AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


Ha'aretz, le 9 janvier 2005

 

RABBINS ET IMAMS S'UNISSENT 
FACE A L¹EXTRÉMISME RELIGIEUX

 

par Daniel Ben-Simon
(trad. Tal pour LPM)


Quelques instants avant que l¹Europe n¹observât, mercredi dernier, trois
minutes de silence en mémoire des victimes du tsunami, les membres des
clergés juif et musulman assemblés au Palais d¹Egmont [à Bruxelles]
décidèrent de s¹y joindre. Deux jours plus tôt, les prêtres [des confessions
du Livre] s¹étaient retrouvés pour chercher ensemble le moyen d¹un plus
grand engagement religieux sur la voie d¹un apaisement du sanglant conflit
israélo-palestinien.

A midi juste, tous les participants se levèrent autour des tables de la
majestueuse salle de conférence. Rabbins et imams, ainsi que les prêtres
chrétiens présents, se tinrent côte à côte, inclinant la tête en silence.
Soudain, le grand rabbin de Haïfa, Shlomo Chelouche, prononça une courte
prière à la mémoire des victimes. Et toute l¹assistance dit « amen » à la
fin. Le zimer Omer Farouk Touran, ancien mufti d¹Istanbul, récita alors
quelques versets du Coran. Il n¹avait pas sitôt fini que le grand rabbin de
Rishon-le-Zion, Yossef Azran, chantait un psaume, la voix tremblante de
larmes. Lorsque les trois minutes prirent fin, l¹assistance resta debout.
Quelques-uns essuyaient une larme.

« C¹est la preuve que rabbins et imams peuvent ¦uvrer ensemble à un objectif
commun [conduisant vers la paix] », déclara le rabbin René-Samuel Sirat,
ancien grand rabbin de France [1]. « En toute une vie de rabbin, jamais je
n¹ai rien connu de tel », ajouta R.-S. Sirat, invoquant la bénédiction juive
ouvrant une ère nouvelle [2].

Le Hojat al-Islam Muhammad Mehatali, haut dignitaire iranien, regarda ses
confrères avec stupeur : « Ces instants marquent l¹apogée de la conférence,
dit-il. Où a-t-on jamais vu musulmans et juifs prier telle une seule famille
? »

L¹émotion ne fit pas défaut à cette assemblée sans précédent des « Imams et
rabbins pour la Paix », qui se tenait sous l¹égide de l¹association Hommes
de Parole. Plus de 200 personnes étaient là réunies, juifs et musulmans
aussi bien que chrétiens venus du monde entier pour porter ce message : la
religion ne demande pas que l¹on tue, et qui prend une vie en son nom
transgresse un commandement divin.

La conférence se conclut vendredi par l¹engagement commun des clercs juifs
et musulmans de travailler à mettre fin à l¹effusion de sang entre
Israéliens et Palestiniens et de lutter par tous les moyens en leur pouvoir
contre la haine, l¹ignorance et l¹extrémisme des deux côtés. A la lecture de
la déclaration, les participants se dressèrent pour applaudir.

Les participants se rapprochèrent progressivement au fur et à mesure que la
conférence se déroulait. Des rabbins qui n¹avaient jamais rencontré d¹imam
parlaient avec eux librement pendant les séances. Ils mangèrent tout d¹abord
à des tables séparées ­ les juifs ici, les musulmans là, échangeant des
regards méfiants ; le lendemain, la distance était déjà moins grande ; et le
troisième jour, ils s¹asseyaient côte à côte, se tenant même par l¹épaule
sur les photos.

Le mercredi, chacun faisait l¹éloge de la foi du voisin. « Nous sommes tous
les enfants d¹un même père, le patriarche Abraham », dit rabbi Eliyahu
Bakshi Doron, [grand rabbin d¹Israël].

Le cheikh Talal Sedir de Hébron [3] émut l¹assemblée en invitant les
participants à aller dans chaque mosquée et chaque synagogue pour prêcher la
paix et le respect : « C¹est là un commandement divin, nous devons former
une génération à la paix et l¹amour de l¹autre », déclara-t-il.

« Comment se fait-il que toutes les prières juives s¹achèvent par le mot
paix, que toutes les prières musulmanes s¹achèvent par le mot paix, et que
nous nous tuions les uns les autres ? », s¹interrogeait cheikh Abdul Jalil
Sajid, imam de Brighton, en Angleterre.

Rabbi Yaakov Ariel, grand rabbin de Ramat Gan et opposant notoire au
désengagement, surprit tout le monde par son ton conciliant : « Le judaïsme
et l¹islam ont une mission commune, dit-il, celle d¹apporter un message au
monde. N¹avons-nous pas un seul père ? Pourquoi alors devrions-nous nous
faire mutuellement du mal ? »

La majeure partie des pays d¹Afrique et d¹Asie était représentée parmi les
imams, vêtus de leurs robes traditionnelles et le chef couvert d¹un
arc-en-ciel de couleurs. L¹ancien président de l¹Indonésie, Abdul Rahman
Wahid, dut cependant annuler sa venue du fait des ravages du tsunami dans
son pays.

« Les extrémistes ont pris Dieu en otage », dit André Azoulay, conseiller du
roi du Maroc. « Malheureusement, ils sont plus puissants que les hommes de
paix juifs et musulmans. » Les participants s¹efforcèrent ardemment de
marquer leur distance vis-à-vis des horreurs perpétrées au nom de Dieu par
des fanatiques.

La conférence fut marquée par le désir des clercs de s¹inscrire dans le
processus politique. Plusieurs d¹entre eux notèrent que, sans légitimation
religieuse, aucun accord politique ne durerait ; et prirent conscience que
s¹ils ne contrôlaient pas les extrémistes, ceux-ci pourraient répandre une
traînée de haine religieuse qui enflammerait toute la région.

A la fin de la conférence, les participants se prirent par les mains en
chantant Eveinou shalom aleih¹em [4], un chant hébreu célébrant la paix. «
Nous construisons l¹histoire », conclut Alain Michel, chrétien de France et
président des Hommes de Parole [5].

NOTES______________________________________________

[1]  Le rabbin Sirat est actuellement directeur de la chaire Unesco de la
Connaissance réciproque des religions du Livre.

[2] « Loué soit le Seigneur, roi de l¹univers, qui nous a fait vivre et nous
a permis de connaître ce jour mémorable entre tous. »

[3]  Le cheikh Talal Sedir est le représentant de l¹Autorité palestinienne
pour les Affaires interreligieuses.

[4]  Litt. « Nous vous avons apporté la paix. »

[5]  Sur le site de l¹association (http://www.hommesdeparole.org/) figure un
large dossier sur ce premier congrès mondial des imams et rabbins pour la
paix, où les communautés juives et musulmanes de 34 pays d¹Afrique,
d¹Europe, d¹Asie, du Moyen-Orient et d¹Amérique étaient représentées.

Au nombre des personnalités musulmanes, de Tachkent au Niger en passant par
l¹Italie ou le Canada, notons pour le Proche-Orient la présence du
porte-parole du Conseil des oulémas palestiniens, Abdul Rahman Abad ; du
chef de la communauté des musulmans chiites, Syed Agha Jafri ; ou de Mohamed
El Gahzwi, professeur de charia à l¹université de Jordanie.

Ajoutons, pour Jérusalem, le cheikh soufi de la communauté ouzbek, Abdul
Aziz Bukhari et le juge islamique Mohammed Zibdeh ; et, en Israël, le cadi
Dawoud Zini, juge d¹Akko [St Jean d¹Acre]. Et, toujours sur le pourtour
méditerranéen, l¹anthropologue marocain Faouzi Skali Lami.

Plus près de nous, le secrétaire général du Conseil des imams de France,
Dahou Meskine et les présidents des Fédérations musulmanes de France et de
Belgique, Mohammed Bechari et Mohammed Boulif étaient présents ­ tout comme
le président du Consistoire de France, Moïse Cohen.

Parmi les personnalités juives, dont beaucoup venues d¹Israël ou des grandes
communautés des pays occidentaux, mais aussi d¹Ukraine ou de Roumanie,
quelques noms encore :

Ceux, pour Israël, du président de la Cour rabbinique, Shear Yashouv Yosef
Cohen, président de la Cour rabbinique ; et du grand rabbin de la communauté
juive éthiopienne, Yosefe Hadane.

Notons aussi, pour la France, la participation des rabbins Rivon Krygier, de
la communauté massorti de Paris Adath Shalom ; Daniel Farhi, du MJLF ; et
Michel Serfaty, rabbin de Ris-Orangis et délégué du consistoire pour les
affaires interreligieuses, tous présents de longue date sur le terrain du
dialogue < de même, au-delà de nos frontières, que Joseph Levi, grand rabbin
de Florence.

Pour la Belgique, celle du grand rabbin de Bruxelles, Albert Guigui.

Et celle, pour le monde universitaire et associatif, de Charles-Alain
Ouaknin, aujourd¹hui professeur à l¹université Bar Ilan ; du professeur
Adolphe Steg, au nom de la Fondation de Rothschild ; de David Susskind,
président d¹honneur du CCLJ de Belgique ; ou du rabbin David S. Rosen,
directeur des affaires interreligieuses à l¹American Jewish Committee.

Soulignons enfin la présence de Jean-Arnold de Clermont, président de la
Fédération protestante de France ; et celle d¹une femme en ce monde d¹Hommes
de Parole, Mme Tania Heidsieck chercheuse en herméneutique biblique et
coranique.

Source : La Paix Maintenant

 

Ce texte n'engage que son auteur et ne correspond pas obligatoirement à notre ligne politique. L'AFPS 59/62,  parfois en désaccord avec certains d'entre eux, trouve, néanmoins, utile de les présenter pour permettre à chacun d'élaborer son propre point de vue."

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