AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   



Désengagement de Gaza, le discours et la réalité

Claude Léostic
 

Les médias, pour une fois, nous rebattent les oreilles avec Gaza.

Pour dénoncer l'attaque criminelle qui vient d'y faire 17 morts...

...et 100 blessés à Khan Younis, relater comment des missiles ont encore assassiné des enfants ? Non, pour saluer Sharon, son courage et les risques personnels qu'il prend.

Bêtise, ignorance ou caisse de résonance d'une publicité bien orchestrée, on veut nous « vendre » le retrait de Gaza comme une victoire « historique ».

Que la gauche israélienne qui manifeste devant le parlement israélien son soutien au projet Sharon y voie une adhésion à sa propre politique me paraît compréhensible, aussi superficielle que soit l'analyse.

Focalisée sur Gaza et ses 7500 colons qui veulent dicter à l'ensemble de la population israélienne une politique qui lui coûte très cher humainement, économiquement et en terme d'image, au niveau international, la gauche veut quitter Gaza et, en prenant une longue cuiller, est prête à « manger avec le diable ». Elle voit dans ce retrait un premier pas vers l'arrêt de la colonisation de la Palestine, le retour des jeunes soldats chez eux et ses dirigeants y voient une façon de revenir aux affaires dans une coalition gauche-droite.

La droite, son extrême et ses religieux s'opposent par contre avec force et violence programmée à ce projet. Ceux qui ont élu Sharon s'en détournent et le menacent, trop aveuglés par leur idéologie extrémiste pour voir qu' en réalité il n'a pas changé dans le moyen et long terme.

Ce que la gauche et la droite israéliennes confondues se gardent d'observer c'est que Sharon lâche la miette de terre qu'est Gaza pour s'emparer de toute la Cisjordanie. Pragmatique il a fait un bilan facile : l'occupation de Gaza n'apporte rien à Israël. La colonisation totale de la Cisjordanie entre en revanche dans le projet sioniste dont Sharon est porteur.

Les colons de Gaza, très largement indemnisés, seront redéployés dans les grands blocs de colonies de Cisjordanie. Depuis des mois, des centaines de logements ont été construits pour les y recevoir en violation du droit international [1] .

Par ailleurs, le projet Sharon est clair : les forces israéliennes « devront rester à Gaza pour protéger Israël », et toute autorité palestinienne qui prendrait le contrôle de la Bande [2] serait interdite de souveraineté sur ce champ de ruines [3].

De plus, ce que tous évitent de mettre en évidence c'est le rejet des Palestiniens comme partenaires d'un projet qui les concerne directement, c'est le déni d'une réalité politique et humaine palestinienne. C'est également rejeter la communauté internationale comme acteur d'un processus de négociation, ne gardant comme co-décideur (et protecteur complice) que les Etats-Unis de Bush.

Pendant qu'on nous répète à l'envie que le « tabou est tombé » , que l'on peut maintenant décoloniser, que c'est « la fin de l'occupation de Gaza », les forces israéliennes y sont omniprésentes. Naplouse est coupée du monde depuis des semaines, les arrestations y sont quotidiennes, les jeeps israéliennes patrouillent les rues, obturent les entrées de camps de réfugiés, comme à Balata. Au mépris des décisions internationales, le Mur d'annexion continue à détruire le territoire palestinien, à en interdire l'avenir.

L'opération réussie de communication médiatique inclut la « généreuse » autorisation faite au président Arafat de quitter la Muqata'a. Que le président ait besoin de soins médicaux va de soi [4]. La grippe qui l'atteint aujourd'hui s'ajoute à des problèmes plus anciens. La vie qu'il mène depuis 3 ans bientôt, interdit de fait de sortie des ruines où les attaques israéliennes répétées le confinent, affaiblirait des hommes bien plus jeunes. Mais on veut nous faire croire qu'il y a bonne volonté israélienne à le laisser sortir jusqu'à l'hôpital de Ramallah [5]. Pour qu'une des jeeps qui rôdent en permanence autour de l'enceinte l'arrêtent et s'en saisissent ?

Quel dirigeant, élu par son peuple, accepterait l'humiliation de se voir arrêter comme un criminel ou « accorder » par l'occupant ce qui est le droit élémentaire de tous, président ou pas, à la santé ?

Il est inacceptable que le président palestinien, grippé ou non, soit privé de liberté, emprisonné dans des ruines, comme tout le peuple palestinien, de Gaza à Jénine. Ce qui est remarquable ce n'est pas que l'armée israélienne quitte Khan Younis après y avoir semé la mort et la terreur, c'est qu'elle ait eu l'ordre d'y entrer, comme à Jabalyia ou Rafah.

Voilà ce que les journalistes qui glosent sur la générosité et le courage de Sharon devraient avoir l'honnêteté de rapporter. Voilà ce qu'il est de notre responsabilité de mettre en évidence et de combattre.

 

[1] faut-il encore rappeler que toutes les colonies sont illégales ? Leur construction ou leur agrandissement se fait en violation de la quatrième Convention de Genève, dont Israël est signataire, qui interdit à une puissance occupante d'implanter sa population sur le territoire occupé

[2] la direction palestinienne a adopté le principe de prendre en charge « toute partie libérée du territoire »

[3] les frontières terrestre et maritime et l'espace aérien seraient sous contrôle israélien exclusif

[4] des médecins sont près de lui et annoncent que son état nécessite le repos

[5] ce qu'il n'a pas demandé, bien sûr, de même qu'il a toujours refusé de quitter la Muqata'a sous attaque, préférant y mourir que la déportation

Claude Léostic, vice-présidente de l'Afps

26 10 2004

Source : France Palestine  http://www.france-palestine.org/article722.html

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