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DOSSIERS PRESSE

Les accords de Genève

Assez de plans, nous avons besoin de réalisations
 Rifat Odeh Kassis The Electronic Intifada
26 novembre 2003

On se demande pourquoi l'Accord de Genève n'a pas engendré de débat sérieux au sein de la communauté palestinienne, malgré le fait que l'encre avec laquelle la Feuille de Route avait été écrite avait depuis longtemps séché. Je dois confesser, pour ma part, que je n'ai pas lu cet accord et, honnêtement, je n'ai pas l'intention de le lire. Ce n'est pas parce que je suis passif. Ce n'est pas parce que je suis frustré. Et ce n'est pas non plus parce que j'ai des préjugés à son égard. Je ne vais pas lire l'accord simplement parce que j'en ai assez de ces nouvelles initiatives.
Ces dernières trente années, des dizaines, si ce n'est des centaines d'initiatives, ont été lancées et chaque nouvelle initiative a déclaré qu'elle était meilleure que la précédente. Dans presque chaque sommet arabe depuis les années 80, il y a eu des initiatives de paix qui n'ont pas vu le jour pour diverses raisons, la principale étant le rejet continuel par Israël de tout plan de paix arabe.
Nous n'avons pas besoin de plus d'idées. Nous avons besoin de réalisation. Le but du mouvement sioniste était, et est encore, la création d'un Grand Israël et la destruction de toute possibilité pour les Palestiniens de construire leur propre État, surtout en Palestine. Pour faire cela, Israël a essayé, et essaye toujours, de maintenir une instabilité dans la région en menaçant ses voisins et en interférant dans les affaires internes de tous les pays du Moyen-Orient. En effet, Israël n'a pas restreint son interférence à la région, mais l'a étendue à d'autres pays en Amérique Latine, en Amérique du Nord, en Asie, en Afrique et encore en d'autres endroits. Israël justifie cela en déclarant qu'il est menacé et qu'il doit être suffisamment puissant pour se défendre. De cette façon, il maintient sa coopération nucléaire avec le défunt système d'Apartheid en Afrique du Sud et garde ses missiles pointés vers les régions sud de l'ancienne Union soviétique.
De plus, les États-Unis et l'Europe en général ont joué un rôle actif en préservant la supériorité d'Israël dans la région, rôle à la fois militaire et économique, en utilisant la même justification. Les pays avoisinants qui font peur à Israël sont l'Égypte (qui a signé un traité de paix avec lui depuis la fin des années 70), la Jordanie (qui a aussi un traité de paix avec Israël depuis 1990), Djibouti, la Somalie et d'autres pays faméliques qui font la queue devant les ambassades américaines et européennes pour demander leur pain quotidien.
Il est important de mentionner ici qu'Israël a la bonne fortune d'être intégré dans la région depuis qu'il a signé le premier traité avec l'Égypte fin 70. Sa bonne fortune a encore augmenté de beaucoup en 1988 quand l'OLP a reconnu l'État d'Israël et que celui-ci a cessé ses revendications sur toute la Palestine historique. Néanmoins, Israël n'a pas écouté la voix de la logique, et a continué sa politique d'occupation de la Palestine et d'autres territoires arabes. Le seul changement de politique était la demande, soutenue par les États-Unis, que les Arabes et le monde islamique tout entier reconnaissent leur État sans pour autant recevoir quoi que ce soit en retour. Au lieu d'une "Terre pour la Paix", Israël a brandi un slogan: "La Paix pour la Paix". Ce slogan a été porté par le parti travailliste sioniste et par le parti Likoud sioniste. Le pire des deux étant le parti travailliste.
Pourquoi? Simplement parce qu'alors qu'ils étaient au pouvoir, ils ont tout fait pour continuer l'occupation. Ils ont été les premiers à construire des colonies dans les Territoires occupés; ils ont été les premiers à commencer la politique de déportation; ils ont démoli des maisons, et la liste est sans fin. Chaque fois qu'il était nécessaire de changer leurs politiques, ils ont simplement enfilé des gants de soie sur leurs mains de fer. L'ironie de tout cela est que, quand le parti travailliste est dans l'opposition, ils parlent hypocritement de paix pour l'heure où ils reviendront au pouvoir; leurs actions sont la guerre.
Après la deuxième Intifada et la guerre de George Bush contre la terreur, Israël, sous le gouvernement Sharon et son alliance extrémiste de droite, a bougé rapidement pour créer des faits sur le terrain en préparation pour de futures négociations avec les Palestiniens, de telle sorte que les Palestiniens n'auraient plus rien sur quoi négocier. Ces faits, néanmoins, créent un embarras: que faire avec les Palestiniens s'il n'y a pas d'État viable pour eux? Les Palestiniens accepteront-ils (de négocier)? Bien sûr que non, et ainsi l'option pour Israël est de les éliminer. D'un point de vue historique, cela s'est déjà passé avant. C'est arrivé aux États-Unis, c'est arrivé en Australie et en Europe. Pourquoi cela ne pourrait-il pas se passer ici en Israël/Palestine? Si George Bush est capable de transférer ses troupes sur un autre continent pour combattre le terrorisme, alors pourquoi Israël ne pourrait-il pas combattre le terrorisme dans son "propre pays"? Si Bush et son régime choisissent de combattre la malaria en tirant sur tous les anophèles au lieu d'assécher les marais, alors pourquoi Israël n'aurait-il pas le droit d'éliminer toute une nation terroriste?
Sharon et son gouvernement, au lieu d'utiliser l'opportunité en or résultant de la guerre contre le terrorisme pour construire des ponts et se réconcilier avec les pays du Moyen-Orient, choisit de se cacher derrière George Bush et de faire la même guerre contre chaque pays et chaque individu dans la région. Les bombardements en Syrie ne sont qu'un exemple; le voyage de Sharon en Russie pour les convaincre de ne pas coopérer avec l'Iran en est un autre. Les exemples sont sans fin. Le concept de l'annihilation a commencé à être pris en compte par l'autre côté de la monnaie sioniste, le parti travailliste. Je fais référence ici à un article courageux [rdp-isr-030829-1.html] publié par l'ancien président travailliste de la Knesset, Avraham Burg, qui discute des principes moribonds du sionisme. Avraham Burg, ainsi que d'autres personnes, ont commencé à analyser la haine de la région vis-à-vis d'Israël et des États-Unis.
En commençant par questionner l'éthique et la morale derrière l'occupation israélienne et les mesures prises contre les Palestiniens, ces personnes ont été touchées par le fait que le parti travailliste est moribond et que les dernières élections l'ont prouvé. Des fissures au sein du parti, des dirigeants faibles, et un manque de vision claire, ont été les facteurs dominants indiquant que ce parti avait besoin de quelque chose de nouveau pour ressusciter. Certains de ses membres principaux comme Yossi Beilin, l'ancien dirigeant du parti Amram Mitzna, l'ancien président de la Knesset Avraham Burg et d'autres, pensaient que l'Accord de Genève pouvait faire quelque chose pour leurs carrières politiques. L'énigme, c'est: pourquoi ces courageux représentants travaillistes n'ont-ils pas lancé cette initiative quand ils étaient au pouvoir? Pourquoi ne se sont-ils pas révoltés contre Barak? Pourquoi n'ont-ils pas proposé un plan de ce genre quand ils étaient au pouvoir? Ils auraient pu sauver beaucoup de vies dans les deux nations.
On se demande quel pouvoir ont ces hommes sur le terrain. S'ils ont du pouvoir, pourquoi ne descendent-ils pas dans la rue pour protester contre la politique actuelle du gouvernement israélien? Pourquoi n'encouragent-ils pas les refuzniks ou les pilotes qui ont refusé de bombarder les enfants de Gaza? Pourquoi n'arrêtent-ils pas, avec leurs corps si nécessaire, le Mur de l'Apartheid? Au lieu d'être ici au point névralgique, pourquoi sont-ils partis dans la Suisse paisible pour négocier la paix? Ces interrogations, et beaucoup d'autres, posent la question de leurs intentions et de leur but réel.
Quelle différence y a-t-il entre la Feuille de Route et cette initiative? La Feuille de Route, qui a été lancée par les États-Unis et est soutenue par le Quartette, n'a pas été mise en œuvre parce que Sharon avait quatorze points de dissension la concernant. Étant donné ce fait, qu'est-ce qui laisse penser que cet accord aurait plus de chances?
Le plan de paix du Prince Abdallah d'Arabie Saoudite, qui a été endossé par le sommet de Beyrouth en mars 2002, offrait à Israël une normalisation des relations avec tout le monde arabe une fois qu'il se serait retiré jusqu'aux frontières d'avant 1967 et permis l'émergence d'un État indépendant palestinien. En essence, ce plan est semblable à celui de l'Accord de Genève.
Il a été rejeté par Sharon et par Bush, alors pourquoi cette initiative aurait-elle plus de chances d'aboutir que la précédente? En même temps, cette initiative est complètement ignorée par la Syrie et par le Liban, sans lesquels une paix effective dans la région serait impossible. C'est cette même erreur qu'a faite la délégation palestinienne lors du dialogue en coulisse avec les États-Unis. Ils ont choisi leur propre route en signant l'accord d'Oslo tout seuls, et le résultat parle de lui-même. Ehoud Barak a été la première personne à dire qu'il n'y avait pas de partenaires palestiniens avec lesquels négocier et qui a déclaré qu'Arafat
était un terroriste. Sharon s'est caché derrière cette déclaration et a continué à justifier sa politique en faisant la guerre contre tout le monde en Palestine. Malheureusement, à cette époque, nous n'avons pas entendu les voix des autres membres de partis pour empêcher Barak de faire cela. Ils ont presque tous accepté ses arguments et ont blâmé les Palestiniens d'avoir rejeté ses offres généreuses. Peres, le dirigeant actuel du parti travailliste, est tout autant contre cette initiative. Cela pose donc la question: qui est vraiment derrière cette initiative? Sont-ils tous des membres marginalisés du parti travailliste qui essayent de revenir au pouvoir montant sur le dos des Palestiniens?
En lançant cette initiative, on annonce la mort de la Feuille de Route, mais on fait cela intelligemment de façon à ne pas mettre le blâme sur le gouvernement israélien, la responsabilité étant partagée des deux côtés. Mais si la Feuille de Route est morte malgré tout le soutien qu'elle a reçu du Quartette, alors quelles garanties cette initiative a-t-elle si seuls les membres marginalisés du parti travailliste moribond l'ont signée? Si cette initiative doit voir le jour, elle devrait devenir le programme politique du parti travailliste et il devrait l'adopter lors d'une conférence. Pourquoi ne pas mettre fin à la confusion? Shlomo Ben Ami, un des précédents ministres des Affaires Étrangères du parti travailliste, a sollicité publiquement un mandat international sur les Territoires occupés palestiniens. S'il est sérieux, pourquoi n'a-t-il pas fait cette demande alors qu'il était au pouvoir?
Le fait est simple: les Palestiniens n'ont pas de partenaire israélien avec qui on peut faire la paix, et non le contraire. Tout ce que nous avons, ce sont Sharon, Lieberman, une gauche lâche qui n'a pas de vision claire, et quelques gauchistes courageux qui n'ont pas de poids dans leur société. Ils semblent nous demander de soutenir toutes leurs initiatives en déclarant que celles-ci renforceront leurs partis "en coma dépassé", ce qui leur permettra
de mieux se présenter dans leurs communautés. Pourquoi devrions-nous payer ce prix pour renforcer une gauche déjà lâche, morte et pas claire?
Est-ce notre destinée de signer encore et encore des accords pour prouver que nous sommes un peuple épris de la paix? Dans chaque accord, nous rabaissons nos prétentions et réduisons nos droits de nos propres mains. Nous faisons cela pour convaincre le public israélien que la paix est une
chose sérieuse pour nous, au lieu de voir si la paix est une chose sérieuse pour eux.
Avant tout, ils devraient reconnaître que ceci est une occupation, et ils devraient se sentir honteux. Ils devraient œuvrer pour d'abord mettre fin à l'occupation pour nous faire voir s'ils sont vraiment sérieux.
Combien de temps les Palestiniens doivent-ils continuer à s'adresser au public israélien pour faire part de leur volonté, de leurs désirs et de leur besoin de paix sans recevoir de réponse de sa part? Nous en avons assez des centaines d'initiatives et d'accords que nous avons déjà signés; ce dont nous avons besoin maintenant, c'est d'une mise en application. Le fait d'avoir reconnu Israël sans rien en retour, n'est-ce pas suffisant? Et le fait d'avoir reconnu, aussi sans retour, leur droit à notre terre, n'est-ce pas suffisant? Et malgré tout, ils nous demandent encore d'arrêter notre résistance à leur occupation en disant (comme si nous étions des enfants récalcitrants) qu'ils veulent encore attendre et voir si nous nous comportons bien ou non.
Si nous nous conduisons bien, alors peut-être qu'ils envisageront de se retirer, peut-être alors ils discuteront du pourcentage de leur retrait.
Sommes-nous des écoliers auxquels le professeur demande d'abord de donner les réponses avant de leur poser les questions? C'est devenu un cercle vicieux: nous résistons à l'occupation, Israël dit: "Arrêtez votre
résistance et nous arrêterons notre occupation", mais puisque c'est à l'occupation que nous résistons et que l'occupation n'a pas cessé, nous continuons à résister.
Pour ma part, je dirais à la direction de l'autorité palestinienne qui nous a été imposée: arrêtez de jouer avec nos droits et assez de désillusion. Les résolutions des Nations unies sont les meilleures bases pour une solution et doivent être respectées; le retrait total de notre terre occupée depuis 1967, y compris le Droit au Retour, constituent la seule initiative viable et sont la seule garantie pour une paix permanente. Si cela ne devait pas arriver, alors la solution d'un État unique apparaîtra cette fois-ci comme étant de plus en plus évidente.
Pourquoi devrions-nous accepter la définition d'Israël qui décide de qui est épris de la paix et de qui ne l'est pas? Pourquoi devrions-nous permettre à Israël de décider avec qui ils doivent parler et avec qui ils ne le devraient pas? "Abou Mazen est gentil, Arafat est mauvais, Abou Ala'a est bien, Abed Rabbo est mieux" et nous, les Palestiniens, nous sommes emmenés comme un troupeau de moutons. C'est le bon moment pour un référendum, pour demander aux Palestiniens ce qu'ils veulent et quels gouvernants ils désirent avoir. N'est-ce pas assez démocratique? La communauté internationale devrait nous aider sur cette question, ni plus ni moins.
Sélectionnons et élisons nos propres dirigeants, sans ingérence de Bush ni de Sharon.
Je déclare ici que je ne veux pas que quiconque parle en mon nom sans avoir été élu par moi. Les mandats de toute la direction et de tous les membres du Conseil législatif, élus huit ans auparavant, ont expiré. Chaque jour il y a un nouveau/ancien dirigeant qui déclare qu'il me représente et qu'il sait ce qui est le mieux pour moi. On dit de certains qu'ils sont "un sang nouveau", et d'autres qu'ils font partie de la vieille garde. Ça suffit!
Il semble que notre mission soit une mission impossible; nous voulons faire plaisir à la communauté internationale, nous voulons faire plaisir à l'Europe, nous voulons faire plaisir aux États-Unis, nous voulons faire plaisir à Israël. Le seul acteur à qui personne ne semble vouloir faire plaisir, c'est le Palestinien.
Rifat Odeh Kassis
Traduit de l'anglais par Ana Cleja

Rifat Odeh Kassis est le directeur exécutif du YMCA de Jérusalem Est et le
Président de "Defense for the Children Internationa - Palestine Section".
YMCA East Jerusalem

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