AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   

 

Le 9 juillet 2004

Conséquences juridiques de l'édification d'un mur
dans le territoire palestinien occupé
(Requête pour avis consultatif)

Résumé de l'avis consultatif du 9 juillet 2004

Historique de la procédure (par. 1‑12)

          La Cour rappelle tout d'abord que le 10 décembre 2003 le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies a officiellement communiqué à la Cour la décision prise par l'Assemblée générale de lui soumettre la question pour avis consultatif énoncée dans sa résolution ES‑10/14, adoptée le 8 décembre 2003 lors de sa dixième session extraordinaire d'urgence.  La question est la suivante :

          «Quelles sont en droit les conséquences de l'édification du mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est, selon ce qui est exposé dans le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit international, notamment la quatrième convention de Genève de 1949 et les résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale ?»

          La Cour donne ensuite un bref aperçu de l'historique de la procédure.

Questions de compétence (par. 13‑42)

          Au début de son raisonnement, la Cour fait observer que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'avis consultatif, elle doit commencer par déterminer si elle a compétence pour donner l'avis demandé et, dans l'affirmative, s'il existe une quelconque raison pour elle de refuser d'exercer une telle compétence.

          La Cour se penche en premier lieu sur la question de savoir si elle a compétence pour donner l'avis consultatif.  Elle relève premièrement que la compétence de la Cour en la matière est fondée sur le paragraphe 1 de l'article 65 de son Statut, aux termes duquel la Cour «peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura été autorisé par la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à demander cet avis», et deuxièmement que l'Assemblée générale, qui demande l'avis consultatif, est autorisée à le faire en vertu du paragraphe 1 de l'article 96 de la Charte, qui dispose que «[l]'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question juridique».  Comme elle l'a fait parfois dans le passé, la Cour se penche ensuite sur la relation entre la question qui fait l'objet de la requête pour avis consultatif et les activités de l'Assemblée.  Elle observe à ce sujet que l'article 10 de la Charte a conféré à l'Assemblée générale une compétence à l'égard de «toutes questions ou affaires» entrant dans le cadre de la Charte, et que le paragraphe 2 de l'article 11 lui a spécifiquement donné compétence à l'égard de «toutes questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont elle aura été saisie par l'une quelconque des Nations Unies…» et pour faire des recommandations sous certaines conditions posées dans ces deux articles.  Elle note que la question de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé a été soumise à l'Assemblée générale par un certain nombre d'Etats Membres dans le cadre de sa dixième session extraordinaire d'urgence, convoquée pour examiner ce que l'Assemblée, dans sa résolution ES‑10/2 du 25 avril 1997, avait considéré comme constituant une menace à la paix et à la sécurité internationales.

          Après avoir rappelé la chronologie des événements qui ont conduit à l'adoption de la résolution ES‑10/14, la Cour aborde la première question de compétence soulevée en la présente espèce.  Israël a prétendu que, compte tenu du rôle actif joué par le Conseil de sécurité à l'égard de la situation au Moyen‑Orient, y compris la question palestinienne, l'Assemblée générale avait outrepassé la compétence que lui confère la Charte, sa demande d'avis consultatif n'ayant pas été conforme au paragraphe 1 de l'article 12 de la Charte, qui dispose que : «Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la présente Charte, l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande.»  La Cour, tout en faisant observer qu'une requête pour avis consultatif ne constitue pas une «recommandation» de l'Assemblée générale «sur [un] différend ou [une] situation», au sens de l'article 12, n'en juge pas moins opportun d'examiner le sens qu'il convient de donner à cet article, compte tenu de la pratique des Nations Unies.  Elle note que, en vertu de l'article 24 de la Charte, le Conseil de sécurité a «la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales» et que le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale interprétèrent et appliquèrent l'un et l'autre, dans un premier temps, l'article 12 comme faisant obstacle à ce que l'Assemblée puisse formuler des recommandations sur une question relative au maintien de la paix et de la sécurité internationales restant inscrite à l'ordre du jour du Conseil, mais que cette interprétation de l'article 12 a évolué par la suite.  La Cour prend acte d'une interprétation de ce texte donnée par le conseiller juridique de l'Organisation des Nations Unies lors de la vingt‑troisième session de l'Assemblée générale et d'une tendance croissante à voir l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité examiner parallèlement une même question relative au maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Elle considère que la pratique acceptée de l'Assemblée, telle qu'elle a évolué, est compatible avec le paragraphe 1 de l'article 12; elle est en conséquence d'avis que l'Assemblée générale, en adoptant la résolution ES‑10/14 portant demande d'un avis consultatif de la Cour, n'a pas enfreint les dispositions du paragraphe 1 de l'article 12 de la Charte.  Elle conclut que, en présentant la demande d'avis consultatif, l'Assemblée générale n'a pas outrepassé sa compétence.

          La Cour rappelle qu'il a cependant été soutenu devant elle que la demande ne satisfaisait pas aux conditions essentielles énoncées dans la résolution 377 A (V), au titre de laquelle la dixième session extraordinaire d'urgence a été convoquée et a poursuivi ses travaux.

          Aux termes de la résolution 377 A (V) :

«dans tout cas où paraît exister une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression et où, du fait que l'unanimité n'a pas pu se réaliser parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité manque à s'acquitter de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, l'Assemblée générale examinera immédiatement la question afin de faire aux Membres les recommandations appropriées sur les mesures collectives à prendre…».

La Cour entreprend de déterminer si les conditions énoncées dans cette résolution étaient effectivement remplies lors de la convocation de la dixième session extraordinaire d'urgence de l'Assemblée générale, en particulier lorsque celle‑ci a décidé de demander un avis consultatif à la Cour.

          Au vu de la série d'événements décrits par la Cour, celle‑ci constate que, lorsque la dixième session extraordinaire d'urgence fut convoquée en 1997, le Conseil s'était effectivement trouvé, en raison du vote négatif d'un membre permanent, dans l'incapacité de prendre une décision concernant l'implantation de certaines colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé et que, comme l'indique la résolution ES‑10/2, il existait une menace à la paix et à la sécurité internationales.  La Cour constate en outre que la dixième session extraordinaire d'urgence, convoquée à nouveau le 20 octobre 2003, le fut sur la même base qu'en 1997, après le rejet par le Conseil de sécurité, le 14 octobre 2003, d'un projet de résolution portant sur la construction par Israël du mur dans le territoire palestinien occupé, du fait une nouvelle fois du vote négatif d'un membre permanent.  La Cour considère que le Conseil de sécurité a là encore manqué à agir au sens de la résolution 377 A (V).  Il ne semble pas à la Cour que la situation à cet égard ait évolué entre le 20 octobre 2003 et le 8 décembre 2003, le Conseil de sécurité n'ayant ni débattu de la construction du mur, ni adopté une quelconque résolution sur ce point.  La Cour estime donc que, à la date du 8 décembre 2003, le Conseil n'était pas revenu sur le vote négatif du 14 octobre 2003.  La Cour conclut que, au cours de cette période, la dixième session extraordinaire d'urgence a été dûment convoquée à nouveau et pouvait régulièrement, en vertu de la résolution 377 A (V), être saisie de la question dont la Cour doit aujourd'hui connaître.

          La Cour souligne aussi que, au cours de cette session extraordinaire d'urgence, l'Assemblée générale pouvait adopter toute résolution ayant trait à la question pour laquelle avait été convoquée la session, et entrant par ailleurs dans les compétences de l'Assemblée, y compris une résolution demandant un avis à la Cour. Qu'il n'ait pas été proposé au Conseil de sécurité de solliciter un tel avis est sans pertinence à cet égard.

          Abordant les autres irrégularités procédurales dont serait entachée la dixième session extraordinaire d'urgence, la Cour ne considère pas que le fait que cette session ait présenté un caractère «continu» ¾ ayant été convoquée en avril 1997 et convoquée à nouveau onze fois depuis lors ¾ ait quelque pertinence que ce soit en ce qui concerne la validité de la demande de l'Assemblée générale.  En réponse à l'argument avancé par Israël selon lequel la nouvelle convocation de la dixième session extraordinaire d'urgence était inappropriée, une session ordinaire de l'Assemblée générale étant alors en cours, la Cour observe que même si, à l'origine, il a pu ne pas sembler approprié que l'Assemblée générale tienne simultanément une session extraordinaire d'urgence et une session ordinaire, aucune règle constitutionnelle de l'Organisation n'a été identifiée, dont la méconnaissance aurait rendu nulle la résolution portant adoption de la demande d'avis consultatif en l'espèce.  Enfin, la Cour relève que la dixième session extraordinaire d'urgence a été convoquée conformément à l'alinéa b) de l'article 9 du règlement intérieur de l'Assemblée générale, et que les séances pertinentes ont été convoquées selon les règles en vigueur.

          La Cour aborde une autre question soulevée à l'égard de sa compétence, à savoir que la demande d'avis consultatif émanant de l'Assemblée générale ne soulèverait pas une «question juridique» au sens du paragraphe 1 de l'article 96 de la Charte et du paragraphe 1 de l'article 65 du Statut de la Cour.

          En ce qui concerne le manque de clarté allégué des termes employés dans la requête de l'Assemblée générale et son incidence sur la «nature juridique» de la question soumise à la Cour, celle‑ci observe tout d'abord que cette question vise les conséquences juridiques d'une situation de fait donnée, compte tenu des règles et des principes du droit international, notamment de la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949 (ci‑après dénommée la «quatrième convention de Genève»), et des résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale.  La Cour est d'avis que cette question a bien un caractère juridique.  Elle fait aussi observer qu'un manque de clarté dans le libellé d'une question ne saurait priver la Cour de sa compétence.  Tout au plus, du fait de ces incertitudes, la Cour devra‑t‑elle préciser l'interprétation à donner à la question, ce qu'elle a souvent fait.  Elle fera donc ce qu'elle a souvent fait par le passé, c'est‑à‑dire «déterminer les principes et règles existants, les interpréter et les appliquer…, apportant ainsi à la question posée une réponse fondée en droit» (Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13).  La Cour souligne que, en l'espèce, si l'Assemblée générale prie la Cour de dire «[q]uelles sont en droit les conséquences» de la construction du mur, l'emploi de ces termes implique nécessairement de déterminer si cette construction viole ou non certaines règles et certains principes de droit international.

          La Cour ne considère pas que la nature prétendument abstraite de la question qui lui est posée soulève un problème de compétence.  Même lorsque, dans l'affaire de la Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, cet aspect fut soulevé sous l'angle de l'opportunité judiciaire plutôt que sous celui de la compétence, la Cour déclara que l'allégation selon laquelle elle ne pourrait connaître d'une question posée en termes abstraits n'était qu'«une pure affirmation dénuée de toute justification», et qu'elle pouvait «donner un avis consultatif sur toute question juridique, abstraite ou non» (C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 236, par. 15).

          La Cour considère qu'elle ne saurait par ailleurs accepter le point de vue, également avancé au cours de la procédure, selon lequel elle n'aurait pas compétence en raison du caractère «politique» de la question posée.  Ainsi qu'il ressort à cet égard de sa jurisprudence constante, la Cour estime que le fait qu'une question juridique présente également des aspects politiques, «ne suffit pas à la priver de son caractère de «question juridique» et à «enlever à la Cour une compétence qui lui est expressément conférée par son Statut» et la Cour ne saurait refuser un caractère juridique à une question qui l'invite à s'acquitter d'une tâche essentiellement judiciaire» (Licéité de la menace de l'emploi d'armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 234, par. 13.)

          La Cour conclut en conséquence qu'elle a compétence pour donner l'avis consultatif demandé par la résolution ES‑10/14 de l'Assemblée générale.

Pouvoir discrétionnaire de la Cour d'exercer sa compétence (par. 43‑65)

          La Cour note qu'il a cependant été soutenu qu'elle devrait refuser d'exercer sa compétence en raison de la présence, dans la requête de l'Assemblée générale, d'un certain nombre d'éléments qui rendraient l'exercice par la Cour de sa compétence malvenu et étranger à sa fonction judiciaire.

          La Cour commence par rappeler que le paragraphe 1 de l'article 65 de son Statut, selon lequel «[l]a Cour peut donner un avis consultatif…» (c'est la Cour qui souligne), devait être interprété comme reconnaissant à la Cour le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis consultatif même lorsque les conditions pour qu'elle soit compétente sont remplies.  Elle n'en garde pas moins présent à l'esprit que sa réponse à une demande d'avis consultatif «constitue [sa] participation … à l'action de l'Organisation et [que], en principe, elle ne devrait pas être refusée».  Il s'ensuit que, compte tenu de ses responsabilités en tant qu'«organe judiciaire principal des Nations Unies» (article 92 de la Charte), la Cour ne devrait pas en principe refuser de donner un avis consultatif, et seules des «raisons décisives» devraient l'amener à opposer un tel refus.

          Selon le premier argument avancé à cet effet devant elle, la Cour ne devrait pas exercer sa compétence en l'espèce, au motif que la demande concernerait un différend entre Israël et la Palestine à l'égard duquel Israël n'a pas accepté la juridiction de la Cour.  Ainsi, l'objet de la question posée par l'Assemblée générale ferait «partie intégrante du différend israélo‑palestinien plus large qui concerne des questions liées au terrorisme, à la sécurité, aux frontières, aux colonies de peuplement, à Jérusalem et à d'autres questions connexes».  La Cour relève à cet égard que l'absence de consentement à la juridiction contentieuse de la Cour de la part des Etats intéressés est sans effet sur la compétence qu'a celle‑ci de donner un avis consultatif, mais elle rappelle sa jurisprudence selon laquelle le défaut de consentement d'un Etat intéressé pourrait rendre le prononcé d'un avis consultatif incompatible avec le caractère judiciaire de la Cour.  Tel serait le cas si accepter de répondre aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n'est pas tenu de soumettre un différend au règlement judiciaire s'il n'est pas consentant.

          S'agissant de la requête pour avis consultatif dont elle est saisie, la Cour prend acte du fait qu'Israël et la Palestine ont exprimé des vues radicalement opposées sur les conséquences juridiques de l'édification du mur par Israël, sur lesquelles la Cour a été priée de se prononcer dans le cadre de l'avis qu'elle rendrait.  Toutefois, ainsi que la Cour l'a elle‑même noté, «[p]resque toutes les procédures consultatives ont été marquées par des divergences de vues».  En outre, la Cour n'estime pas que la question qui fait l'objet de la requête de l'Assemblée générale puisse être considérée seulement comme une question bilatérale entre Israël et la Palestine.  Compte tenu des pouvoirs et responsabilités de l'Organisation des Nations Unies à l'égard des questions se rattachant au maintien de la paix et de la sécurité internationales, la Cour est d'avis que la construction du mur doit être regardée comme intéressant directement l'Organisation des Nations Unies en général et l'Assemblée générale en particulier.  La responsabilité de l'Organisation à cet égard trouve également son origine dans le mandat et dans la résolution relative au plan de partage de la Palestine.  Cette responsabilité a été décrite par l'Assemblée générale comme «une responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la question de Palestine jusqu'à ce qu'elle soit réglée sous tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le respect de la légitimité internationale» (résolution 57/107 de l'Assemblée générale, en date du 3 décembre 2002).  L'objet de la requête dont la Cour est saisie est d'obtenir de celle‑ci un avis que l'Assemblée générale estime utile pour exercer comme il convient ses fonctions.  L'avis est demandé à l'égard d'une question qui intéresse tout particulièrement les Nations Unies, et qui s'inscrit dans un cadre bien plus large que celui d'un différend bilatéral.  Dans ces conditions, la Cour estime que rendre un avis n'aurait pas pour effet de tourner le principe du consentement au règlement judiciaire et qu'elle ne saurait dès lors, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, refuser de donner un avis pour ce motif.

          La Cour aborde alors un autre argument avancé pour étayer la thèse selon laquelle elle devrait refuser d'exercer sa compétence : selon cet argument, un avis consultatif de la Cour sur la licéité du mur et les conséquences juridiques de son édification pourrait faire obstacle à un règlement politique négocié du conflit israélo‑palestinien.  En particulier, selon cette thèse, une telle opinion pourrait porter atteinte à la «feuille de route», qui prescrit à Israël et à la Palestine le respect d'un certain nombre d'obligations au cours des différentes phases qui y sont prévues.  La Cour fait observer qu'elle n'ignore pas que la «feuille de route», entérinée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1515 (2003), constitue un cadre de négociation visant au règlement du conflit israélo‑palestinien, mais que l'influence que l'avis de la Cour pourrait avoir sur ces négociations n'apparaît pas de façon évidente : les participants à la présente procédure ont exprimé à cet égard des vues divergentes.  La Cour estime qu'elle ne saurait considérer ce facteur comme une raison décisive de refuser d'exercer sa compétence.

          Certains participants ont par ailleurs affirmé devant la Cour que la question de la construction du mur n'était qu'un aspect de l'ensemble du conflit israléo‑palestinien, à l'examen duquel la présente procédure ne saurait servir de cadre approprié.  Toutefois, la Cour estime que cela ne saurait justifier qu'elle refuse de répondre à la question posée : elle est consciente que la question du mur fait partie d'un ensemble et elle prendrait en considération cette circonstance.  En même temps, la question que l'Assemblée générale a choisi de lui soumettre pour avis est limitée aux conséquences juridiques de la construction du mur, et la Cour ne tiendrait compte d'autres éléments que dans la mesure où ceux‑ci seraient nécessaires aux fins de l'examen de cette question.

          Il a encore été soutenu que la Cour devrait refuser d'exercer sa compétence parce qu'elle ne dispose pas des faits et des éléments de preuve nécessaires pour lui permettre de formuler des conclusions.  Selon Israël, si la Cour décidait de donner l'avis demandé, elle en serait réduite à des conjectures sur des faits essentiels et à des hypothèses sur des arguments de droit.  La Cour souligne que, en l'espèce, elle a à sa disposition le rapport du Secrétaire général, ainsi qu'un dossier volumineux soumis par celui‑ci à la Cour, qui contient des informations détaillées non seulement quant au tracé du mur mais aussi quant aux conséquences humanitaires et socio‑économiques de celui‑ci sur la population palestinienne.  Le dossier inclut de nombreux rapports fondés sur des visites effectuées sur le terrain par des rapporteurs spéciaux et des organes compétents des Nations Unies.  Nombre d'autres participants ont en outre présenté à la Cour des exposés écrits qui renferment des informations pertinentes pour une réponse à la question posée par l'Assemblée générale.  La Cour note en particulier que l'exposé écrit d'Israël, bien que se limitant aux questions de compétence et d'opportunité judiciaire, comporte des observations concernant d'autres sujets, y compris les préoccupations d'Israël en matière de sécurité, et est accompagné d'annexes correspondantes; et que de nombreux autres documents émanant du Gouvernement israélien et concernant ces mêmes sujets relèvent du domaine public.

          La Cour estime donc qu'elle dispose de renseignements et d'éléments de preuve suffisants pour lui permettre de donner l'avis consultatif demandé par l'Assemblée générale.  Par ailleurs, la circonstance que d'autres pourraient évaluer et interpréter ces faits de manière subjective ou politique ne saurait au demeurant constituer un motif pour qu'une cour de justice s'abstienne d'assumer sa tâche judiciaire.  Il n'y a donc pas, en l'espèce, insuffisance d'éléments d'information qui constituerait une raison décisive pour la Cour de refuser de donner l'avis sollicité.

          Il a en outre été soutenu que la Cour devrait refuser de donner l'avis consultatif demandé sur les conséquences juridiques de l'édification du mur, parce que pareil avis consultatif ne serait d'aucune utilité : l'Assemblée générale n'aurait pas besoin d'un tel avis de la Cour, parce qu'elle a déjà déclaré la construction du mur illégale, qu'elle a déjà déterminé les conséquences juridiques de cette construction en exigeant qu'Israël l'arrête et revienne sur le projet, et parce que, en outre, l'Assemblée générale n'a jamais fait clairement connaître ce qu'elle entendait faire de l'avis demandé.  La Cour fait observer que, ainsi qu'il ressort de sa jurisprudence, les avis consultatifs servent à fournir aux organes qui les sollicitent les éléments de caractère juridique qui leur sont nécessaires dans le cadre de leurs activités.  Elle rappelle ce qu'elle a déclaré dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires : «il n'appartient pas à la Cour de prétendre décider si l'Assemblée a ou non besoin d'un avis consultatif pour s'acquitter de ses fonctions.  L'Assemblée générale est habilitée à décider elle‑même de l'utilité d'un avis au regard de ses besoins propres.»  Il s'ensuit donc que la Cour ne saurait refuser de répondre à la question posée au motif que son avis ne serait d'aucune utilité.  La Cour ne peut substituer sa propre appréciation de l'utilité de l'avis demandé à celle de l'organe qui le sollicite, en l'occurrence l'Assemblée générale.  En outre, et en tout état de cause, la Cour estime que l'Assemblée générale n'a pas encore procédé à la détermination de toutes les conséquences possibles de sa propre résolution.  La tâche de la Cour consisterait à déterminer l'ensemble des conséquences juridiques de l'édification du mur, alors que l'Assemblée générale ¾ et le Conseil de sécurité ¾ pourraient ensuite tirer des conclusions de ces déterminations de la Cour.

          Enfin, Israël a avancé un autre argument concernant l'opportunité de donner un avis consultatif en l'espèce, selon lequel la Palestine, compte tenu de la responsabilité qui est la sienne dans les actes de violence auxquels le mur vise à parer, commis contre Israël et sa population, ne saurait demander à la Cour de remédier à une situation résultant de ses propres actes illicites.  Dès lors, conclut Israël, la bonne foi et le principe des «mains propres» constituent une raison décisive qui devrait conduire la Cour à refuser d'accéder à la demande de l'Assemblée générale.  De l'avis
de la Cour, cet argument est dénué de pertinence.  La Cour souligne, comme elle l'a fait précédemment, que c'est l'Assemblée générale qui a sollicité un avis consultatif, et qu'un tel avis serait donné à l'Assemblée générale et non à un Etat ou une entité déterminés.

Haut page

*

          A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu'elle a compétence pour donner un avis sur la question qui lui a été posée par l'Assemblée générale, et qu'il n'existe aucune raison décisive pour qu'elle use de son pouvoir discrétionnaire de ne pas donner cet avis.

Portée de la question posée à la Cour (par. 66‑69)

          La Cour passe alors à l'examen de la question qui lui a été adressée par l'Assemblée générale par la résolution ES‑10/14 (voir ci‑dessus).  La Cour explique qu'elle a choisi d'employer le terme «mur», à l'instar de l'Assemblée générale, parce que les autres termes utilisés ¾ «clôture» ou «barrière» ¾, pris dans leur acception physique, ne sont pas plus exacts.  Elle relève en outre que la requête de l'Assemblée générale a trait aux conséquences juridiques de l'édification du mur «dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est» et considère qu'elle n'est pas appelée à examiner les conséquences juridiques de la construction des parties du mur qui se trouvent sur le territoire même d'Israël.

Contexte historique (par. 70‑78)

          En vue de préciser les conséquences juridiques de l'édification du mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour doit au préalable déterminer si l'édification de ce mur est ou non contraire au droit international.  A cette fin, elle effectue tout d'abord une brève analyse historique du statut du territoire en cause, depuis l'époque où la Palestine, ayant fait partie de l'Empire ottoman, fut, à l'issue de la première guerre mondiale, placée sous un mandat «A» confié à la Grande‑Bretagne par la Société des Nations.  Au cours de cette analyse, la Cour mentionne les hostilités de 1948‑1949 et la ligne de démarcation de l'armistice entre Israël et les forces arabes, fixée par une convention générale d'armistice conclue le 3 avril 1949 entre Israël et la Jordanie, appelée «Ligne verte». A l'issue de cette analyse, la Cour note que les territoires situés entre la Ligne verte et l'ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la Jordanie.  Elle fait observer que, selon le droit international coutumier, il s'agissait donc de territoires occupés dans lesquels Israël avait la qualité de puissance occupante.  Les événements survenus depuis lors dans ces territoires n'ont rien changé à cette situation.  La Cour conclut que l'ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem‑Est) demeurent des territoires occupés et qu'Israël y a conservé la qualité de puissance occupante.

Description du mur (par. 79‑85)

          La Cour décrit ensuite, sur la base des informations contenues dans un rapport du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies et dans l'exposé écrit présenté à la Cour par le Secrétaire général, les ouvrages construits ou en cours de construction sur ce territoire.

Règles et principes pertinents du droit international (par. 86‑113)

          La Cour aborde alors la détermination des règles et principes de droit international qui sont pertinents pour l'appréciation de la licéité des mesures prises par Israël.  Elle fait observer que ces règles et principes figurent dans la Charte des Nations Unies et certains autres traités, dans le droit international coutumier et dans les résolutions pertinentes adoptées en vertu de la Charte par l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité.  Elle est consciente, toutefois, que des doutes ont été exprimés par Israël en ce qui concerne l'applicabilité dans le territoire palestinien occupé de certaines règles de droit international humanitaire et des conventions relatives aux droits de l'homme. 


     Charte des Nations Unies et résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale (par. 87‑88)

          La Cour rappelle tout d'abord le paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies, qui dispose :

         «Les Membres des Nations Unies s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de tout autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies»

et la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale, intitulée «Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre Etats» (ci‑après dénommée la «résolution 2625 (XXV)»), dans laquelle l'Assemblée a souligné que «[n]ulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou l'emploi de la force ne sera reconnue comme légale.»  Comme la Cour l'a dit dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d'Amérique), les principes énoncés dans la Charte au sujet de l'usage de la force reflètent le droit international coutumier (voir C.I.J. Recueil 1986, p. 98‑101, par. 187‑190); la Cour observe que cela vaut également pour ce qui en est le corollaire, l'illicéité de toute acquisition de territoire résultant de la menace ou de l'emploi de la force.

          Quant au principe du droit des peuples à disposer d'eux‑mêmes, la Cour fait observer qu'il a été consacré dans la Charte des Nations Unies et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale déjà mentionnée, selon laquelle «[t]out Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui priverait de leur droit à l'autodétermination … les peuples mentionnés [dans ladite résolution]».  L'article 1er commun au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et au pacte international relatif aux droits civils et politiques réaffirme le droit de tous les peuples à disposer d'eux‑mêmes et fait obligation aux Etats parties de faciliter la réalisation de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.  La Cour rappelle sa jurisprudence antérieure, qui soulignait que l'évolution actuelle du «droit international à l'égard des territoires non autonomes, tel qu'il est consacré par la Charte des Nations Unies, a fait de l'autodétermination un principe applicable à tous ces territoires», et que le droit des peuples à disposer d'eux‑mêmes est un droit opposable erga omnes

     Droit international humanitaire (par. 89‑101)

          Pour ce qui concerne le droit international humanitaire, la Cour rappelle en premier lieu qu'Israël n'est pas partie à la quatrième convention de La Haye de 1907 à laquelle le règlement est annexé.  Elle estime cependant que les dispositions du règlement de La Haye de 1907 ont acquis un caractère coutumier, comme d'ailleurs tous les participants à la procédure devant la Cour le reconnaissent.  Elle observe en outre que, conformément à l'article 154 de la quatrième convention de Genève, le règlement de La Haye a été complété en ses sections II et III par les dispositions de ladite convention.  La section III dudit règlement, qui concerne «l'autorité militaire sur le territoire de l'Etat ennemi», est particulièrement pertinente en l'espèce. 

          S'agissant en second lieu de la quatrième convention de Genève, la Cour prend acte que des points de vue divergents ont été exprimés par les participants à la procédure devant la Cour.  Contrairement à la grande majorité des participants, Israël conteste en effet l'applicabilité de jure de la convention au territoire palestinien occupé.  La Cour rappelle que la quatrième convention de Genève a été ratifiée par Israël le 6 juillet 1951 et qu'Israël est partie à cette convention; que  la Jordanie y est aussi partie depuis le 29 mai 1951; et qu'aucun des deux Etats n'a formulé de réserve pertinente au cas particulier.  La Cour observe que les autorités israéliennes ont déclaré à plusieurs reprises qu'en fait elles appliquaient de manière générale les dispositions humanitaires de la quatrième convention de Genève dans les territoires occupés.  Toutefois, selon la thèse israélienne, cette convention ne serait pas applicable de jure dans ces territoires car, conformément au deuxième alinéa de son article 2, elle s'appliquerait seulement en cas d'occupation de territoires relevant de la souveraineté d'un Etat contractant partie à un conflit armé.  Israël expose que les territoires occupés par lui à la suite du conflit de 1967 ne relevaient pas auparavant de la souveraineté jordanienne.

          La Cour fait observer que, selon le premier alinéa de l'article 2 de la quatrième convention de Genève, dès lors que deux conditions sont remplies, à savoir l'existence d'un conflit armé (que l'état de guerre ait ou non été reconnu) et la survenance de ce conflit entre deux parties contractantes, la convention s'applique, en particulier dans tout territoire occupé au cours d'un tel conflit par l'une des parties contractantes.  Le deuxième alinéa de l'article 2, qui mentionne «l'occupation du territoire d'une Haute Partie contractante», n'a pas pour objet de restreindre le champ d'application de la convention ainsi fixé par l'alinéa premier, en excluant de ce champ d'application les territoires qui ne relèveraient pas de la souveraineté de l'une des parties contractantes, mais seulement de préciser que, même si l'occupation opérée au cours du conflit a eu lieu sans rencontrer de résistance militaire, la convention demeure applicable. 

          Cette interprétation reflète l'intention des auteurs de la quatrième convention de Genève de protéger les personnes civiles se trouvant d'une manière ou d'une autre au pouvoir de la puissance occupante, indépendamment du statut des territoires occupés, et elle est confirmée par les travaux préparatoires de la convention.  Les Etats parties à la quatrième convention de Genève, lors de la conférence qu'ils ont tenue le 15 juillet 1999, ont retenu cette interprétation, qui a aussi été adoptée par le CICR, l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité.  La Cour mentionne enfin un arrêt de la Cour suprême d'Israël, en date du 30 mai 2004, allant dans le même sens.

          Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la quatrième convention de Genève est applicable dans les territoires palestiniens qui étaient, avant le conflit de 1967, à l'est de la Ligne verte, et qui ont à l'occasion de ce conflit été occupés par Israël, sans qu'il y ait lieu de rechercher quel était auparavant le statut exact de ces territoires. 

     Instruments relatifs aux droits de l'homme (par. 102‑113)

          Les participants à la procédure devant la Cour sont également divisés en ce qui concerne l'applicabilité dans le territoire palestinien occupé des conventions internationales concernant les droits de l'homme auxquelles Israël est partie.  A l'annexe I au rapport du Secrétaire général, il est précisé :

         «4. Israël conteste que le pacte international relatif aux droits civils et politiques et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qu'il a signés l'un et l'autre, soient applicables au territoire palestinien occupé.  Il affirme que le droit humanitaire est le type de protection qui convient dans un conflit tel que celui qui existe en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, tandis que les instruments relatifs aux droits de l'homme ont pour objet d'assurer la protection des citoyens vis‑à‑vis de leur propre gouvernement en temps de paix.»

          Israël a ratifié le 3 octobre 1991 le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, le pacte international relatif aux droits civils et politiques du même jour, ainsi que la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

          S'agissant de la question des rapports entre droit international humanitaire et droit relatif aux droits de l'homme, la Cour commence par rappeler la conclusion à laquelle elle est parvenue dans une affaire antérieure, à savoir que la protection offerte par le pacte international relatif aux droits civils et politiques ne cesse pas en temps de guerre (C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 240, par. 25).  De manière plus générale, elle estime que la protection offerte par les conventions régissant les droits de l'homme ne cesse pas en cas de conflit armé, si ce n'est par l'effet de clauses dérogatoires du type de celle figurant à l'article 4 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Elle note que trois situations peuvent dès lors se présenter : certains droits peuvent relever exclusivement du droit international humanitaire; d'autres peuvent relever exclusivement des droits de l'homme; d'autres enfin peuvent relever à la fois de ces deux branches du droit international.  Pour répondre à la question qui lui est posée, la Cour aura en l'espèce à prendre en considération les deux branches du droit international précitées, à savoir les droits de l'homme et, en tant que lex specialis, le droit international humanitaire.

          Reste à déterminer si les deux pactes internationaux et la convention relative aux droits de l'enfant sont applicables sur le seul territoire des Etats parties, ou s'ils sont également applicables hors de ce territoire et, si oui, dans quelles circonstances.  Après avoir examiné les dispositions des deux pactes internationaux, à la lumière des travaux préparatoires pertinents et de la position prise par Israël dans ses rapports au Comité des droits de l'homme et au Comité des droits économiques, sociaux et culturels, la Cour conclut que ces instruments sont applicables aux actes d'un Etat agissant dans l'exercice de sa compétence en dehors de son propre territoire.  Pour ce qui concerne le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Israël est aussi dans l'obligation de ne pas faire obstacle à l'exercice de ces droits dans les domaines où compétence a été transférée à des autorités palestiniennes.  La Cour conclut en outre que la convention relative aux droits de l'enfant est aussi applicable dans le territoire palestinien occupé. 

Violation des règles pertinentes (par. 114‑142)

          La Cour entreprend ensuite de rechercher si la construction du mur a porté atteinte aux règles et principes de droit international qui sont pertinents pour répondre à la question posée par l'Assemblée générale. 

     Incidence sur le droit du peuple palestinien à l'autodétermination (par. 115‑122)

          La Cour relève à cet égard les affirmations de la Palestine et d'autres participants selon lesquelles la construction du mur est «une tentative d'annexion du territoire qui constitue une transgression du droit international» et «contrevient au principe interdisant l'acquisition de territoire par le recours à la force» et selon lesquelles «l'annexion de facto de terres constitue une atteinte à la souveraineté territoriale et en conséquence au droit des Palestiniens à l'autodétermination».  Elle relève aussi que, pour sa part, Israël expose que le mur a pour seul objet de permettre de lutter efficacement contre le terrorisme en provenance de Cisjordanie et qu'il a déclaré à plusieurs reprises que l'édification de la barrière a un caractère temporaire.

          La Cour rappelle que tant l'Assemblée générale que le Conseil de sécurité se sont référés, à propos de la Palestine, à la règle coutumière de «l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire par la guerre».  S'agissant du principe du droit des peuples à disposer d'eux‑mêmes, la Cour observe que l'existence d'un «peuple palestinien» ne saurait plus faire débat et qu'elle a été reconnue par Israël, au même titre que les «droits légitimes» de ce peuple.  De l'avis de la Cour, parmi ces droits figure le droit à l'autodétermination, comme l'Assemblée générale l'a d'ailleurs reconnu à plusieurs occasions. 

          La Cour observe que le tracé du mur tel qu'il a été fixé par le Gouvernement israélien incorpore dans la «zone fermée» (la partie de la Cisjordanie comprise entre la Ligne verte et le mur) environ 80 % des colons installés dans le territoire palestinien occupé et qu'il a été fixé de manière à inclure dans la zone la plus grande partie des colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem‑Est).  Les informations fournies à la Cour montrent qu'à partir de 1977 Israël a mené une politique et développé des pratiques consistant à établir des colonies de peuplement dans le territoire palestinien occupé, contrairement aux prescriptions du sixième alinéa de l'article 49 de la quatrième convention de Genève, qui dispose : «La puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d'une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle.»  Le Conseil de sécurité a considéré que cette politique et ces pratiques «n'ont aucune validité en droit» et constituent une «violation flagrante» de la convention.  La Cour conclut que les colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem‑Est) l'ont été en méconnaissance du droit international.

          Tout en prenant acte de l'assurance donnée par Israël que la construction du mur n'équivaut pas à une annexion et que le mur est de nature temporaire, la Cour estime que la construction du mur et le régime qui lui est associé créent sur le terrain un «fait accompli» qui pourrait fort bien devenir permanent, auquel cas, et nonobstant la description officielle qu'Israël donne du mur, la construction de celui‑ci équivaudrait à une annexion de facto.

            La Cour estime par ailleurs que le tracé choisi pour le mur consacre sur le terrain les mesures illégales prises par Israël et déplorées par le Conseil de sécurité en ce qui concerne Jérusalem et les colonies de peuplement.  La construction du mur risque également de conduire à de nouvelles modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé, dans la mesure où elle occasionne le départ de populations palestiniennes de certaines zones.  Cette construction, s'ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse ainsi un obstacle grave à l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination et viole de ce fait l'obligation incombant à Israël de respecter ce droit. 

Dispositions pertinentes du droit international humanitaire et des instruments relatifs aux droits de l'homme (par. 123‑137)

          La construction du mur pose en outre plusieurs problèmes au regard des dispositions pertinentes du droit international humanitaire et des conventions relatives aux droits de l'homme.

          Tout d'abord, la Cour énumère et cite plusieurs de ces dispositions applicables au territoire palestinien occupé, notamment certains articles du règlement de La Haye de 1907, de la quatrième convention de Genève, du pacte international relatif aux droits civils et politiques, du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.  A cet égard, la Cour se réfère aussi aux obligations visant les garanties d'accès aux lieux saints chrétiens, juifs et musulmans.

          Il ressort des informations fournies à la Cour, et notamment du rapport du Secrétaire général, que la construction du mur a entraîné la destruction ou la réquisition de propriétés dans des conditions contraires aux prescriptions des articles 46 et 52 du règlement de La Haye de 1907 et de l'article 53 de la quatrième convention de Genève.

          Cette construction, la création d'une zone fermée entre la Ligne verte et le mur, et la constitution d'enclaves ont par ailleurs apporté des restrictions importantes à la liberté de circulation des habitants du territoire palestinien occupé (à l'exception des ressortissants israéliens et assimilés).  Il en est aussi résulté de sérieuses répercussions pour la production agricole et, pour les populations concernées, des difficultés croissantes d'accès aux services de santé, ainsi qu'aux établissements scolaires et à l'approvisionnement primaire en eau.

          De l'avis de la Cour, la construction du mur priverait également un nombre significatif de Palestiniens de leur droit de «choisir librement [leur] résidence».  En outre, puisque la construction du mur et le régime qui lui est associé ont déjà obligé un nombre significatif de Palestiniens à quitter certaines zones ¾ processus qui se poursuivra avec l'édification de nouveaux tronçons du mur ¾, cette construction, combinée à l'établissement des colonies de peuplement mentionné au paragraphe 120 de l'avis, tend à modifier la composition démographique du territoire palestinien occupé.


          Au total, de l'avis de la Cour, la construction du mur et le régime qui lui est associé entravent la liberté de circulation des habitants du territoire palestinien occupé (à l'exception des ressortissants israéliens et assimilés) telle que garantie par le paragraphe 1 de l'article 12 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Ils entravent également l'exercice par les intéressés des droits au travail, à la santé, à l'éducation et à un niveau de vie suffisant tels que proclamés par le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.  Enfin, la construction du mur et le régime qui lui est associé, en contribuant aux changements démographiques mentionnés, sont contraires au sixième alinéa de l'article 49 de la quatrième convention de Genève et aux résolutions du Conseil de sécurité pertinentes déjà citées.

          La Cour examine ensuite certaines dispositions du droit international humanitaire applicable permettant de tenir compte dans certains cas des impératifs militaires, dispositions qui, selon la Cour, peuvent être invoquées dans des territoires occupés même après la fin générale des opérations militaires ayant conduit à l'occupation de ces territoires; elle fait observer, toutefois, que seul l'article 53 de la quatrième convention de Genève contient une disposition de ce type, et, en conséquence, au vu du dossier, la Cour n'est pas convaincue que les destructions opérées contrairement à l'interdiction édictée à cet article 53 aient été rendues «absolument nécessaires par des opérations militaires», auquel cas elles relèveraient de cette exception.

          De la même manière, la Cour examine certaines dispositions tirées de conventions relatives aux droits de l'homme permettant de déroger aux droits garantis par celles‑ci, mais elle conclut, au vu des informations dont elle dispose, que les conditions posées dans ces dispositions ne sont pas remplies en l'espèce.

          Au total, la Cour, au vu du dossier, n'est pas convaincue que la poursuite des objectifs de sécurité avancés par Israël nécessitait l'adoption du tracé choisi pour le mur.  Le mur tel que tracé et le régime qui lui est associé portent atteinte de manière grave à de nombreux droits des Palestiniens habitant dans le territoire occupé par Israël sans que les atteintes résultant de ce tracé puissent être justifiées par des impératifs militaires ou des nécessités de sécurité nationale ou d'ordre public.  La construction d'un tel mur constitue dès lors une violation par Israël de diverses obligations qui lui incombent en vertu des instruments applicables de droit international humanitaire et des droits de l'homme.

     Légitime défense et état de nécessité (par. 138‑141)

          La Cour rappelle qu'à l'annexe I du rapport du Secrétaire général, il est cependant précisé que, selon Israël, «la construction du mur est conforme à l'article 51 de la Charte des Nations Unies, ainsi qu'à son droit inhérent de légitime défense et aux résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité».

          La Cour note que l'article 51 de la Charte reconnaît l'existence d'un droit naturel de légitime défense en cas d'agression armée par un Etat contre un autre Etat.  Toutefois Israël ne prétend pas que les violences dont il est victime soient imputables à un Etat étranger.  La Cour note par ailleurs qu'Israël exerce son contrôle sur le territoire palestinien occupé et que, comme Israël l'indique lui‑même, la menace qu'il invoque pour justifier la construction du mur trouve son origine à l'intérieur de ce territoire, et non en dehors de celui‑ci.  Cette situation est donc différente de celle envisagée par les résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité, et de ce fait Israël ne saurait en tout état de cause invoquer ces résolutions au soutien de sa prétention à exercer un droit de légitime défense.  En conséquence, la Cour conclut que l'article 51 de la Charte est sans pertinence au cas particulier.


          La Cour se demande par ailleurs si Israël pourrait se prévaloir d'un état de nécessité permettant d'exclure l'illicéité de la construction du mur.  A cet égard, citant sa décision en l'affaire relative au Projet Gabčíkovo‑Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), elle observe que l'état de nécessité constitue une cause, reconnue par le droit international coutumier, qui «ne peut être invoqué[e] qu'à certaines conditions, strictement définies, qui doivent être cumulativement réunies» (C.I.J. Recueil 1997, p. 40, par. 51), l'une de ces conditions étant que le fait incriminé doit constituer pour l'Etat le seul moyen de protéger un intérêt essentiel contre un péril grave et imminent.  Au vu du dossier, la Cour n'est pas convaincue que la construction du mur selon le tracé retenu était le seul moyen de protéger les intérêts d'Israël contre le péril dont il s'est prévalu pour justifier cette construction.  Si Israël a le droit, et même le devoir, de répondre aux actes de violence, nombreux et meurtriers, visant sa population civile, en vue de protéger la vie de ses citoyens, les mesures prises n'en doivent pas moins demeurer conformes au droit international applicable.  Israël ne saurait se prévaloir du droit de légitime défense ou de l'état de nécessité, comme excluant l'illicéité de la construction du mur.  En conséquence, la Cour juge que la construction du mur et le régime qui lui est associé sont contraires au droit international.

Conséquences juridiques des violations (par. 143‑160)

          La Cour examine ensuite les conséquences des violations par Israël des obligations internationales lui incombant.  Après avoir rappelé les arguments avancés à cet égard par divers participants à la procédure, la Cour constate que la responsabilité d'Israël est engagée selon le droit international.  Elle examine alors ces conséquences juridiques en opérant une distinction entre, d'une part, celles qui en découlent pour Israël et, d'autre part, celles qui en découlent pour les autres Etats et, le cas échéant, pour l'Organisation des Nations Unies.

     Conséquences juridiques de ces violations pour Israël (par. 149-154)

          La Cour note qu'Israël est tout d'abord tenu de respecter les obligations internationales auxquelles il a contrevenu par la construction du mur en territoire palestinien occupé.  En conséquence, Israël doit observer l'obligation qui lui incombe de respecter le droit à l'autodétermination du peuple palestinien et les obligations auxquelles il est tenu en vertu du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l'homme.  Par ailleurs, il doit assurer la liberté d'accès aux Lieux saints passés sous son contrôle à la suite du conflit de 1967.

          La Cour observe qu'Israël a également l'obligation de mettre un terme à la violation de ses obligations internationales, telle qu'elle résulte de la construction du mur en territoire palestinien occupé.  Israël a en conséquence l'obligation de cesser immédiatement les travaux d'édification du mur qu'il est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est.  De l'avis de la Cour, la cessation par Israël des violations de ses obligations internationales implique le démantèlement immédiat des portions de cet ouvrage situées dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est.  L'ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de l'édification du mur et de la mise en place du régime qui lui est associé doivent immédiatement être abrogés ou privés d'effet, sauf s'ils demeurent pertinents dans le contexte de l'obligation de réparation à laquelle Israël est tenu.

          La Cour constate par ailleurs qu'Israël a l'obligation de réparer tous les dommages causés à toutes les personnes physiques ou morales concernées.  La Cour rappelle la jurisprudence bien établie, selon laquelle «[l]e principe essentiel, qui découle de la notion même d'acte illicite, ... est que la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait pas été commis».  Israël est en conséquence tenu de restituer les terres, les vergers, les oliveraies et les autres biens immobiliers saisis à toute personne physique ou morale en vue de l'édification du mur dans le territoire palestinien occupé.  Au cas où une telle restitution s'avérerait matériellement impossible, Israël serait tenu de procéder à l'indemnisation des personnes en question pour le préjudice subi par elles.  De l'avis de la Cour, Israël est également tenu d'indemniser, conformément aux règles du droit international applicables en la matière, toutes les personnes physiques ou morales qui auraient subi un préjudice matériel quelconque du fait de la construction de ce mur.

     Conséquences juridiques pour les autres Etats (par. 154‑159)

          La Cour fait remarquer qu'au rang des obligations internationales violées par Israël figurent des obligations erga omnes.  Comme la Cour l'a précisé dans l'affaire de la Barcelona Traction, de telles obligations, par leur nature même, «concernent tous les Etats» et, «[v]u l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés» (Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970, p. 32, par. 33).  Les obligations erga omnes violées par Israël sont l'obligation de respecter le droit du peuple palestinien à l'autodétermination ainsi que certaines des obligations qui sont les siennes en vertu du droit international humanitaire.  S'agissant du droit à l'autodétermination, la Cour rappelle ses conclusions en l'affaire du Timor oriental et la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale.  Elle rappelle qu'un grand nombre de règles du droit humanitaire «constituent des principes intransgressibles du droit international coutumier» (C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79) et constate qu'elles incorporent des obligations revêtant par essence un caractère erga omnes.  Elle souligne en outre l'obligation incombant aux Etats parties à la quatrième convention de Genève d'en «faire respecter» les dispositions.

          Vu la nature et l'importance des droits et obligations en cause, la Cour est d'avis que tous les Etats sont dans l'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est.  Ils sont également dans l'obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction.  Il appartient par ailleurs à tous les Etats de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, à ce qu'il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination.  En outre, tous les Etats parties à la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont l'obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention.

     L'Organisation des Nations Unies (par. 160)

          La Cour est enfin d'avis que l'Organisation des Nations Unies, et spécialement l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé.

*

          La Cour estime que la construction du mur par Israël dans le territoire palestinien occupé est contraire au droit international et doit être replacée dans un contexte plus général.  Depuis 1947, année de l'adoption de la résolution 181 (II) de l'Assemblée générale et de la fin du mandat pour la Palestine, se sont multipliés sur le territoire de l'ancien mandat les conflits armés, les actes de violence indiscriminés et les mesures de répression.  La Cour relève qu'aussi bien Israël que la Palestine ont l'obligation de respecter de manière scrupuleuse le droit international humanitaire, dont l'un des buts principaux est de protéger la vie des personnes civiles.  Des actions illicites ont été menées et des décisions unilatérales ont été prises par les uns et par les autres alors que, de l'avis de la Cour, seule la mise en œuvre de bonne foi de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, en particulier les résolutions 242 (1967) et 338 (1973), est susceptible de mettre un terme à cette situation tragique.  La «feuille de route» approuvée par la résolution 1515 (2003) du Conseil de sécurité constitue l'effort le plus récent en vue de provoquer des négociations à cette fin.  La Cour croit de son devoir d'appeler l'attention de l'Assemblée générale, à laquelle cet avis est destiné, sur la nécessité d'encourager ces efforts en vue d'aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit international, à une solution négociée des problèmes pendants et à la constitution d'un Etat palestinien vivant côte à côte avec Israël et ses autres voisins, et d'assurer à chacun dans la région paix et sécurité.

Haut page

*

          Le texte intégral du dernier paragraphe (par. 163) est libellé comme suit :

          «Par ces motifs,

          La Cour,

          1) A l'unanimité,

          Dit qu'elle est compétente pour répondre à la demande d'avis consultatif;

          2) Par quatorze voix contre une,

          Décide de donner suite à la demande d'avis consultatif;

pour : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président; MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

contre : M. Buergenthal, juge;

          3) Répond de la manière suivante à la question posée par l'Assemblée générale :

          A. Par quatorze voix contre une,

          L'édification du mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international;

pour : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président; MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

contre : M. Buergenthal, juge;

          B. Par quatorze voix contre une,

          Israël est dans l'obligation de mettre un terme aux violations du droit international dont il est l'auteur; il est tenu de cesser immédiatement les travaux d'édification du mur qu'il est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est, de démanteler immédiatement l'ouvrage situé dans ce territoire et d'abroger immédiatement ou de priver immédiatement d'effet l'ensemble des actes législatifs et réglementaires qui s'y rapportent, conformément au paragraphe 151 du présent avis;

pour : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président; MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

contre : M. Buergenthal, juge;

          C. Par quatorze voix contre une,

          Israël est dans l'obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est;

pour : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président; MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

contre : M. Buergenthal, juge;

          D. Par treize voix contre deux,

          Tous les Etats sont dans l'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction; tous les Etats parties à la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, ont en outre l'obligation, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention; 

pour : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président; MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra‑Aranguren, Rezek, Al‑Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

contre : MM. Kooijmans, Buergenthal, juges;

          E. Par quatorze voix contre une,

          L'Organisation des Nations Unies, et spécialement l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment compte du présent avis consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant de la construction du mur et du régime qui lui est associé.

pour : M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président; MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins, MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh, Elaraby, Owada, Simma, Tomka, juges;

contre : M. Buergenthal, juge

___________

Haut page

Annexes au résumé 2004/2

Opinion individuelle de M. le juge Koroma

          Dans son opinion individuelle, le juge Koroma indique que, tout en souscrivant à la décision de la Cour selon laquelle le mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est, et le régime qui lui est associé sont contraires au droit international, il estime que les points suivants méritent d'être soulignés.

          Selon lui, l'édification du mur — qui a entraîné l'annexion de portions du territoire occupé et la dépossession d'un certain nombre de Palestiniens de leurs terres — est contraire au droit international (notamment au principe interdisant l'acquisition de territoire par la force), au droit relatif aux droits de l'homme et au droit international humanitaire, en vertu desquels les droits qu'exerce une puissance occupante dans un territoire occupé et sur ses habitants sont de nature limitée; ces droits n'équivalent pas à des droits souverains qui autoriseraient l'occupant à apporter au statut de ce territoire des modifications telles que la construction du mur.  En d'autres termes, lorsque, par son action, une puissance occupante modifie unilatéralement le statut d'un territoire qu'elle occupe militairement, elle viole le droit existant.

          Sur la question de la compétence, le juge Koroma déclare que, même s'il est concevable qu'il y ait des points de vue juridiques très divers sur la question dont est saisie la Cour, il est d'avis que, à la lumière de la Charte des Nations Unies, du Statut de la Cour et de la jurisprudence de celle‑ci, l'objection à la compétence de la Cour pour connaître des problèmes soulevés dans la question posée à la Cour n'est pas fondée.  A son avis, l'objection reposant sur l'opportunité judiciaire ¾ un aspect que la Cour a amplement examiné sous l'angle de la bonne administration de la justice ¾ n'est pas fondée non plus.  Selon le juge, non seulement la question dont est saisie la Cour est une question éminemment juridique à laquelle il est possible d'apporter une réponse juridique, mais aucune preuve décisive n'a été produite pour persuader la Cour de décliner sa compétence consultative.

          Il convient de mettre en exergue de la même manière la conclusion de la Cour concernant le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, y compris l'établissement de son propre Etat par celui‑ci, comme l'envisage la résolution 181 (II), et la conclusion selon laquelle la construction du mur serait un obstacle à la réalisation de ce droit.

          Le juge Koroma souligne également le fait que les conclusions de la Cour font autorité, certaines reposant sur les principes de jus cogens et revêtant un caractère erga omnes

          Tout aussi important est l'appel lancé aux parties au conflit pour qu'elles respectent, durant les hostilités en cours, les principes du droit humanitaire, notamment la quatrième convention de Genève.

          Enfin, le juge déclare que, la Cour s'étant prononcée, il incombe à présent à l'Assemblée générale d'utiliser ces conclusions de manière à apporter une solution juste et pacifique au conflit israélo‑palestinien, un conflit qui non seulement dure depuis trop longtemps mais cause également d'énormes souffrances aux personnes directement concernées et envenime les relations internationales en général.

Opinion individuelle de Mme le juge Higgins

          Dans son opinion individuelle, le juge Higgins, qui a voté avec la Cour en faveur de chacun des points du dispositif, développe sa position sur certains des problèmes rencontrés par la Cour, lorsque celle‑ci a eu à se prononcer sur la question de savoir si elle devait exercer ou non le pouvoir discrétionnaire qu'elle a de refuser de répondre à la question qui lui a été posée.  Selon elle, une condition énoncée par la Cour dans l'avis consultatif sur le Sahara occidental ne se trouve pas remplie, à savoir que, lorsque deux Etats ont un différend, l'Assemblée générale ne devrait pas demander d'avis consultatif «afin d'exercer plus tard, sur la base de l'avis rendu par la Cour, ses pouvoirs et ses fonctions en vue de régler pacifiquement ce différend ou cette controverse» (C.I.J. Recueil 1975, p. 56, par. 39).  Les participants à la présente procédure ont clairement fait savoir que l'intention était précisément de se servir de l'avis en tant que moyen de pression.

          Le juge Higgins est d'avis que, en principe, il n'est pas souhaitable qu'une question soit posée à la Cour en empêchant en même temps celle‑ci de se pencher sur le contexte dans lequel le problème se pose.  Elle indique ce que la Cour aurait dû faire, à la fois pour que l'avis soit équilibré et impartial et pour mettre à profit les possibilités qu'offre un avis consultatif afin de rappeler tant à la Palestine qu'à Israël les responsabilités que leur impose le droit international.

          Le juge Higgins explique en outre que, tout en souscrivant à l'idée que les articles 46 et 52 du règlement de La Haye et l'article 53 de la quatrième convention de Genève ont été violés par l'édification du mur dans le territoire occupé, elle ne partage pas la totalité du raisonnement qui a conduit la Cour à cette conclusion.  Elle doute en particulier que le mur constitue un «obstacle grave» à l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination, le véritable obstacle se situant ailleurs, selon elle.  Elle convient qu'Israël ne peut exclure l'illicéité en invoquant le droit de légitime défense, mais les motifs qui l'amènent à tirer pareille conclusion sont différents de ceux de la Cour, parce qu'elle ne partage pas les vues de celle‑ci sur la légitime défense telles qu'exposées au paragraphe 139 de l'avis.

          S'agissant des conséquences juridiques qui découlent des conclusions de la Cour, le juge Higgins indique que, tout en ayant voté pour, notamment, l'alinéa D du point 3, elle n'est pas convaincue que les obligations qui incombent aux Membres des Nations Unies résultent du concept juridique des obligations erga omnes, ni se fondent sur ce concept.

Opinion individuelle de M. le juge Kooijmans

          Le juge Kooijmans commence par exposer brièvement les raisons pour lesquelles il a voté contre l'alinéa D du paragraphe 3) du dispositif.

          Il présente ensuite succinctement le cadre historique et le contexte de la demande de l'Assemblée générale. Selon lui, la Cour aurait dû décrire ce contexte plus en détail; l'avis aurait alors reflété de manière plus satisfaisante les intérêts légitimes et les responsabilités de tous les groupes et individus concernés.

          Le juge Kooijmans formule alors certaines observations sur les questions de compétence et d'opportunité judiciaire.  Il considère que la demande, qui postule l'illicéité de l'édification du mur, est rédigée en termes plutôt maladroits.  Or la responsabilité judiciaire incombait à la Cour d'analyser la demande et, le cas échéant, d'en reformuler l'objet.

          S'agissant du fond, le juge Kooijmans se désolidarise de la conclusion de la Cour selon laquelle l'édification du mur constitue une violation par Israël de son obligation de respecter le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même.  L'exercice de ce droit entre dans le cadre beaucoup plus large du processus politique, bien que le juge Kooijmans considère, comme la Cour, que le mur fait obstacle à cet exercice.

          Le juge Kooijmans déplore par ailleurs que les mesures prises par Israël n'aient pas été assujetties au critère de proportionnalité, mais seulement à celui des exigences militaires et des impératifs de sécurité nationale.  En droit international humanitaire, les critères de nécessité militaire et de proportionnalité sont étroitement liés.

          S'agissant de l'argument d'Israël selon lequel il a agi au titre de la légitime défense, le juge Kooijmans fait remarquer que si la Cour a omis de relever que les résolutions 1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité, sur lesquelles se fonde Israël, ne mentionnent pas une agression armée par un autre Etat, elle souligne à juste titre que ces résolutions mentionnent des actes de terrorisme international.  En la présente instance, les actes terroristes trouvent leur origine dans un territoire sur lequel Israël exerce son contrôle.

          Enfin, le juge Kooijmans explique pourquoi il souscrit aux conclusions de la Cour sur les conséquences en droit de l'édification du mur pour l'Organisation des Nations Unies et pour Israël, mais pourquoi il se désolidarise de ses conclusions à l'égard des autres Etats, à l'exception du devoir de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation ainsi créée.

          S'agissant du devoir de non-reconnaissance et de celui de faire respecter par Israël le droit international humanitaire, le juge Kooijmans est d'avis que les conclusions de la Cour sont insuffisamment fondées en droit international positif et que, par ailleurs, ces obligations sont en réalité dénuées de substance.

Opinion individuelle de M. le juge Al‑Khasawneh

          Le juge Al‑Khasawneh, dans l'opinion individuelle qu'il joint à l'avis, déclare souscrire aux conclusions et au raisonnement de la Cour, mais souhaite préciser trois points :

          Premièrement, l'identification de la présence d'Israël en Cisjordanie, y compris à Jérusalem‑Est, et dans la bande de Gaza, à une occupation militaire repose sur une solide opinio juris et trouve appui dans de nombreuses résolutions, dont certaines ont force obligatoire, ainsi que dans la position, individuelle ou collective, des Etats.  La Cour, tout en prenant acte de cette opinio juris constante, est parvenue à des conclusions analogues indépendamment de ces résolutions et autres éléments.  Selon le juge Al‑Khasawneh, la Cour a bien fait de ne pas s'interroger sur le statut exact des territoires occupés avant 1967, car nul n'est besoin de se reporter à leur statut antérieur pour conclure qu'il s'agit de territoires occupés auxquels s'applique le régime juridique international de l'occupation.  En outre, ce statut n'aurait de l'importance que si ces territoires étaient terra nullius, ce qui est indéfendable.  On ne saurait en effet sérieusement soutenir la notion de terra nullius, qui est discréditée et ne trouve plus à s'appliquer dans le monde d'aujourd'hui.  De surcroît, les territoires faisaient partie d'un territoire sous mandat, et le droit de leur population à l'autodétermination n'est pas éteint et ne le sera pas tant que les Palestiniens ne l'auront pas réalisé.

          Deuxièmement, le juge Al‑Khasawneh examine la question de la Ligne verte et rappelle qu'avant 1967, d'éminents juristes israéliens ont cherché à prouver qu'elle était plus qu'une simple ligne d'armistice.  Aujourd'hui, c'est à partir d'elle que l'occupation israélienne est mesurée.  Nier l'importance de cette ligne est une démarche à double tranchant, qui ouvre la voie aux contestations du titre d'Israël et de l'expansion de son territoire au‑delà de ce qui était prévu dans le plan de partage de la Palestine de 1947.

          Troisièmement, le juge Al‑Khasawneh rappelle que, si rien n'empêche de parler de négociations, celles-ci sont un moyen qui permet d'atteindre une fin, et non une fin en soi.  Pour que les négociations aboutissent à une solution conforme à des principes, il faut qu'elles soient fondées en droit.  En gage de leur bonne foi, ceux qui y prennent part doivent s'abstenir de créer des faits accomplis.

Déclaration de M. le juge Buergenthal

          Le juge Buergenthal estime que la Cour aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser de rendre l'avis consultatif qui lui était demandé, car elle ne disposait pas, selon lui, d'informations et d'éléments de preuve suffisants pour le faire.  Faute de reposer sur les éléments de fait requis, les conclusions beaucoup trop générales de la Cour sur le fond sont viciées; c'est ce qui a conduit le juge Buergenthal à voter contre elles. 

          Le juge Buergenthal admet volontiers qu'une analyse approfondie de tous les faits pertinents pourrait amener à conclure que certains tronçons, voire tous les tronçons, du mur qu'Israël est en train de construire dans le territoire palestinien occupé sont érigés en violation du droit international.  Il estime cependant que rien ne justifie, en droit, que la Cour soit parvenue à cette conclusion au sujet du mur tout entier sans avoir eu à sa disposition ni cherché à vérifier tous les faits pertinents touchant directement au droit naturel de légitime défense d'Israël, à ses impératifs militaires et à ses besoins de sécurité, compte tenu des multiples attaques terroristes meurtrières menées à partir du territoire palestinien occupé contre Israël même et sur son territoire, qu'Israël a subies et continue de subir.  A ce sujet, le juge Buergenthal fait valoir que le droit de légitime défense n'existe pas seulement en cas d'attaque commise par des Etats et que les agressions armées menées contre Israël même à partir du territoire palestinien occupé doivent être considérées, dans le contexte de l'espèce, comme répondant aux critères de l'article 51 de la Charte des Nations Unies.

          Le juge Buergenthal ne peut davantage s'associer à la Cour lorsque celle‑ci conclut globalement que l'édification du mur viole le droit international humanitaire et les instruments relatifs aux droits de l'homme, parce que ces conclusions ne s'appuient sur aucun fait ou élément de preuve qui contredise précisément l'argument des impératifs militaires ou des raisons de sécurité nationale avancé par Israël.  Le juge Buergenthal reconnaît, certes, que plusieurs dispositions du droit international humanitaire citées par la Cour n'autorisent aucune exception fondée sur les impératifs militaires : c'est le cas notamment de l'article 46 du règlement de La Haye et du sixième alinéa de l'article 49 de la quatrième convention de Genève.  Si le juge Buergenthal pense que l'analyse que fait la Cour de l'applicabilité de l'article 46 en l'espèce est mal fondée, il estime en revanche que le sixième alinéa de l'article 49, qui dispose que «[la] puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d'une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle», s'applique effectivement aux colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie, et que l'existence de ces colonies est donc une violation de cette disposition.  Par conséquent, l'édification des tronçons du mur construits par Israël pour protéger les colonies constitue ipso facto une violation de cette disposition.

          Enfin, le juge Buergenthal note que l'on pourrait faire valoir que, si nombre de faits pertinents concernant la licéité de la construction du mur par Israël ont fait défaut à la Cour, c'est parce qu'Israël ne les avait pas produits, et que la Cour était dès lors fondée à s'appuyer presque exclusivement sur les rapports soumis par l'Organisation des Nations Unies.  Cet argument serait valable si la Cour était saisie non pas d'une demande d'avis consultatif mais d'une affaire contentieuse, dans laquelle chaque partie doit prouver le bien‑fondé de ses demandes.  Telle n'est pas la règle en matière consultative.  Israël n'avait nullement l'obligation juridique de participer à cette procédure ni de produire des éléments tendant à prouver la licéité de son mur.  Par conséquent, la Cour ne saurait conclure que le mur est illicite simplement parce qu'Israël n'a pas produit ces éléments, ni considérer, sans les vérifier elle‑même de manière exhaustive, que les informations qui lui ont été fournies suffisent à étayer des conclusions juridiques par trop générales.

Opinion individuelle de M. le juge Elaraby

          Le juge Elaraby souscrit entièrement et sans réserve aux constatations et conclusions de la Cour.  Il estime cependant nécessaire d'y joindre une opinion individuelle, afin de développer certains des aspects historiques et juridiques abordés dans l'avis consultatif.

          Le juge examine en premier lieu la nature et la portée de la responsabilité de l'Organisation des Nations Unies à l'égard de la Palestine, qui tire son origine de la résolution 181 (II) adoptée le 29 novembre 1947 par l'Assemblée générale.  Cette résolution, connue sous le nom de résolution sur le partage, prévoyait la création de deux Etats indépendants, l'un arabe et l'autre juif, et affirmait que la période qui s'écoulerait avant la réalisation de cet objectif «sera[it] une période de transition».

          Le juge Elaraby aborde ensuite le statut, au regard du droit international, du territoire palestinien occupé et les conséquences juridiques du mandat pour la Palestine et de sa terminaison par l'Assemblée générale.  Il rappelle en outre que la Cour, dans les affaires relatives au Sud-Ouest africain et à la Namibie, avait jugé que les territoires anciennement sous mandat faisaient l'objet d'une «mission sacrée de civilisation» et ne «devaient pas être annexés».  Il évoque également les engagements répétés qu'a pris Israël de se retirer et de respecter l'intégrité territoriale du territoire palestinien occupé.

          Dans une troisième partie de son opinion individuelle, le juge Elaraby analyse brièvement les effets de l'occupation israélienne prolongée et les limites qui sont prévues dans les règles du jus bello afin de garantir la protection des non-combattants.  Il considère que les violations par Israël du droit international humanitaire auraient dû être qualifiées de violations graves.

          Le juge Elaraby présente également des observations sur la constatation de la Cour selon laquelle «[la] construction [du mur] … dresse … un obstacle grave à l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination».  A son avis, cette importante constatation aurait dû être incluse dans le dispositif.

Opinion individuelle de M. le juge Owada

          Dans son opinion individuelle, le juge Owada souscrit aux conclusions énoncées dans l'avis consultatif de la Cour, tant sur les questions préliminaires relatives à la compétence et à l'opportunité judiciaire d'exercer cette compétence que sur la plupart des points relevant du fond.  Il émet toutefois quelques réserves quant à la manière dont la Cour a exercé cette opportunité judiciaire dans la présente procédure.

          Plus précisément, le juge Owada est d'avis que la Cour aurait dû s'interroger sur l'opportunité judiciaire non seulement pour déterminer si elle devait donner suite à la demande d'avis consultatif, mais également pour savoir comment exercer sa compétence, une fois qu'elle a décidé de l'exercer, en vue d'assurer une bonne administration de la justice dans cette affaire qui fait intervenir un différend bilatéral sous-jacent.  En pareil cas, une bonne administration de la justice impose également de traiter équitablement les positions des parties concernées quant à l'évaluation des faits et des points de droit.  Enfin, le juge Owada regrette que la Cour n'ait pas exprimé dans son avis un rejet catégorique du cycle tragique d'actes de violence aveugle perpétrés de part et d'autre contre des populations civiles innocentes, cycle qui constitue un élément important de la toile de fond de la présente affaire.

Haut page

___________

Source: http://www.icj-cij.org/cijwww/cpresscom/cpresscom2004/cpresscom2004-2_resume_mwp_20040709.htm

Retour - Ressources  - Accueil