AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


 

Tiens, la paix serait devenue possible ?

ClaudeLéostic
 

Une illusion perverse s’insinue dans les consciences, alimentée par quelques réalités superficielles et de nombreuses manipulations.

La paix serait soudain devenue possible au Proche-Orient, nous dit-on. Puisque Arafat, le sous-chef du terrorisme mondial (on ne détrône pas Ben Laden comme ça, lui s’attaque au cœur et à la tête de l’Occident, Arafat seulement à son bras droit) n’est plus, « paix à son âme » comme le disait Bush dès avant son décès. Lui seul empêchait la paix.

Et pour diffuser son message insidieux, le gouvernement de Sharon multiplie les « gestes de bonne volonté », les seuls que les médias relatent : quelques barrages levés pour la campagne des élections locales, le Président de l’OLP autorisé à entrer à Bethléem à Noël, la campagne électorale autorisée à Jérusalem-est, 159 prisonniers libérés aujourd’hui.

Cet arbre cache la forêt de l’occupation, les crimes de Sharon et des siens et les violations du droit.

Bethléem, ville de paix, où pour la première fois depuis le début de la répression de l’Intifada, des croyants ont pu, en montrant patte blanche, approcher des lieux saints, est une ville morte, toujours encerclée de check-points et asphyxiée par le Mur . Le patriarche, Michel Sabagh, a dénoncé dans son homélie ce Mur de haine qui tue la Cisjordanie et fait de Bethléem une « immense prison ». Mahmoud Abbas, le nouveau dirigeant de l’OLP depuis la mort de Yasser Arafat, a pu s’y rendre. Pas de chaise laissée vide et couverte d’un keffieh comme les deux derniers Noël où le président palestinien, protecteur des lieux saints, s’en était vu interdire l’entrée. Mais il a fallu négocier avec l’occupant l’autorisation pour les dirigeants palestiniens d’entrer dans une ville palestinienne autonome !

Les élections locales ont bien eu lieu. Voici un rapport du Palestine Monitor du 23 décembre 2004, concernant les conditions de la campagne électorale [1] :

« Pour la première fois depuis 28 ans, les Palestiniens vont voter aujourd’hui en Cisjordanie pour élire leurs conseils municipaux [2]. Plus de 140 000 électeurs vont choisir parmi 885 candidats, dont 139 femmes, à Jéricho et 25 villes et villages de Cisjordanie. Ce sera le tour de 10 municipalités de la Bande de Gaza à partir du 27 janvier 2005.

Tous les partis et groupes palestiniens prendront part à ces élections qui, selon Jamal Shubaki, le Ministre palestinien des Affaires locales, « seront un soutien à [notre] ténacité, en tant que peuple occupé, en nous permettant de choisir [nos ]propres représentants » et permettront de mettre en place les élections législatives et présidentielle.

M. Shubaki a dénoncé les obstacles qu’Israël met à la tenue de ces élections municipales, en arrêtant des candidats et plaçant des check-points mobiles pour bloquer les électeurs.

Ainsi 5 candidats ont été arrêtés par les forces d’occupation avant le vote : Qaher Hamada, du Front populaire (FPLP) a été arrêté chez lui dans un camp de réfugiés à Jéricho, avant l’aube le 15 décembre, alors que 4 candidats islamistes avaient été arrêtés dans la région de Dahariyeh, près d’Hébron, la semaine précédente.

Les dernières élections municipales en Palestine avaient eu lieu en 1976. L’OLP les avaient organisées en Cisjordanie. Parmi les 116 candidats élus, 96 appartenaient à l’OLP. Mais Israël y a imposé une issue tragique : en 1980 l’armée israélienne a tenté d’assassiner 3 maires. Bassam Shaka a eu les jambes arrachées dans l’explosion de sa voiture, Karim Khalaf a perdu un pied , seul Ibrahim Al Tawil a vu à temps la bombe placée dans son véhicule. Deux autres maires furent déportés en Jordanie en 1980 et la plupart des autres, dont tous ceux de l’OLP, ont été démis par les autorités israéliennes. »

Dans ce scrutin ci, avec un taux de participation d’environ 85 %, le Hamas, qui refuse de prendre part à l’élection présidentielle de janvier, a obtenu de bons résultats [3]. Il refuse la division et le chaos qu’Israël a tenté d’instaurer depuis de longues années. « L’étape qui commence est une étape de développement et de reconstruction de notre société, et nous coopérerons avec tout le monde pour la renforcer » a déclaré Sami Abu Zhuri, son porte-parole à Gaza, à l’issue des résultats.

Cependant Israël continue à chercher à diviser les partis palestiniens : des 159 prisonniers libérés aujourd’hui, l’écrasante majorité appartient au Fatah. Diviser pour régner...Ces prisonniers ont été libérés sans consultation avec les représentants du peuple palestinien, toujours dans la ligne stratégique de Sharon qui refuse de reconnaître aux Palestiniens toute réalité et identité. Ils l’auraient par contre été en concertation avec l’Egypte, qui aspire depuis la présentation par Sharon du plan unilatéral de retrait de Gaza à jouer dans la Bande de Gaza et au-delà un rôle de partenaire pour la sécurité (le gendarme) d’Israël [4].

Cependant Mahmoud Abbas, reprenant des demandes de la grande majorité des Palestiniens, exprimées par Marwan Barghouti comme une des conditions de son retrait de l’élection présidentielle, a exigé comme préalable à toute possibilité de paix, la libération des quelque 7500 prisonniers politiques palestiniens détenus par Israël, pour la plupart dans des prisons en territoire israélien, en contravention du droit international [5].

Il a certes appelé à la fin de l’Intifada armée, comme environ 550 personnalités palestiniennes, mais en revendiquant clairement le droit à la résistance à l’occupation israélienne, sous des formes pacifiques. Il a également affirmé qu’il n’userait pas de la force pour désarmer des résistants. « Inacceptable » a fait savoir le gouvernement israélien [6].

Se posant comme le successeur du Président Arafat dont il a déclaré vouloir « préserver l’héritage », Mahmoud Abbas a aussi exigé la reconnaissance du droit au retour des Palestiniens, ce qui a déclenché le « découragement » des dirigeants israéliens [7]. C’est que si Abbas, le modéré qui était acceptable par l’axe Washington / Tel-Aviv, refuse de faire les concessions que veut lui imposer Sharon, il deviendra rapidement peu fréquentable et le « seul obstacle à la paix ».

Pendant la campagne des municipales, les forces d’occupation toujours présentes à Gaza ont envahi Khan Younes une fois encore, deux même, et le Mur a continué de s’insinuer en territoire palestinien, notamment à Jérusalem et Bethléem. A Jayyous,près de Qalqilyia, des colons armés sont venus avec des bulldozers arracher des arbres centenaires et araser les terres agricoles.

A Tulkarem, trois résistants [8]ont été assassinés dans le camp de réfugiés. Blessés par les troupes israéliennes qui avaient envahi le camp, ils ont été achevés, au sol, par des balles dans la tête, le torse et le cou. Ils avaient 18ans.

A Jénine un homme, militant des Brigades Al Aqsa, Jamal Hussein, 28 ans, a été assassiné quand les troupes israéliennes qui l’encerclaient ont détruit sa maison alors qu’il était à l’intérieur. Son frère a été tué dans un assassinat extra judiciaire le 7 novembre 2004 [9].

Alors que le gouvernement Sharon assure qu’il fera tout pour faciliter l’élection présidentielle [10], le PCHR [11] « condamne fermement ces attaques et reste très préoccupé par l’escalade imposée par le gouvernement israélien et ses troupes d’occupation. Les violations par Israël des droits humains, dont les assassinats extra judiciaires, témoignent du mépris d’Israël pour le droit international et le droit humanitaire [12](...) Elles servent à augmenter la tension dans la région et mettent en danger la vie des civils palestiniens. Le PCHR est particulièrement indigné par le moment où ces attaques ont lieu, au tout début de la campagne officielle pour la présidentielle. De telles attaques servent à affaiblir le processus démocratique en Palestine, car, sous occupation belligérante continue, elles créent un environnement qui ne peut permettre des élections libres, justes et ouvertes. » [13].

Au même moment on veut nous faire croire que le gouvernement israélien n’attaquera pas les Palestiniens « si le calme règne » [14] en Cisjordanie et à Gaza. Et Blair vient parader au Proche-Orient. Il ose se recueillir près de la tombe de Yasser Arafat, que son compère américain a largement contribué à creuser, et veut nous intoxiquer avec la chance historique pour la paix qui s’ouvrirait enfin. La conférence internationale qu’il veut organiser sera pourtant boudée par Israël qui veut y voir le lieu de traiter des réformes chez les Palestiniens, assuré qu’il est du soutien de Bush quant au gel du processus de paix [15], au maintien des colonies et à la construction du Mur.

Aujourd’hui comme depuis le début de l’occupation, l’obstacle à la paix n’est pas la direction palestinienne, que ce soit Yasser Arafat, l’incarnation de la résistance, Marwan Barghouti ou Mahmoud Abbas. C’est la politique coloniale sioniste des gouvernements israéliens, c’est l’extension des colonies et du mur d’annexion, c’est l’emprisonnement du peuple palestinien sur sa terre qui se rétrécit toujours.

Pour arriver à la paix, une seule solution : la justice, le respect du droit international, l’obtention par le peuple palestinien de ses droits nationaux légitimes, dont il est privé depuis 56 ans.

Les moyens d’y arriver : l’imposition à un état voyou du respect du droit en lui infligeant des sanctions, si le sens de son propre intérêt à terme ne suffit pas à le contraindre à reconnaître aux Palestiniens ce que la communauté internationale lui a donné, à lui : un état souverain, indépendant et viable. Et une capitale, Jérusalem.

[1] traduction et synthèse : CL
[2] ces élections étaient prévues et en voie d’organisation bien avant le décès du Président Arafat
[3] le Hamas aurait obtenu de 9 à 13 sièges, selon les sources, et se serait renforcé dans les régions de Naplouse et Bethléem
[4] cf. la libération du prisonnier « espion » israélien Azzam Azzam contre 6 Egyptiens incarcérés en Israël le 5 décembre, l’accord économique QIZ signé avec Israël et les USA le 14 décembre etc.
[5] Conventions de Genève
[6] Silvan Shalom,Ministre israélien des Affaires Etrangères 21 12 2004
[7] Silvan Shalom, 21 12 2004
[8] des Brigades des Martyrs d’Al Aqsa
[9] PCHR, 26 12 2004
[10] Haaretz 26 12 2004
[11] Palestinian Center for Human Rights
[12] article 147 de la Quatrième Convention de Genève, 1949
[13] PCHR, 26 décembre 2004. info@pchrgaza.org
[14] Sharon, début décembre 2004
[15] Déclarations de Weisglass, conseiller de Sharon, à Haaretz le 6 novembre 2004

Claude Léostic, 27 décembre 2004

palestine Monitor : http://palestinemonitor.org

PCHR : http://pchrgaza.org

Source : France Palestine 
http://www.france-palestine.org/article905.html

 

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