

L.S : La paix ne viendra pas seulement de deux signatures. Bien sûr, mon opinion est subjective mais on ne peut mettre sur le même plan Sharon et Arafat, un occupant et un occupé, la 4e puissance militaire du monde et un territoire sans armée qui n'est même pas un Etat.
 

Depuis deux ans, Arafat est prêt à négocier avec Sharon, qui est considéré comme un criminel de guerre, mais que nous respectons parce qu'il est élu du peuple israélien. Le pacte de Genève demande l'évacuation des colonies juives en Cisjordanie mais également limite le retour des réfugiés. Comment les Palestiniens pourraient accepter cette dernière condition ?
 

L.S : L'exil palestinien ne date pas de 1967 mais de 1946 quand 700.000 Palestiniens, soit 90 % de la population d'alors, ont été expulsés. Aujourd'hui, ils sont 4,5 millions en Jordanie, en Syrie, au Liban, en Egypte et à travers le monde.
 

Ce problème des réfugiés est l'essence du problème palestinien. La résolution 194 de l'ONU leur reconnaît un droit inaliénable au retour. Evidemment, il n'est pas envisageable de laisser revenir 4,5 millions de personnes. D'ailleurs, tous ne souhaitent pas revenir. Mais pour avoir une vraie réconciliation, Israël doit reconnaître le principe du droit au retour, même si le nombre fait partie de la négociation.
 

Les extrémistes palestiniens sont très hostiles à l'Initiative de Genève.
L.S : Chacun se souvient des accords d'Oslo, de la poignée de mains Arafat-Rabin du 13 septembre 1993. Ils ne peuvent accepter de nouveau des accolades, des propos idylliques. Ils veulent des faits. Or, ils voient un mur en béton armé de 600 Km en train de prendre en étau notre territoire. 100 Km ont déjà été érigés. Et ils continuent de souffrir au quotidien.

Recueilli

par Christophe Perrin

Retour - Ressources  - Accueil