AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


Des élections sous occupation ?

C. Léostic
 
Les élections que les Palestniens souhaitent depuis longtemps se profilent en Palestine occupée. Les autorités israéliennes ferment des bureaux d'inscription.Qui veut la démocratie ?

Le 4 septembre le président Yasser Arafat a lancé le processus d'inscription pour les élections municipales de décembre, dans l'attente d'élections générales espérées au printemps. L'inscription doit durer de 5 à 8 semaines. Il a dit que s'il obtient des garanties de la communauté internationale il annoncera une date pour les élections générales, juste après le premier tour des élections municipales en décembre qui seront les premières élections palestiniennes depuis 1996.

En présence de représentants des Pays-Bas et du Canada, et de Hanna Nasser, membre du CCE (Comité Central des Elections ), Yasser Arafat s'est inscrit samedi 4 septembre dans un centre d'inscription installé dans son quartier général assiégé, la Muqata'a, à Ramallah où les forces israéliennes le tiennent emprisonné de facto depuis décembre 2001.

Il a accusé Israël d'avoir fait retarder l'élection, demandant à la communauté internationale d'aider à l'organisation du scrutin. Les élections prévues d'abord le 20 janvier 2003, avaient été repoussées par le CCE, l'occupation des grandes villes palestiniennes n'en permettant pas l'organisation, et la date de juin 2004, retenue ensuite par le Premier Ministre Qorei, a dû être à nouveau repoussée pour les mêmes raisons.

Le CCE a annoncé que l'inscription se tiendra en Cisjordanie, à Gaza et Jérusalem-est. Environ 1.8 millions de Palestiniens de plus de 17 ans peuvent s'inscrire aux élections municipales [1], législatives et présidentielles. Selon le directeur du CCE, les Palestiniens non résidents et les prisonniers peuvent aussi s'inscrire, les détenus pouvant donner par l'intermédiaire de leurs avocats, des procurations de vote à des parents ou hommes de loi.

Des centres d'inscription ont été ouverts à Jérusalem-est, dans l'espoir que les Palestiniens y résidant pourront voter, comme ils avaient pu le faire en 1996 [2].

Outre le temps nécessaire pour l'inscription, il faudra 3 mois supplémentaires pour organiser le vote, s'il peut se tenir.

Plus de 3000 moniteurs palestiniens dont des représentants de 9 partis et ONGs palestiniens et des étrangers se sont proposés pour superviser le processus d'inscription dans plus de 1000 centres.

Le principal groupe d'opposition, Hamas, a décidé de se présenter aux élections, de même que 8 autres partis y compris le Front Démocratique et le Jihad Islamique . Ces organisations avaient boycotté les élections de 96 car participer aux élections « aurait été interprété comme une reconnaissance des accords d'Oslo ». Ils pensaient aussi que le scrutin ne serait pas libre et démocratique [3]. Le Hamas qui depuis sa création en 1988 n'a participé qu'à des élections pour les conseils d'université ou les syndicats professionnels, appelle ses membres et toute la population à participer massivement au vote et participera à la surveillance du scrutin.

Le 9 décembre le premier tour des municipales se tiendra dans 36 des 128 villes et villages. Le ministre du gouvernement local demande à la communauté internationale et au Quartette d'exercer des pressions sur Israël afin de permettre le bon déroulement du scrutin.

Israël ferme les centres d'inscription à Jérusalem

Après une descente effectuée le 12 septembre dans les bureaux d'inscription, les forces d'occupation israéliennes ont fermé le lendemain 6 centres d'inscription de Jérusalem et arrêté plusieurs employés du CCE. Du matériel électoral et des informations ont été confisqués. L'ordre a été signé par le Ministre de la Sécurité Intérieure, « informé que l'ANP [4] ou ses affiliés, ont ouvert et organisé des centres d'inscription d'électeurs à l'intérieur d'Israël, afin de préparer des listes électorales. Ces centres sont considérés comme des bureaux pour leurs représentants [5] et j'ordonne en conséquence de mettre fin à ces activités et de fermer les centres d'inscription des électeurs palestiniens dans les lieux ci-mentionnés et tout lieu à l'intérieur d'Israël. Cet ordre est valide dès l'instant de son exécution ».

Le CCE cherche des solutions pour permettre aux Palestiniens jérusalémites de s'inscrire. Quant au Premier Ministre palestinien Ahmed Qorei, il condamne la décision israélienne qui « constitue une violation flagrante de tous les accords signés et du droit international" [6]

Le vice ministre des affaires étrangères palestinien, Abdallah Abdallah, accuse lui Israël de tenter de vider les élections palestiniennes de tout sens démocratique. « Si nous attendons qu'Israël nous autorise à avoir des élections, il nous faudra attendre longtemps. Israël n'a rien à faire d'élections qui expriment la volonté collective de notre peuple et son renforcement. Israël veut le genre de réforme politique qui produit des collaborateurs, pas de vrais représentants du peuple palestinien » dit-il.

Nombre de Palestiniens sont convaincus que des élections « à l'ombre des tourelles des chars israéliens » sont dénuées de sens et que c'est donner au monde l'image erronée d'un semblant d'indépendance et de souveraineté palestinienne que d'avoir un scrutin alors qu'il n'y a pas d'Etat. D'autres pensent, comme Hasni-al Masri, un chroniqueur palestinien, qu' « il n'y a aucune avancée dans le processus de paix. La campagne d'assassinats et de destructions de maisons par Israël se poursuit sans relâche, de même que la confiscation de la terre et l'extension des colonies. Il existe un risque d'implosion de notre société, le mandat du Conseil Législatif est dépassé depuis longtemps, la légitimité même de l'Autorité Palestinienne est de plus en plus remise en question, le chaos et l'absence de loi sont latents. Les élections sont la solution. »

Le vice- ministre s'adresse quant à lui aux Etats-Unis, leur demandant de faire pression sur Israël : « Si vous êtes sérieux à propos de la démocratie dans le monde arabe, commencez ici en Palestine et donnez nous les moyens d'organiser des élections libres ». Il ajoute dans un entretien :« Si les chars et les hélicoptères de combat israéliens nous empêchent d'accéder aux bureaux de vote, alors il faudra que le monde se taise et arrête ses appels hypocrites à l'établissement de la démocratie au Moyen-Orient ».

Claude Léostic

[1] Les dernières élections municipales ont été autorisées en 1976, sous occupation israélienne, mais plusieurs des maires élus ont été alors la cible d'attaques, dont le maire d'Hébron, assassiné, et celui de Naplouse, grièvement blessé et en chaise roulante depuis.
[2] il leur est interdit de faire campagne à Jérusalem
[3] Le scrutin, où Yasser Arafat a été élu président avec 87% des voix, s'était déroulé sous contrôle international
[4] Autorité Nationale Palestinienne
[5] aucune représentation des autorités ou partis et associations palestiniennes n'est autorisée en Israël ni à Jérusalem
[6] au terme des accords intérimaires d'Oslo, le mandat du Conseil législatif venait à terme en 1999

Claude Léostic, Afps

Sources : Arab Media Internet Network Reuters Khaled Amayreh, journaliste, Ramallah

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