| Ha'aretz, dimanche 26 décembre 2004 Où s'arrête la
      patriePar Uzi Benziman
 
 (trad. Tal pour LPM)
 Le débat qui eut lieu la semaine passée dans les bureaux de la ministre
      de
 la Justice, Tzipi Livni, ont montré que l¹État considère la fondation
      de
 chaque implantation dans les Territoires comme un acte purement
      conjoncturel
 mis en ¦uvre avec le concours du commandant militaire de la zone.
 
 Il s¹ensuit que la bouche qui l¹a permis peut aussi l¹interdire. Ceux
      qui
 s¹opposent à l¹évacuation de la bande de Gaza et du nord de la Samarie
      ne
 peuvent donc prétendre que le décret d¹indemnisation est
 anticonstitutionnel. L¹État a toute autorité pour ordonner aux Forces
      de
 défense d¹Israël : de déclarer les régions promises à évacuation 
      zone
 militaire d¹accès restreint ; d¹y agir selon les besoins du moment,
      tels que
 le gouvernement les formule.
 
 Quand l¹État définit l¹entreprise de colonisation dans les Territoires
      comme
 une suite de décisions dont chacune est indépendante des autres, il
      proclame
 qu¹elles sont soumises à variation en fonction d¹un changement de
      situation.
 De nouvelles circonstances l¹autorisent à les démanteler, tout comme
      [les
 anciennes] lui avaient permis de les fonder. La position adoptée par l¹État
 équivaut à reconnaître l¹absence d¹une politique directrice, d¹une
      vision
 cohérente du monde qui verrait dans l¹entreprise de colonisation un élément
 sans lequel les fondements même de son existence ne sauraient être.
 
 Les implantations, l¹État en donne confirmation rétroactive,
      constituent un
 lacis d¹improvisations, qui a effectivement créé en Cisjordanie et dans
      la
 bande de Gaza une réalité différente de celle préexistant à 1967,
      sans pour
 autant former une entité unique avec l¹Israël de l¹intérieur de la
      Ligne
 verte.
 
 Les réticences des gouvernements successifs à définir de façon précise
      la
 relation de l¹État aux territoires occupés sont soudain mises en évidence,
 exposant aux yeux de tous le gouffre qu¹elle surplombe. Israël n¹a pas
      rendu
 les Territoires, mais ne les a pas non plus annexés. Quand un État fait
      le
 choix de ne pas délimiter ses frontières géographiques, ses frontières
 internes, qui déterminent son identité et posent les règles du jeu,
 demeurent floues elles aussi.
 
 Les initiatives récemment prises par les colons et leurs sympathisants
      afin
 de lancer un mouvement de refus organisé qui saperait toute possibilité
 d¹exécution du plan de désengagement, d¹une part, et les signes d¹éclosion
 d¹une organisation symétrique émanant de parents de soldats
      encourageant
 leurs enfants à refuser de servir dans les Territoires, de l¹autre,
 témoignent de l¹égarement d¹une société israélienne errant dans un
 brouillard sans limites.
 
 Bien que ces formes de refus représentent une menace pour la cohésion
 interne du pays, elles ne sont pas vraiment dangereuses. Loin d¹être la
 marque d¹un refoulement, en effet, elles sont l¹authentique reflet d¹une
 réalité israélienne pathologique qui dure depuis 37 ans. Le pays se
      divise
 entre ceux qui sont intimement convaincus que l¹occupation est le poison
      qui
 met son existence en danger et ceux qui croient de toute leur âme que le
 retrait des Territoires sera la cause de la destruction de l¹État. D¹un
 côté, ceux qui soutiennent que la tutelle exercée sur le peuple
      palestinien
 confronte l¹État à des dilemme dont la résolution ronge chaque fois
      plus ses
 fondements ; en face, ceux qui croient que l¹existence de l¹État dépend
      de
 sa capacité à tenir les Territoires.
 
 Deux visions différentes de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sont à
      la
 base du conflit. La « droite » (ses franges extrêmes, tout au moins)
      les
 considère comme un fragment de la patrie, à l¹égal de la Galilée et
      du
 Néguev ; alors que la « gauche » (en tout cas son noyau dur idéologique)
      les
 voit comme le territoire d¹une autre peuple. Des hésitations de l¹État
      à
 déclarer la Judée, la Samarie et Gaza partie intégrante du pays, on
      peut
 inférer son approche de la question.
 
 Au cours des trois mois à venir, les phénomènes témoignant de cette
      fracture
 interne vont connaître une escalade au gré du calendrier d¹application
      du
 plan de désengagement ; nous ne pourrons en faire l¹économie. Le moyen
      de
 contenir la fracture n¹est ni de restreindre la liberté d¹expression ni
 d¹user du bras de la loi contre les pétitions, les étoiles oranges ou
      les
 décrets halakhiques des rabbins.
 
 L¹arène qui convient est celle du débat public. La société tout entière
 devrait se demander vers quoi elle se dirige. Elle est capable de choisir
 entre les deux conceptions fondamentales qui la divisent, et de trouver sa
 voie.
 
        
          
            | Source
              : La Paix Maintenant |   
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