AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   



Yasser Arafat victime de l'occupation


Claude Léostic

 
Depuis hier soir à la Muqata'a, le président palestinien, très malade, est entouré de médecins et de ses proches et les rumeurs les plus folles et contradictoires circulent...

...en Palestine et ailleurs, dont certaines alimentées par les autorités israéliennes.

Ceux et celles d'entre nous qui l'ont rencontré à la Muqata'a savent les conditions inacceptables où il est réduit par les autorités d'occupation israéliennes depuis décembre 2001.

Pendant l'opération militaire du printemps 2002, les soldats israéliens ont tenté de pénétrer dans ce qui était la chambre et le bureau de Yasser Arafat. Des combats violents avec la garde présidentielle, la Force 17, les en ont empêchés. Les bombardements qui ont suivi ont partiellement détruit les bâtiments. En juin 2002 une autre attaque par chars et hélicoptères de combat israéliens a amplifié les destructions, réduisant le complexe à un champ de ruines.

C'est en septembre 2002 que la dernière attaque en règle a tenté d'en finir avec la Muqata'a. Les explosions faisaient trembler tout Ramallah et les derniers ministères debout s'effondraient dans des nuages de poussière et d'incendie mêlés. Seule une intervention internationale a amené Washington à imposer à Sharon l'arrêt de cette attaque sur le président de Palestine.

Depuis, dans un bâtiment dont la sécurité a été très renforcée (porte et volets blindés, au lieu de la porte de verre et des volets roulants en plastique d'origine, entrée protégée par des sacs de sable) mais reste désespérément fragile, le président Arafat vit dans des conditions précaires en termes sanitaire et de sécurité. La fenêtre du bureau où il passe ses journées ne peut être ouverte sans danger (elle ne l'est donc pas) et il manque d'air et de lumière. Au cœur du bâtiment il dispose d'une chambre minuscule sans fenêtre, mieux protégée que son appartement officiel, que l'armée israélienne avait directement bombardé.

Sortir du bâtiment ? Il peut, mais en prenant des risques considérables, car les soldats israéliens n'ont pas quitté Ramallah, des snipers se postent souvent sur le toit de certains des bâtiments proches de la Muqata'a. Il lui arrive par beau temps de prendre un court moment de repos, entouré de ses proches et très protégé par la garde présidentielle, dans la cour /parking du complexe.

Vous imaginez un président contraint de sortir sous haute protection, dans la cour de son « palais », sous la menace latente de l'occupant de son pays dont des tireurs d'élite sont postés en embuscade ?

Quant à sortir dans Ramallah, au risque d'être arrêté par les soldats israéliens qui y paradent régulièrement, c'est matériellement possible. Il l'a fait en mai / juin 2002 après le départ des forces d'occupation de la Muqata' et du centre de Ramallah pour aller dans les hôpitaux de la ville rendre visite aux dizaines de blessés. Il a aussi rapidement visité Bethléem et Jénine et Naplouse qui avaient été terriblement marquées par l'opération Rampart. Puis les griffes de Sharon se sont re- serrées, un nouveau siège de près de 8 semaines à l'été 2002 a contraint Yasser Arafat à ne plus quitter les ruines de la Muqata'a. Depuis les jeeps israéliennes rôdent tous les soirs autour de l'enceinte.

Qui, dans ces conditions, resterait en bonne santé ? Après une vie de combat, de privations, et à 75 ans…

La responsabilité du gouvernement Sharon est totale dans la situation actuelle. D'ailleurs, à lire tous les sites qui depuis hier soir, s'étendent très longuement sur l'état de santé du président Arafat, les dirigeants israéliens, qui le savent pertinemment, ont un souci : si Arafat meurt, il ne faut pas qu'Israël soit tenu responsable [1]. Leur image en serait encore détériorée. Ce qui explique en partie leur « grande générosité » et l'autorisation donnée aux équipes médicales et à Suha Arafat de se rendre à la Muqata'a, et même, aux dernières nouvelles, la permission accordée au président palestinien de se faire soigner où il veut. Ils sont « prêts à lui faire du bouche à bouche pour ne pas qu'il meure » [2], et s'il meurt il faut que ce soit à l'étranger ! Des plans sont prêts pour une situation d'urgence où il faudrait contenir la population palestinienne, inquiète [3].

Ma colère est grande que personne ne s'insurge devant l'emprisonnement de facto d'un président, élu par son peuple, et devant les conditions intolérables d'occupation qui ont amené à cette situation médicale très dégradée.

Je ne doute pas du danger de la période qui s'ouvre avec l'incapacité- que j'espère très passagère- de Yasser Arafat à représenter -avec ses manques- son peuple dans sa lutte de libération nationale.

Pour l'avoir accompagné, je suis sûre de sa détermination à lutter, contre la maladie aussi.

Je sais, comme vous tous, la force de résistance du peuple palestinien, je sais qu'elle ne va pas faiblir.

Meilleure santé Monsieur le Président !

[1] Voir sur le site de la BBC, de CNN, des médias français
[2] déclaration israélienne ce matin, voir sur Haaretz
[3] des manifestations de soutien au président ont eu lieu à Gaza cette nuit et à Ramallah des centaines de personnes ont passé la nuit devant la Muqata'


Claude Léostic, AFPS, 28 octobre 2004,

Source : France Palestine  http://www.france-palestine.org/article736.html

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