L’autre guerre
silencieuse que vivent les enfants en situation de handicap à Gaza
Par Mohammad El-Naami, le 10
septembre 2025
https://www.chroniquepalestine.com/autre-guerre-silencieuse-que-vivent-les-enfants-en-situation-de-handicap-a-gaza/
Les
enfants de Gaza sont désormais devenus les cibles privilégiées de
l’occupation dans cette guerre d’extermination continue, et chacun d’eux
se retrouve confronté à la perspective de perdre son avenir en une
fraction de seconde.
Des
chiffres terrifiants
Avant
le début de la guerre, environ 12 % des enfants à Gaza souffraient de
divers handicaps, selon les statistiques officielles palestiniennes.
Toutefois,
avec l’aggravation des bombardements, ces chiffres ont connu une
augmentation dramatique. Selon l’Organisation Breaking the Silence,
entre 10 et 12 amputations sont rapportées quotidiennement parmi les
enfants. Par ailleurs, l’Organisation Human
Rights Watch a documenté plus de 5 230 enfants gravement blessés au
cours des 11 premiers mois de l’année 2024, dont un grand nombre risque
de souffrir de handicaps permanents.
Selon
les estimations de l’organisation Save
the Children, la guerre a entraîné, chaque mois, l’exposition
d’environ 475 enfants à des handicaps potentiellement permanents, allant
de la perte de membres à des déficiences auditives, en passant par des
blessures graves aux yeux.
D’après
le Bureau central de la statistique palestinien, il était estimé qu’en
2023, environ 98
000 enfants à Gaza, âgés de 2 à 17 ans, souffriraient de handicaps.
Toutefois,
l’agression récente a provoqué une augmentation tragique de ce nombre,
contraignant les enfants handicapés à faire face à une guerre parallèle.
Une guerre qu’ils affrontent avec des corps épuisés, dans un monde de
plus en plus impitoyable, et un exode incessant.

Sila Abu Madi, âgée de 9 ans, souffre
d’une double amputation des jambes…
L’impact de la guerre ne se limite pas à ceux ayant perdu des
membres à cause des frappes aériennes ; il affecte également des milliers
d’autres enfants, souffrant de handicaps physiques et mentaux, qui sont
confrontés à des conditions de vie encore plus inhumaines.
Dans les camps de réfugiés, ces enfants n’ont ni accès à des
soins médicaux appropriés, ni à des aides techniques, ni même à une alimentation
suffisante.
Sur le plan psychologique,
ils sont dévastés par la peur des bombardements, la faim et un désespoir
total, faisant de leur quotidien une série ininterrompue de souffrances.
La brutalité des conditions de déplacement
forcé exacerbe davantage la souffrance de ces enfants. Dans les centres
d’hébergement dispersés au sud de la bande de Gaza, on peut observer des
enfants confinés sur des fauteuils roulants vétustes, ou souffrant de
handicaps auditifs et visuels, vivant dans un isolement total.
L’exode ne leur a laissé qu’un espace exigu pour dormir, sans
équipements adaptés ni installations sanitaires adéquates. Certains
d’entre eux nécessitent des dispositifs médicaux, tels que des béquilles,
des prothèses ou des aides auditives, mais ces équipements ont été perdus
sous les décombres des maisons, ou ne peuvent plus être réparés en raison
du blocus impitoyable.
La destruction
de la plupart des hôpitaux, ainsi que le manque de médicaments et de
matériel médical, ont placé les enfants en situation de handicap parmi
les plus vulnérables à la négligence sanitaire.
Nombre d’entre eux nécessitent des séances de rééducation
régulières et des traitements médicaux constants. Cependant,
l’interruption totale des services de santé a transformé ces besoins
essentiels en rêves inaccessibles.
Ceux ayant perdu des membres lors des bombardements n’ont
trouvé personne pour leur fournir des prothèses, et ceux souffrant de maladies
chroniques se voient privés de leurs médicaments.
Il crucial de souligner que ce sont les mères qui endurent le
plus directement cette souffrance aux côtés de leurs enfants. Il arrive
de voir une mère porter son enfant paralysé dans ses bras, parcourant de
longues distances à la recherche de nourriture, de médicaments et d’un
peu de sécurité dans une Gaza
dévastée.
…

A Gaza, Yazan, âgé de deux ans, souffre
de malnutrition sévère…
…
Les enfants disparus
Ahmed Mazid, responsable de l’un des camps de déplacés dans
la région de Mawasi, au sud de Deir al-Balah, déclare : « Les enfants en
situation de handicap vivent dans des conditions extrêmement difficiles
dans les tentes, car ils manquent des éléments les plus fondamentaux de
la vie, et ils affrontent des défis quotidiens qui menacent leur sécurité
et leur existence. »
Il ajoute : « Beaucoup de ces enfants souffrent de
difficultés à dormir, à se déplacer, voire à obtenir une nourriture
adéquate. Certains enfants souffrant de handicaps mentaux se perdent loin
de leurs tentes pendant que leurs proches sont occupés. Ils errent dans
de vastes espaces, et peuvent même atteindre des zones frontalières
dangereuses, ce qui mène à leur disparition, laissant leurs familles dans
une quête désespérée qui peut se terminer par un échec ou une tragédie. »
Selon Ahmed Mazid, les tentes et les camps manquent
totalement des équipements nécessaires pour répondre aux besoins des
personnes en situation de handicap, qu’il s’agisse d’enfants, de
personnes âgées, d’amputés ou de malades psychiques. Il souligne que
l’absence d’hygiène et la malnutrition aggravent leur souffrance physique
et accélèrent la dégradation dangereuse de leur état de santé.

Mais Abdel Aal, âgée de 10 ans, a subi
une fracture du crâne après avoir été touchée par une balle tirée depuis
un quadricoptère… Elle souffre désormais d’hémiplégie… son état s’est
détérioré, notamment avec l’apparition de vers dans son crâne…
Toujours, selon lui : « Les unités médicales dans les camps
manquent presque entièrement de médicaments et de traitements de base,
sans compter l’absence de fauteuils roulants. Même ceux qui en ont un
rencontrent d’énormes difficultés pour se déplacer dans l’environnement
sableux et difficile de Mawasi, ce qui rend leur vie encore plus pénible
et renforce leur sentiment d’impuissance. »
Il poursuit : « Chaque jour, nous sommes témoins de la
disparition d’enfants en situation de handicap, notamment ceux souffrant
de déficience mentale ou de troubles psychologiques. Nombre d’entre eux
quittent leurs tentes sans jamais revenir, laissant leurs familles dans
l’angoisse et des heures de recherche désespérée. Parfois, la fin est
tragique, surtout si l’enfant atteint les zones de combat ou les
frontières où l’armée d’occupation se trouve, et qui n’épargne pas les
enfants, les assassinant sans distinction. »
Mazid conclut en déclarant :
« La situation de ces enfants exige
une intervention humanitaire urgente, que ce soit pour fournir des soins
médicaux et des équipements adaptés, ou pour améliorer les conditions de
déplacement afin de préserver leur dignité et leur droit à la vie. »
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