AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   
 

DOSSIERS PRESSE

L'INSULTANTE EXPANSION DES COLONIES
 SE POURSUIT INEXORABLEMENT
Par Amira Hass (Ha'aretz)

2 juillet 2003

Le journaliste du bulletin d’information de La Voix de Palestine a qualifié le déplacement des forces armées israéliennes (FAI) dans la Bande de Gaza de “retrait”. Pourtant Omar Asour, chef des Forces de Sécurité Nationales, lui avait indiqué qu’il s’agissait d’une simple ouverture à la circulation sur quatre points de la route nationale après un blocage de deux ans.

Les Israéliens se sont rappelés à cette occasion le printemps 1994 au cours duquel des Palestiniens en uniforme avaient pour la première fois pris position dans ce secteur après que les FAI se soient retirées des villes et des camps de la Bande de Gaza et repositionnés à sa périphérie. A l’époque, les FAI avaient conservé des positions fortifiées sur 20 % environ de la Bande de Gaza. Exactement la portion réservée à l’expansion des colonies juives dans la Bande de Gaza, soit 20 % du territoire pour 0,5 % de ses habitants.

Telle était la justice mise en oeuvre par le “retrait” de 1994, dénommé “processus de paix”. Avant 2000, on disait qu’il n’était “pas logique” de maintenir des colonies, surtout des colonies isolées, au sein de la région la plus densément peuplée du monde.

Mais ce n’étaient que des paroles en l’air, et les colons ont continué à dicter aux Palestiniens un mode de vie sans eau courante, sans possibilité d’expansion des camps de réfugiés, sans circulation automobile et sans égouts.

Maintenant tout le monde parle de répit et de retour au calme. Les Israéliens aspirent à un répit durable sans opérations suicide à l’intérieur de la Ligne Verte et sans missiles Qassam, et à un arrêt de l’angoisse au sujet de leurs fils et filles servant dans les Territoires [Occupés].

Les Palestiniens, eux, aspirent à un arrêt des tirs permanents visant toute personne circulant sur les ruines des maisons détruites de Khan Yunis et de Rafah ou sur les terres rasées autour des vergers. Ils espèrent un répit des raids de blindés dans les quartiers résidentiels, des tirs de missiles sur les voitures circulant au milieu des rues encombrées des villes. Et bien sûr, ils attendent le retour à une certaine normalité grâce à l’ouverture de la route qui traverse la Bande de Gaza.

La population pourra vaquer à ses occupations, se rendre au travail et à l’école dans des délais raisonnables et le matériau pour la construction pourra parvenir à destination. Les dirigeants de l’Autorité Palestinienne espèrent que ces améliorations rapides constitueront un facteur déterminant leur facilitant la tâche de contrôler les différents groupes militaires.

Néanmoins, l’establishment militaire israélien affiche son scepticisme quant aux chances de succès du nouveau plan de paix. Et il a de bonnes raisons pour cela. Les militaires sont parfaitement conscients qu’ils devront éliminer tous les barrages routiers et tous les points de contrôle établis entre les villages et les villes et abroger les restrictions à la circulation s’ils veulent que les Palestiniens de Cisjordanie ressentent aussi un changement dans leur quotidien. Or, ces dispositifs ont été mis en place pour assurer le bien-être des habitants israéliens des colonies de Cisjordanie, lesquelles ont proliféré au cours des dix dernières années. En attendant, on croit rêver.

Et on se demande si le barrage routier de Kalandiya sera démantelé, si les fils barbelés entourant les villages au sud de Ramallah seront enlevés, si les barrières qui emprisonnaient les villes de Kalkilya, Tul Karem et Naplouse seront déplacées jusqu’aux bases militaires avoisinantes et si les Palestiniens seront autorisés à circuler en voiture sur les routes nationales et les “routes de contournement”.

Supposons que la liberté limitée de circulation qui existait en 2000 soit rétablie et que l’Autorité Palestinienne parvienne à empêcher les groupes militaires de violer le cessez-le-feu. Et après ? Est-ce que les Israéliens s’attendent à ce que les Palestiniens, enfin autorisés à sortir de leur prison, soient à force de gratitude frappés de cécité et ne voient plus ce qui se passe devant leurs yeux ?

Car ce qui se passe devant leurs yeux c’est l’expansion continue des colonies. Ces colonies qui résultent du transfert illégal de la population occupante dans les territoires occupés, qui illustrent le pillage cynique des réserves territoriales vitales pour les villes et les villages palestiniens, la dénégation de la contiguïté territoriale et du potentiel de développement, la mainmise sur les ressources hydrauliques irremplaçables et sur les routes de circulation. Et bien plus encore.

Les colonies concrétisent l’arrogance des conceptions israéliennes qui se sont développées avec le temps des deux côtés de la Ligne Verte. Parmi celles-ci, le fameux axiome selon lequel les “terres étatiques” n’appartiennent qu’aux juifs, ou encore l’idée que les Palestiniens ont besoin de moins d’eau et de terre par personne que les juifs, que les Palestiniens ne méritent ni ne nécessitent les mêmes infrastructures et commodités que les juifs (comme par exemple à Jérusalem Est et dans les villages de Galilée), que les Palestiniens vivent sur cette terre parce que nous le leur permettons et non parce que c’est leur droit.

Les colonies créent cette profonde insulte que ressent toute personne à propos de laquelle l’Etat a décidé qu’elle méritait beaucoup, beaucoup moins, que ses autres concitoyens.

Telle est la discrimination pratiquée chaque jour et toutes les minutes de chaque jour. C’est la même insulte brûlante et aliénante qui a été infligée aux noirs d’Afrique du Sud, aux noirs des Etats Unis et aux juifs d’Europe Centrale.

L’establishment militaire israélien est parfaitement conscient des raisons de son scepticisme quant aux chances de succès de l’accord de cessez-le-feu. Parce qu’il sait que lorsque, comme tous les êtres humains, les Palestiniens pourront à nouveau franchir 10 kilomètres en sept minutes au lieu de cinq jours, ils pourront aussi voir à nouveau les colonies croître et prospérer sur leurs terres sous la protection de l’armée israélienne.

Les Palestiniens découvriront un establishment politique israélien qui, s’il peut se montrer disposé à discuter des avant-postes, ne perçoit nullement l’insulte, la discrimination et le pillage que représentent les colonies, et pour lequel les colonies d’Ariel, de Alei Sinai, Ma’ale Adumim, Efrat ou Nokdim sont aussi naturelles et éternelles que Tel Aviv et Raanana.

Traduction : Nadine Acoury

- Retour - Haut page - Sommaire - Accueil