AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


Eminent spécialiste de la politique de colonisation d'Israël, Khalil Al-Tafakji est le chef du département de cartographie à la « Maison de l'Orient » à Jérusalem-Est. Il explique les objectifs du dernier plan de colonisation israélienne à Jérusalem et ceux du retrait envisagé de la bande de Gaza.

 
« L'obsession démographique trace la politique
d'Israël vis-à-vis des questions du statut final 
»
 
Quelle est la nature du nouveau plan israélien, annoncé le 5 août, de construire 600 nouveaux logements à Maalé Adoumim, la plus grande colonie de Cisjordanie (28 000 habitants) et de construire une nouvelle colonie, baptisée E1, reliant cette dernière à Jérusalem-Est ?
 
La construction de la colonie E1 a été annoncée en 1994, à l'époque de Yitzhaq Rabin. Elle a ensuite été approuvée en 1997 et actuellement son infrastructure est lancée. Elle s'étendra sur 1 500 hectares de terrain avec 4 000 logements et 3 hôtels. Sa construction empêchera toute expansion vers l'Est (la Cisjordanie) de la partie orientale, arabe, de Jérusalem, même si la ville devient la capitale de l'Etat palestinien. En d'autres termes, les villages palestiniens qui se trouveront à l'ouest de la colonie seront coincés entre la colonie E1 et celles établies à l'intérieur de Jérusalem élargie.
Quant au bloc de colonies de Maalé Adoumim, il est en cours d'élargissement conformément au plan de séparation d'avec les Palestiniens du premier ministre Ariel Sharon. L'objectif est d'annexer ce bloc qui se compose de 10 colonies et qui représente, avec deux autres blocs de colonies entourant le Grand Jérusalem, 10 % de la superficie de la Cisjordanie.
Le bloc de Maalé Adoumim — tel qu'il a été conçu — est censé séparer le nord de la Cisjordanie — Ramallah, Jénine et Naplouse — de son sud — Hébron, Bethléem et Beit Jala. Israël a relié Maalé Adoumim à Jérusalem-ouest par des tunnels construits en dessous de la montagne Al-Macharef. Actuellement, un tunnel est en cours de percement en Israël, sous le Mont des oliviers, pour servir cet objectif. Sans parler du mur raciste de séparation construit en Cisjordanie. L'objectif étant de regrouper toutes les concentrations démographiques arabes à Jérusalem derrière le mur et, par conséquent, s'assurer que les Palestiniens ne deviennent une majorité dans la Ville sainte.
 
Quelles sont les colonies juives qui sont destinées à encercler Jérusalem-Est et la couper du reste de la Cisjordanie, pour couper court à toute tentative à l'avenir d'en faire la capitale d'un futur Etat palestinien ?
 
Du côté Est, il y a le bloc de colonies de Maalé Adoumim. Un autre bloc de cinq colonies se trouve au nord-ouest et un troisième au sud-ouest. Toutes ces colonies font l'objet d'expansion afin d'imposer le fait accompli à Jérusalem. Depuis 1948 et jusqu'à la veille de la guerre de juin 1967, la superficie de Jérusalem était de 6,5 km2. A l'issue de l'occupation israélienne de Jérusalem en 1967, le 28 juin, Israël a élargi la superficie de Jérusalem-Est à 72 km2. Et depuis cette date, Israël a confisqué 24 km2 du territoire de Jérusalem-Est où il a bâti 15 colonies.
 
Quel est l'impact du mur de séparation sur l'avenir de Jérusalem ?
 
Le mur de séparation raciste que construit Israël à Jérusalem-Est a deux objectifs : le premier est d'ordre démographique et le second a trait à la mainmise d'Israël sur Jérusalem-Est. En 1973, la commission ministérielle israélienne pour les affaires de Jérusalem présidée par le premier ministre de l'époque, Golda Meir, a décidé que le nombre des habitants arabes de Jérusalem ne doit pas dépasser 22 % des habitants de Jérusalem-Est et ouest. Les dernières années, les Israéliens ont été surpris de constater que les habitants arabes de Jérusalem-Est ont atteint 250 000, donc environ 35 % de la totalité des habitants des deux secteurs de Jérusalem. Israël a considéré cette croissance démographique palestinienne comme une ligne rouge. Pour y faire face, il s'est trouvé devant deux options. La première consiste à élargir les frontières de Jérusalem et la seconde à expulser les habitants palestiniens en dehors de Jérusalem-Est. Israël a profité des événements du 11 septembre aux Etats-Unis, pour tenter de se débarrasser de 100 000 habitants palestiniens de Jérusalem-Est, en projetant de les expulser en dehors de la ligne de séparation qu'il construit actuellement. Mais Israël s'est rendu compte que ce mur assure une séparation entre les habitants palestiniens eux-mêmes à Jérusalem et non pas entre les Palestiniens et les colonies. Par conséquent, ce mur ne réalise pas l'objectif sécuritaire d'Israël, qui est de séparer les Palestiniens des Israéliens. Aujourd'hui, la politique israélienne tend à isoler les quartiers palestiniens en les sortant du mur et ce, afin de réduire la densité démographique arabe à Jérusalem-Est. Il existe actuellement des divergences au sein des milieux sécuritaires et politiques en Israël sur les moyens de se débarrasser des habitants palestiniens de Jérusalem.
 
Qu'en est-il du plan israélien de mettre en place un « Grand Jérusalem » ?
 
Il existe deux conceptions au sein d'Israël pour Jérusalem : la première y voit une « Jérusalem élargie », celle qui a été élargie depuis 1967 et dont la superficie est équivalente à 1,2 % de celle de la Cisjordanie, c'est-à-dire de Jérusalem-Est et ouest dont la superficie est de 326 km2. L'autre conception rêve d'une « Grande Jérusalem ». Pour la concrétiser sur le terrain, Israël planifie d'inclure les colonies se trouvant en dehors des limites de la municipalité de Jérusalem à l'intérieur de la ville. Le but étant de réaliser un objectif stratégique à long terme. Celui de situer géographiquement la Ville sainte au cœur de l'Etat hébreu.
 
Où en est-il de la construction du mur de séparation en Cisjordanie ?
 
La première étape de sa construction, d'une longueur de 116 km, est sur le point d'être achevée. Elle commence au village Zabouba, du nord-ouest de Jénine jusqu'à la région de Qalqilya. Ce mur garantit la domination d'Israël sur les nappes phréatiques, l'inclusion de 80 % des colons et 70 % des colonies derrière le mur, c'est-à-dire entre le mur et la ligne verte (celle de l'armistice de 1949, Ndlr) ainsi que la confiscation de terrains palestiniens. Il s'agit également de réaliser un objectif sécuritaire propre à l'aéroport de Lodd. La seconde étape est en cours d'exécution dans le sud de Bethléem.
 
Existe-t-il une relation entre le tracé du mur et la crainte d'Israël du développement démographique palestinien ?
 
C'est l'obsession démographique qui trace la politique d'Israël vis-à-vis des questions du statut final avec les Palestiniens. Les Israéliens croient que d'ici 2020, il y aura une majorité arabe entre le Jourdain et la Méditerranée et que le nombre des habitants arabes sera de 55 %, contre 45 % de juifs. C'est pour cette raison qu'Israël tente de se débarrasser des habitants arabes. Il prévoit ainsi de se débarrasser d'un million et demi de Palestiniens, habitants de la bande de Gaza, dans le cadre de son plan de retrait de ce territoire. Et ce, contre l'évacuation de 7 500 colons juifs résidant dans la bande de Gaza. En Cisjordanie, l'Etat hébreu prévoit de la transformer en cantons sous son contrôle et de maintenir sous sa domination les terrains non habités.
 
Enfin, est-il possible d'établir, dans ces conditions, un Etat palestinien viable ?
 
Il est possible d'instaurer un Etat palestinien si Israël en a la volonté politique nécessaire. Mais en réalité, Israël veut appliquer un plan visant à transformer la Cisjordanie en des cantons qui seront liés à la Jordanie. C'est le contenu du projet proposé par Ariel Sharon en 1983, qu'il a développé dans les années 90 et qu'il cherche à appliquer aujourd'hui. Un projet qui entrave la création d'un Etat palestinien avec des frontières et une identité géographique. Sharon répète toujours que l'Etat palestinien sera bâti sur la bande de Gaza et 42 % seulement de la superficie de la Cisjordanie, et qu'il sera encerclé par Israël de tous les côtés et soumis à son contrôle total.    Reference
 
Propos recueillis par Mohamad Moustapha

Source: Liste Assawra. www.aloufok.net

Retour - Ressources  - Accueil