AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   



Entretien avec Naser Uways,
dirigeant des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa
 
Naser Uways est le dirigeant chef des Brigades des martyrs d'Al-Aqsa. Il est né en 1970. Il est du camp de Balata, à Naplouse. Arrêté le 13 avril 2002, il est détenu en isolement dans la prison de Beer Saba'.
 
Plusieurs années avant 1965, des groupes restreints de jeunes ayant la foi dans la justesse de leur cause et issus de la détresse, de la souffrance et de l'exil, se sont rencontrés pour frayer un nouveau chemin où se mêlaient le défi, l'initiative et l'action au niveau historique. Ils ont fondé le mouvement du Fatah qui a mené la lutte palestinienne dans toutes les étapes de l'exil, qui a sorti notre peuple de son état de défaite et de quémandeur de nourriture pour en faire un peuple combattant pour la liberté, le retour et l'indépendance.
 
Par son action révolutionnaire précoce en tant que mouvement de libération, Fatah a mené des combats sur tous les fronts idéologiques et existentiels pour prouver l'identité palestinienne, présenter le Palestinien comme un être humain ayant des droits et souhaitant la vie, la libération et la fin de l'occupation et de l'ignorance.
 
La pluralité idéologique à l'intérieur du Fatah
 
Historiquement, le mouvement Fatah s'est élargi pour englober toutes les visions et les orientations idéologiques, et les constituants doctrinaires existant sur la scène de l'action politique palestinienne. Par sa souplesse due au refus d'adopter une ligne idéologique précise, nous avons assisté dans le mouvement à des orientations et des dialogues, tranquilles parfois, chauds à d'autres moments, entre des positions divergentes, entre ceux qui appelaient à poursuivre la résistance jusqu'au bout, et ceux qui prêchaient le pragmatisme raisonnable, entre les réalistes et les rêveurs, entre ceux qui proposaient la vision par étapes et tactique et ceux qui proposaient une vision stratégique.
 
Toutes ces positions et ces divergences poussaient le Fatah à s'unifier, à se développer, à trouver des solutions pour sortir des dangers de l'inaction et de la fossilisation, par la recherche continue de réponses actives et réalistes aux problématiques posées par la situation palestinienne, régionale et internationale.
 
C'est par cet état d'esprit que le mouvement du Fatah a été dirigé, à travers ses premières cellules de l'organisation, en passant par l'étape de la confrontation militaire, suivie par une tentative de trouver un règlement réel à la question palestinienne pour finalement revenir à l'état de confrontation avec l'occupation, du fait de l'agression israélienne et son refus des conséquences d'une paix juste, car en tant qu'occupant, il ne s'est pas débarrassé de la mentalité d'oppression d'un peuple qui a décidé d'être libre.
 
Fatah, le pouvoir et l'élargissement de la colère
 
Mais depuis plus de dix ans ou plus, le mouvement du Fatah et ses militants vivent le fardeau de l'incapacité de l'Autorité, étant donné que le Fatah est responsable du projet de l'Autorité et du règlement.
 
La non séparation entre le Fatah et l'Autorité et ses incapacités ont poussé à élargir le cercle de la déception à l'intérieur des rangs du mouvement. Les voix se sont élevées pour réclamer la réforme, redorer le blason de l'organisation, mais tous ces appels et ces protestations ont été mis à l'écart. C'est ce qui a poussé plusieurs cadres du Fatah, qui ont connu la douleur et la souffrance dans les prisons et les ténèbres des cellules, à sortir de cet état de déception et d'incapacité à répondre à la problématique du changeant et du permanent à l'intérieur du mouvement. Ils ont pris l'initiative de fonder les milices armées du mouvement Fatah qui se sont développées pour devenir les Brigades des martyrs d'al-Aqsa.
 
Les Brigades des martyrs d'al-Aqsa et la fondation
 
Après une longue série de consultations entre les gens sincères du mouvement, les Brigades sont venues pour mettre  un terme à l'état d'anarchie dans la pensée de certains, les premières consultations ont eu lieu pour mettre un terme à ceux qui voulaient éloigner le mouvement de sa dimension résistante.
 
Les Brigades sont venues en poursuivant le mouvement Fatah et son héritage combattant et résistant. Je me rappelle comment le martyr, fondateur du mouvement,Yasser al-Badawi, répétait ; "Nous ferons des Brigades l'épée du Fatah, la cime d'al-Asifa (forces armées du Fatah), le coeur et la conscience des pauvres", je me rappelle encore comment a été conçu l'emblème des Brigades, par l'un de ses premiers fondateurs et dirigeants, à partir de l'emblème d'al-Asifa.
 
Ici viennent les noms des premiers des Brigades, qui par leurs discussions et consultations, voulaient créer un corps du Fatah capable de faire face. Certains d'entre eux sont tombés martyrs, et ils sont nombreux, d'autres se trouvent dans les prisons de l'occupation et dans l'isolement, faisant face à l'arrogance de l'occupation et à ses dures condamnations avec un moral élevé et une volonté inébranlable. D'autres poursuivent le chemin, protégés par nos mères et nos enfants.
 
Pourquoi les Brigades ?
 
Si les Brigades des martyrs d'al-Aqsa sont le résultat d'une réflexion profonde pour trouver les moyens de répondre aux défis au niveau de la Patrie et du mouvement en tant qu'avant-garde de notre peuple, les Brigades ont représenté en même temps un état de colère contre le cadre officiel du mouvement, ce cadre qui est devenu un fardeau pour le mouvement, qui est dirigé au lieu d'être dirigeant, qui profite sans être utile, à l'arrière des rangs au lieu d'être au début, recherchant les prérogatives, éloigné des proéccupations de la base et des militants, les bras baissés devant le sort, considérant en même temps qu'il s'agit d'un sort contre lequel il ne peut rien.
 
Il est comme un cadre officiel qui a empêché le renouvellement du mouvement et il a de plus contribué à restreindre sa popularité, car le cadre officiel est devenu inapte et incapable de lire la réalité du mouvement et du peuple. Il est devenu prisonnier des thèses et mots d'ordre dont les militants du mouvement sont fatigués de répéter, tout en affirmant que dans ce cadre, certains ont protégé, travaillé, innové sans que cela n'ait eu d'influence pour un réel changement.
 
Les Brigades sont venues aussi comme un état de colère contre l'Autorité, accompagné d'une corruption structurelle élargie, cette Autorité qui a essayé d'emmener l'organisation (OLP) et le Fatah et toutes les organisations vers de nouveaux carrés et des paris perdus, non du fait de son instauration, mais du fait de sa pratique qui fut extrêmement mauvaise, avec des expériences et des échecs, avec l'absence de l'institution, en mettant des gens incapables dans tout ce qui touche le citoyen palestinien, sa sécurité et sa vie. Nous étions capables, aux Brigades, de porter un coup et de faire mal à tous les corrompus, mais la crainte d'une guerre interne et d'une anarchie nous ramenait toujours à réfléchir à la question.
 
Les Brigades d'Al-Aqsa ne sont pas un phénomène spontané, mais une attitude solide de réponse à l'agression israélienne contre notre peuple. Il s'agit d'un message clair à l'occupation, la capacité du mouvement de retourner au combat. Il n'est pas possible que nous restions les bras croisés alors que notre peuple se fait massacrer tous les jours par les forces de l'occupation. Même si les Brigades sont pour la paix, elles sont contre la soumission, et dans cette bataille, les Brigades ont offert le meilleur de ses fils en martyrs, sans hésiter, pour la liberté, le retour et l'indépendance, afin qu'elles soient comme des étoiles dans le ciel de notre patrie.
 
Position concernant les propositions d'accalmie
 
Beaucoup se demandent ces jours ci sur la position des Brigades concernant l'évolution de la situation après la mort du président Arafat, l'élection du frère Mahmoud Abbas à la présidence de l'Autorité et de l'Organisation, et la présidence par le frère Farouk Qaddoumi du mouvement Fateh, et nous pouvons tous demander : Est-ce les Brigades vont abandonner les armes ? Son existence s'est-elle achevée ? Ou bien les Brigades sont un cadre ne dépendant pas de la volonté de la direction du Fateh ? Les Brigades vont-elles encore accepter une nouvelle accalmie ?
 
Nous savons tous que les Brigades ne se sont pas formées par une décision et elles ne s'annuleront pas par une décision. Toutes ces questions cruciales auront leurs réponses en fonction de l'évolution de la situation. Les Brigades ne sont pas une fin en soi, mais un moyen.
 
Nous avons voulu sortir de l'état de silence vers l'action, pour mettre fin à l'occupation et la réforme de la maison palestinienne, pour relever le mouvement. C'est pourquoi les Brigades ne s'annulent pas par une décision, et son activité ne cessera pas tant que l'occupation se poursuit contre notre peuple et notre terre, tant qu'elle assassine nos cadres, nos jeunes, nos enfants, nos femmes et nos vieillards. Même si nous, les Brigades, avons payé cher pour le mouvement Fatah et notre juste cause, nous serons tout à fait sérieux pour analyser ce qui nous est proposé, sur les positions sérieuses qui visent l'avenir.
 
Mais nous n'accepterons aucune solution dérisoire. Nous soutiendrons par contre tous les efforts annoncés par Abu Mazen pour la réforme, la fin de l'occupation, le maintien des constantes nationales. Nous donnerons une fois encore une chance pour l'action politique, nous ne serons pas une pierre d'achoppement devant tout ce qui est positif et fertile et qui va dans le sens des intérêts de notre peuple.
 
Mais l'occupation doit savoir que ce peuple a ses soldats fidèles, qui resteront aux aguets pour le défendre et repousser toute agression contre lui ou toute tentative de toucher à sa direction sur le terrain, ou la nouvelle direction politique. Dans ce cadre, les dirigeants des Brigades qui sont en prison apprécient les paroles de Zakaria Zubaydi affirmant que tout cessez-le-feu n'intervient qu'après la consultation de l'ensemble des dirigeants des Brigades sur le terrain , qui sont en prison ou hors de prison.
 
Que voulons-nous de la nouvelle direction du Fatah, de l'Autorité et de l'OLP ?
 
Il est exigé que dans la phrase prochaine, nous nous engageons fermement sur les programmes électoraux annoncés qui sont le programme du mouvement Fatah.
 
Il est temps de demander des comptes aux corrompus, de les punir, de les empêcher de poursuivre, ils sont peu nombreux mais leurs actes sont grands et dépassent l'imagination.
 
Il est temps de mettre de l'ordre dans la rue, de supprimer les armes d'apparat qui ne servent pas à la résistance.
 
Il est temps de mettre fin aux actes de tous ceux qui profitent de la situation pour faire du chantage envers le citoyen, sa sécurité et la source de ses revenus.
 
Il est temps de voir de nouveaux visages dans les ministères, des gens capables, de vrais patriotes.
 
Il est temps de mettre fin au clientélisme, de dilapider les finances publiques par des dépenses anarchiques sur les proches et la cour et les institutions illusoires.
 
Il est temps de recourir à l'institution et à la primauté du droit. Le citoyen veut voir des actes effectifs dans la réalité. Abu Mazen ne devrait pas permettre, effectivement, aux groupes de corrompus de se masser autour de lui, car ils sont les assassins de tous ceux qui sont sincères et une maladie tuant tout ce qui est fertile.
 
Il est demandé que s'ouvre une nouvelle période dans tout le sens du terme, qui garde ce qui est bon et rejette ce qui est mauvais, où les droits des gens soient protégés, que les gens soient égaux devant la loi, que tous les dossiers de pillage et de vol des institutions palestiniennes soient ouverts, que tous les dossiers des assassinats et de la mise en danger de la sécurité des citroyens soient ouverts.
 
Il est demandé de renforcer l'unité nationale, de s'éloigner de la lutte civile, de renforcer les valeurs démocratiques en recourant aux urnes des votes pour élire des représentants véritables pour notre peuple, dans toutes ses composantes et ses classes et ses groupes politiques.
 
Il est demandé plus qu'à tout autre moment de se préoccuper de toutes les provinces à égalité, de mettre un programme de développement réel où l'individu palestinien soit le pivot de ce développement en renforçant sa résistance et sa créativité.
 
Au niveau de l'OLP, il faut nécessaire de convoquer la tenue d'un conseil national. Il n'est pas acceptable que l'OLP ne prenne pas en compte notre peuple à l'extérieur. Il y a d'importantes communautés palestiniennes dans le monde qui souffrent du manque d'intérêt et de suivi, et qui ont besoin d'être représentées réellement au conseil national.
 
Il est également nécessaire de poursuivre la discussion et le dialogue avec les frères du Hamas pour parvenir à un programme national unifié qui nous amène tous à participer à l'OLP, qui reste le représentant légitime et unique du peuple palestinien, où qu'il se trouve (et nous devons tous savoir) que l'OLP et sa légitimité sont une ligne rouge qui ne peut être remise en cause, la légitimité de l'OLP a coûté de dures batailles et un fleuve de sang de martyrs à notre peuple.
 
Au niveau du mouvement Fatah, il est exigé des frères Abu Mazen, Farouk Qaddoumi et Abu Maher Ghnaym d'agir sérieusement pour tenir un congrès général du mouvement, de nourrir le mouvement et ses institutions avec du sang neuf, de supprimer le slogan "membre du comité central ou du conseil révolutionnaire jusqu'à la mort".
 
Ce congrès constituera en même temps une nouvelle étape et une continuité pour les générations, contrairement à ce qui s'est produit pendant de longues années où les générations à l'intérieur du mouvement étaient coupées les unes des autres, où il y avait une coupure entre le sommet et l'organisation.
 
Dans cette optique, le Fatah doit savoir quel est le défi qui l'attend lors des prochaines élections législatives. Il ne peut proposer des candidats ayant nui à notre peuple, ayant agressé ses propriétés et sa sécurité. Le mouvement Fatah a un réservoir d'hommes et de gens capables et sincères qui ont gardé leurs mains propres, non souillées par l'argent public, ou par le sang des enfants dignes de notre peuple. Il faut absolument éviter de présenter aux élections des personnalités qui n'ont pas prouvé leur capacité au cours des périodes précédentes.
 
Les Brigades, vers où ?
 
Sans hésitations ni détours, nous devons accorder une chance pour l'action politique et interne à laquelle s'est attelé Abu Mazen, et nous considérons que celui qui met des obstacles à cette action veut maintenir l'anarchie afin d'éviter qu'il ne lui soit demandé des comptes sur un manquement à sa tâche, un crime par çi, une corruption par là.
 
En réalité, seuls les corrompus et les profiteurs essaieront de mettre en cause la marche du frère Abu Mazen et le programme politique proposé qui est le programme du mouvement Fateh avec tout ce qu'il comporte de clarté, de confiance et de fermeté.
 
Les Brigades seront toujours, comme elles l'ont été, unifiées autour d'un seul homme, présentes dans les conditions les plus difficiles pour agir et prendre l'initiative. Elles seront les soldats respectueux des décisions au moment où il le faut, défendeurs du peuple face à toute agression. Nous retournerons à nos études, à nos fonctions et travaux, mais les Brigades resteront prêtes à agir lorsqu'il apparaîtra qu'il ne sert à rien à discuter avec l'ennemi, et il n'y a pas d'accalmie ou de cessez-le-feu sans payer le prix.
 
Le prix est le retrait israélien, la fin des assassinats, la libération des prisonniers de la liberté appartenant à toutes les organisations, le jugement des corrompus, la poursuite de la réforme de la situation interne, le renforcement du contrôle sur l'argent public, le refus de toutes solutions partielles, le maintien des constantes nationales mais aussi assurer une vie digne aux combattants qui ont offert leur vie pour la défense de la liberté. C'est une mesure qui doit être exécutée de façon à ce que le combattant préserve sa dignité et sa fierté, n'étant pas un lieu de compromis.
 
Mais est-ce que cela signifie que les Brigades vont se démanteler ou finir ? Non, les Brigades en tant qu'individus ne sont pas finis car ils font partie de ce peuple. Les Brigades seront prêts à agir dans toute bataille prochaine suite à une agression ou à une attaque israélienne.
 
Finalement, il est nécessaire de dire que le mouvement du Fatah vit actuellement une situation difficile dont personne ne peut affirmer avec certitude l'issue. La situation montre qu'il y a deux choix devant le mouvement : ou se relever, avec sa réalité et la réalité de son peuple, en menant une critique sérieuse et réelle de la pratique passée, et en recherchant l'avenir aurpès des hommes fidèles et capables, tout en écartant ceux qui ont mal agi et ont semé la corruption, ou l'effritement et la disparition, ce qui sera un coup dur pour le mouvement national palestinien, peut-être pour plusieurs générations.
 
Article paru le samedi 29 janvier 2005 sur www.arabs48.com
Rapporté et traduit par R.Ousseiran ( r.ousseiran@tiscali.fr )

 

Source : Liste Assawra

 

Ce texte n'engage que son auteur et ne correspond pas obligatoirement à notre ligne politique. L'AFPS 59/62,  parfois en désaccord avec certains d'entre eux, trouve, néanmoins, utile de les présenter pour permettre à chacun d'élaborer son propre point de vue."

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