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Palestine, sombre bilan. Quelles perspectives ?

Claude Leostic

Un mois s’est écoulé depuis le décès du président Arafat et la situation a connu des évolutions significatives dans un contexte qui, lui, n’a pas varié.

Dans le monde unipolaire que contrôlent les Etats-Unis, dans la stratégie globale de guerre préventive et de chasse au terrorisme de l’après 11- septembre, le Moyen-Orient reste le pré carré des intérêts économico-stratégiques américains.

Bush, embourbé dans l’occupation de l’ Irak, vient d ’être réélu, réellement cette fois, et entend imposer son modèle à la région. Son instrument en est Israël, dans une relation dialectique où l’intérêt des deux gouvernements et des deux idéologies qu’ils servent est interdépendant.

Le projet colonial sioniste, représenté par Sharon, de s’approprier la terre palestinienne en niant la réalité et l’identité du peuple palestinien, a pris une visibilité plus grande avec la construction du mur qui annexe et fragmente la Cisjordanie, et le plan de désengagement de la Bande de Gaza.

L’antienne de l’absence de partenaire pour la paix s’est exacerbée dans la diabolisation du Président Arafat et l’unilatéralité du plan de retrait. De même, la communauté internationale a été mise hors jeu de facto par l’aval au plan de désengagement unilatéral et au maintien définitif de colonies dans le territoire d’Israël que Bush a donné à Sharon en avril 2004. Les confirmations par Weisglass, conseiller de Sharon, du gel indéfini du processus de paix, en octobre 2004 (l’image du formol où l’on conserverait à jamais la Feuille de route) marque la volonté, affichée cette fois, de Sharon et de ses proches qu’il n’y ait pas d’état palestinien..

Sur un fond de turbulences politiques et économiques en Israël, les agressions militaires de la puissance occupante se sont poursuivies en Palestine : attaques répétées contre les camps de réfugiés de la Bande de Gaza (certaines longues et d’envergure comme en mai 2004 à Rafah ou en Octobre 2004 à Jabalyia , d’autres plus courtes dans le temps mais systématiques comme à Khan Younes du 16 au 18 décembre, qui a fait 11 morts et des dizaines de blessés), bouclages des villes et villages de Cisjordanie (Naplouse est coupée du monde depuis des semaines), assassinats extrajudiciaires dont ceux des représentants du Hamas au printemps 2004 (Sheikh Yacine et AbdelAzziz Rantissi), ou de responsables des brigades Al-Aqsa à Jénine en novembre et décembre, meurtres de civils dont des enfants dans leurs écoles, arrestions quotidiennes.

Toujours debout, le peuple palestinien est pourtant fatigué, exsangue. Les morts et les blessés se comptent par milliers (3500 morts), les prisonniers restent incarcérés en Israël, au mépris du droit international (7500), la situation économique est désastreuse (environ 60% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, le chômage atteint 70% dans de nombreuses régions, notamment à Gaza, dans les zones emprisonnées par le Mur, ou dans les camps de réfugiés), la Cisjordanie est une succession de bantoustans et Gaza une prison en ruines, à ciel ouvert.

En novembre 2004 le Président Arafat est mort, de manière naturelle ou pas, et le peuple palestinien a vacillé sous la tristesse et l’inquiétude. Mais s’est, comme toujours, redressé.

Le chaos prédit par les médias israéliens et espéré par leurs dirigeants ne s’est pas produit, les institutions démocratiques palestiniennes continuent d’assurer la continuité de l’ « état », et préparent les élections présidentielles prévues par la Constitution palestinienne.

Sept candidats sont finalement en présence, dont deux, ceux du Parti Communiste et de l’Initiative Nationale Palestinienne, en campagne électorale en Cisjordanie, ont été maltraités par les soldats d’occupation à des check-points à Jénine et Ramallah la semaine dernière. Le ministre israélien des Affaires Etrangères a déclaré dans la même période qu’ « Israël faisait tout pour permettre que les élections se déroulent dans les meilleures conditions possibles ». L’armée aurait même levé quelques uns des 7500 check-points qui paralysent et emprisonnent la Cisjordanie !

Quant aux Palestiniens de Jérusalem, près des négociations difficiles, sous pression internationale, l’autorité intérimaire palestinienne a réussi à obtenir qu’ils puissent prendre part au vote, sous menace de ne pas tenir les élections sinon. En octobre les bureaux de recensement palestiniens avaient été saccagés et fermés et la campagne électorale n’est pas autorisée à Jérusalem, « capitale éternelle d’Israël » où les gouvernements israéliens successifs ont voulu éradiquer la présence, l’histoire et l’identité palestiniennes.

Abu Mazen, devenu responsable de l’OLP, candidat du Fatah, la force politique principale en Palestine, sera vraisemblablement le prochain président palestinien. Opposé à la lutte armée, défavorable à l’Intifada, il incarne la ligne modérée de la direction palestinienne, celle que l’on pourrait encore contraindre à faire des concessions et qui serait alors acceptable pour les neo-conservateurs de George Bush. Il vient de demander aux Palestiniens de déposer les armes.

Marwan Barghouti, député du Conseil Législatif Palestinien kidnappé à Ramallah en avril 2002, emprisonné illégalement en Israël, a été condamné 5 fois à vie pour « terrorisme » par un tribunal israélien dans il a toujours contesté le droit à le juger. Représentant populaire de la « jeune garde » politique en Palestine, il est porteur des exigences exprimées par l’Intifada et vient de les rappeler au Fatah et au gouvernement israélien en envisageant de se porter candidat à l’élection avant d’apporter son soutien au candidat de son parti. Mais il appelle, comme le candidat de L’Initiative Nationale Palestinienne, Mustafa Barghouti, à la poursuite de l’Intifada.

Le peuple palestinien, qui ne se reconnaît pourtant pas dans Abu Mazen, va vraisemblablement trancher de manière pragmatique en sa faveur, pour une période intérimaire, et reprendre son souffle. Le débat va s’engager sur les formes de lutte à mettre en œuvre dans la période qui s’ouvre.

Mise en forme par la société civile, la lutte non violente, la résistance civique, est une des options de la résistance palestinienne, tout comme la lutte armée souvent prônée dans les camps de réfugiés et par des partis d’opposition. Quel que soit le choix des Palestiniens, il se fera dans l’exigence de la fin de l’occupation israélienne et de la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien.

Il incombe à la solidarité internationale de soutenir leurs revendications légitimes et d’exiger l’application du droit international, pour imposer la justice, seule garante de paix.

C’est la tâche, difficile mais déterminante, que s’est fixée l’AFPS.

Claude Léostic

Source : France Palestine 
http://www.france-palestine.org/article884.html

 

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