Conséquences juridiques de l'édification
                  d'un mur
                  dans le territoire palestinien occupé
                  (Requête pour avis consultatif)
                  Résumé de
                  l'avis consultatif du 9 juillet 2004
                  Historique de la procédure
                  (par. 1‑12)
                           
                  La Cour rappelle tout d'abord que le 10 décembre 2003
                  le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies
                  a officiellement communiqué à la Cour la décision prise par
                  l'Assemblée générale de lui soumettre la question pour avis
                  consultatif énoncée dans sa résolution ES‑10/14,
                  adoptée le 8 décembre 2003 lors de sa dixième
                  session extraordinaire d'urgence.  La question est la
                  suivante :
                           
                  «Quelles sont en droit les conséquences de l'édification du
                  mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de
                  construire dans le territoire palestinien occupé, y compris
                  à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est,
                  selon ce qui est exposé dans le rapport du Secrétaire général,
                  compte tenu des règles et des principes du droit
                  international, notamment la quatrième convention de Genève
                  de 1949 et les résolutions consacrées à la question par le
                  Conseil de sécurité et l'Assemblée générale ?»
                           
                  La Cour donne ensuite un bref aperçu de l'historique de la
                  procédure.
                  Questions de compétence (par. 13‑42)
                           
                  Au début de son raisonnement, la Cour fait observer que,
                  lorsqu'elle est saisie d'une demande d'avis consultatif, elle
                  doit commencer par déterminer si elle a compétence pour
                  donner l'avis demandé et, dans l'affirmative, s'il existe une
                  quelconque raison pour elle de refuser d'exercer une telle
                  compétence.
                           
                  La Cour se penche en premier lieu sur la question de savoir si
                  elle a compétence pour donner l'avis consultatif.  Elle
                  relève premièrement que la compétence de la Cour en la matière
                  est fondée sur le paragraphe 1 de l'article 65 de
                  son Statut, aux termes duquel la Cour «peut donner un avis
                  consultatif sur toute question juridique, à la demande de
                  tout organe ou institution qui aura été autorisé par la
                  Charte des Nations Unies ou conformément à ses
                  dispositions à demander cet avis», et deuxièmement que
                  l'Assemblée générale, qui demande l'avis consultatif, est
                  autorisée à le faire en vertu du paragraphe 1 de
                  l'article 96 de la Charte, qui dispose que «[l]'Assemblée
                  générale ou le Conseil de sécurité peut demander à la
                  Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute
                  question juridique».  Comme elle l'a fait parfois dans
                  le passé, la Cour se penche ensuite sur la relation entre la
                  question qui fait l'objet de la requête pour avis consultatif
                  et les activités de l'Assemblée.  Elle observe à ce
                  sujet que l'article 10 de la Charte a conféré à
                  l'Assemblée générale une compétence à l'égard de «toutes
                  questions ou affaires» entrant dans le cadre de la Charte, et
                  que le paragraphe 2 de l'article 11 lui a spécifiquement
                  donné compétence à l'égard de «toutes questions se
                  rattachant au maintien de la paix et de la sécurité
                  internationales dont elle aura été saisie par l'une
                  quelconque des Nations Unies…» et pour faire des
                  recommandations sous certaines conditions posées dans ces
                  deux articles.  Elle note que la question de la
                  construction du mur dans le territoire palestinien occupé a
                  été soumise à l'Assemblée générale par un certain nombre
                  d'Etats Membres dans le cadre de sa dixième session
                  extraordinaire d'urgence, convoquée pour examiner ce que
                  l'Assemblée, dans sa résolution ES‑10/2 du 25 avril 1997,
                  avait considéré comme constituant une menace à la paix et
                  à la sécurité internationales.
                           
                  Après avoir rappelé la chronologie des événements qui ont
                  conduit à l'adoption de la résolution ES‑10/14,
                  la Cour aborde la première question de compétence soulevée
                  en la présente espèce.  Israël a prétendu que, compte
                  tenu du rôle actif joué par le Conseil de sécurité à l'égard
                  de la situation au Moyen‑Orient, y compris la question
                  palestinienne, l'Assemblée générale avait outrepassé la
                  compétence que lui confère la Charte, sa demande d'avis
                  consultatif n'ayant pas été conforme au paragraphe 1 de
                  l'article 12 de la Charte, qui dispose que : «Tant
                  que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend
                  ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont
                  attribuées par la présente Charte, l'Assemblée générale
                  ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette
                  situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui
                  demande.»  La Cour, tout en faisant observer qu'une requête
                  pour avis consultatif ne constitue pas une «recommandation»
                  de l'Assemblée générale «sur [un] différend ou [une]
                  situation», au sens de l'article 12, n'en juge pas moins
                  opportun d'examiner le sens qu'il convient de donner à cet
                  article, compte tenu de la pratique des Nations Unies. 
                  Elle note que, en vertu de l'article 24 de la Charte, le
                  Conseil de sécurité a «la responsabilité principale du
                  maintien de la paix et de la sécurité internationales» et
                  que le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale
                  interprétèrent et appliquèrent l'un et l'autre, dans un
                  premier temps, l'article 12 comme faisant obstacle à ce
                  que l'Assemblée puisse formuler des recommandations sur une
                  question relative au maintien de la paix et de la sécurité
                  internationales restant inscrite à l'ordre du jour du
                  Conseil, mais que cette interprétation de l'article 12 a
                  évolué par la suite.  La Cour prend acte d'une interprétation
                  de ce texte donnée par le conseiller juridique de
                  l'Organisation des Nations Unies lors de la
                  vingt‑troisième session de l'Assemblée générale et
                  d'une tendance croissante à voir l'Assemblée générale et
                  le Conseil de sécurité examiner parallèlement une même
                  question relative au maintien de la paix et de la sécurité
                  internationales.  Elle considère que la pratique acceptée
                  de l'Assemblée, telle qu'elle a évolué, est compatible avec
                  le paragraphe 1 de l'article 12; elle est en conséquence
                  d'avis que l'Assemblée générale, en adoptant la résolution ES‑10/14
                  portant demande d'un avis consultatif de la Cour, n'a pas
                  enfreint les dispositions du paragraphe 1 de l'article 12
                  de la Charte.  Elle conclut que, en présentant la
                  demande d'avis consultatif, l'Assemblée générale n'a pas
                  outrepassé sa compétence.
                           
                  La Cour rappelle qu'il a cependant été soutenu devant elle
                  que la demande ne satisfaisait pas aux conditions essentielles
                  énoncées dans la résolution 377 A (V), au
                  titre de laquelle la dixième session extraordinaire
                  d'urgence a été convoquée et a poursuivi ses travaux.
                           
                  Aux termes de la résolution 377 A (V) :
                  «dans tout cas où paraît exister une
                  menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte
                  d'agression et où, du fait que l'unanimité n'a pas pu se réaliser
                  parmi ses membres permanents, le Conseil de sécurité manque
                  à s'acquitter de sa responsabilité principale dans le
                  maintien de la paix et de la sécurité internationales,
                  l'Assemblée générale examinera immédiatement la question
                  afin de faire aux Membres les recommandations appropriées sur
                  les mesures collectives à prendre…».
                  La Cour entreprend de déterminer si les
                  conditions énoncées dans cette résolution étaient
                  effectivement remplies lors de la convocation de la dixième
                  session extraordinaire d'urgence de l'Assemblée générale,
                  en particulier lorsque celle‑ci a décidé de demander
                  un avis consultatif à la Cour.
                           
                  Au vu de la série d'événements décrits par la Cour,
                  celle‑ci constate que, lorsque la dixième session
                  extraordinaire d'urgence fut convoquée en 1997, le
                  Conseil s'était effectivement trouvé, en raison du vote négatif
                  d'un membre permanent, dans l'incapacité de prendre une décision
                  concernant l'implantation de certaines colonies de peuplement
                  dans le territoire palestinien occupé et que, comme l'indique
                  la résolution ES‑10/2, il existait une menace à
                  la paix et à la sécurité internationales.  La Cour
                  constate en outre que la dixième session extraordinaire
                  d'urgence, convoquée à nouveau le 20 octobre 2003,
                  le fut sur la même base qu'en 1997, après le rejet par
                  le Conseil de sécurité, le 14 octobre 2003, d'un
                  projet de résolution portant sur la construction par Israël
                  du mur dans le territoire palestinien occupé, du fait une
                  nouvelle fois du vote négatif d'un membre permanent.  La
                  Cour considère que le Conseil de sécurité a là encore
                  manqué à agir au sens de la résolution 377 A (V). 
                  Il ne semble pas à la Cour que la situation à cet égard ait
                  évolué entre le 20 octobre 2003 et le 8 décembre 2003,
                  le Conseil de sécurité n'ayant ni débattu de la
                  construction du mur, ni adopté une quelconque résolution sur
                  ce point.  La Cour estime donc que, à la date du 8 décembre 2003,
                  le Conseil n'était pas revenu sur le vote négatif du 14 octobre 2003. 
                  La Cour conclut que, au cours de cette période, la dixième
                  session extraordinaire d'urgence a été dûment convoquée à
                  nouveau et pouvait régulièrement, en vertu de la résolution 377 A (V),
                  être saisie de la question dont la Cour doit aujourd'hui
                  connaître.
                           
                  La Cour souligne aussi que, au cours de cette session
                  extraordinaire d'urgence, l'Assemblée générale pouvait
                  adopter toute résolution ayant trait à la question pour
                  laquelle avait été convoquée la session, et entrant par
                  ailleurs dans les compétences de l'Assemblée, y compris une
                  résolution demandant un avis à la Cour. Qu'il n'ait pas été
                  proposé au Conseil de sécurité de solliciter un tel avis
                  est sans pertinence à cet égard.
                           
                  Abordant les autres irrégularités procédurales dont serait
                  entachée la dixième session extraordinaire d'urgence, la
                  Cour ne considère pas que le fait que cette session ait présenté
                  un caractère «continu» ¾ ayant
                  été convoquée en avril 1997 et convoquée à nouveau
                  onze fois depuis lors ¾
                  ait quelque pertinence que ce soit en ce qui concerne la
                  validité de la demande de l'Assemblée générale.  En réponse
                  à l'argument avancé par Israël selon lequel la nouvelle
                  convocation de la dixième session extraordinaire d'urgence était
                  inappropriée, une session ordinaire de l'Assemblée générale
                  étant alors en cours, la Cour observe que même si, à
                  l'origine, il a pu ne pas sembler approprié que l'Assemblée
                  générale tienne simultanément une session extraordinaire
                  d'urgence et une session ordinaire, aucune règle
                  constitutionnelle de l'Organisation n'a été identifiée,
                  dont la méconnaissance aurait rendu nulle la résolution
                  portant adoption de la demande d'avis consultatif en l'espèce. 
                  Enfin, la Cour relève que la dixième session
                  extraordinaire d'urgence a été convoquée conformément à
                  l'alinéa b) de l'article 9 du règlement intérieur
                  de l'Assemblée générale, et que les séances pertinentes
                  ont été convoquées selon les règles en vigueur.
                           
                  La Cour aborde une autre question soulevée à l'égard de sa
                  compétence, à savoir que la demande d'avis consultatif émanant
                  de l'Assemblée générale ne soulèverait pas une «question
                  juridique» au sens du paragraphe 1 de l'article 96
                  de la Charte et du paragraphe 1 de l'article 65 du
                  Statut de la Cour.
                           
                  En ce qui concerne le manque de clarté allégué des termes
                  employés dans la requête de l'Assemblée générale et son
                  incidence sur la «nature juridique» de la question soumise
                  à la Cour, celle‑ci observe tout d'abord que cette
                  question vise les conséquences juridiques d'une situation de
                  fait donnée, compte tenu des règles et des principes du
                  droit international, notamment de la convention de Genève
                  relative à la protection des personnes civiles en temps de
                  guerre, du 12 août 1949 (ci‑après dénommée
                  la «quatrième convention de Genève»), et des résolutions
                  consacrées à la question par le Conseil de sécurité et
                  l'Assemblée générale.  La Cour est d'avis que
                  cette question a bien un caractère juridique. 
                  Elle fait aussi observer qu'un manque de clarté dans le
                  libellé d'une question ne saurait priver la Cour de sa compétence. 
                  Tout au plus, du fait de ces incertitudes, la Cour
                  devra‑t‑elle préciser l'interprétation à donner
                  à la question, ce qu'elle a souvent fait.  Elle fera
                  donc ce qu'elle a souvent fait par le passé, c'est‑à‑dire
                  «déterminer les principes et règles existants, les interpréter
                  et les appliquer…, apportant ainsi à la question posée une
                  réponse fondée en droit» (Licéité de la menace ou de
                  l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996
                  (I), p. 234, par. 13).  La Cour souligne
                  que, en l'espèce, si l'Assemblée générale prie la Cour de
                  dire «[q]uelles sont en droit les conséquences» de la
                  construction du mur, l'emploi de ces termes implique nécessairement
                  de déterminer si cette construction viole ou non certaines règles
                  et certains principes de droit international.
                           
                  La Cour ne considère pas que la nature prétendument
                  abstraite de la question qui lui est posée soulève un problème
                  de compétence.  Même lorsque, dans l'affaire de la Licéité
                  de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, cet
                  aspect fut soulevé sous l'angle de l'opportunité judiciaire
                  plutôt que sous celui de la compétence, la Cour déclara que
                  l'allégation selon laquelle elle ne pourrait connaître d'une
                  question posée en termes abstraits n'était qu'«une pure
                  affirmation dénuée de toute justification», et qu'elle
                  pouvait «donner un avis consultatif sur toute question
                  juridique, abstraite ou non» (C.I.J. Recueil 1996
                  (I), p. 236, par. 15).
                           
                  La Cour considère qu'elle ne saurait par ailleurs accepter le
                  point de vue, également avancé au cours de la procédure,
                  selon lequel elle n'aurait pas compétence en raison du caractère
                  «politique» de la question posée.  Ainsi qu'il ressort
                  à cet égard de sa jurisprudence constante, la Cour estime
                  que le fait qu'une question juridique présente également des
                  aspects politiques, «ne suffit pas à la priver de son caractère
                  de «question juridique» et à «enlever à la Cour une compétence
                  qui lui est expressément conférée par son Statut» et la
                  Cour ne saurait refuser un caractère juridique à une
                  question qui l'invite à s'acquitter d'une tâche
                  essentiellement judiciaire» (Licéité de la menace de
                  l'emploi d'armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996 (I),
                  p. 234, par. 13.)
                           
                  La Cour conclut en conséquence qu'elle a compétence pour
                  donner l'avis consultatif demandé par la résolution ES‑10/14
                  de l'Assemblée générale.
                  Pouvoir
                  discrétionnaire de la Cour d'exercer sa compétence (par. 43‑65)
                           
                  La Cour note qu'il a cependant été soutenu qu'elle devrait
                  refuser d'exercer sa compétence en raison de la présence,
                  dans la requête de l'Assemblée générale, d'un certain
                  nombre d'éléments qui rendraient l'exercice par la Cour de
                  sa compétence malvenu et étranger à sa fonction judiciaire.
                           
                  La Cour commence par rappeler que le paragraphe 1 de
                  l'article 65 de son Statut, selon lequel «[l]a Cour peut
                  donner un avis consultatif…» (c'est la Cour qui souligne),
                  devait être interprété comme reconnaissant à la Cour le
                  pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis
                  consultatif même lorsque les conditions pour qu'elle soit
                  compétente sont remplies.  Elle n'en garde pas moins présent
                  à l'esprit que sa réponse à une demande d'avis consultatif
                  «constitue [sa] participation … à l'action de
                  l'Organisation et [que], en principe, elle ne devrait pas être
                  refusée».  Il s'ensuit que, compte tenu de ses
                  responsabilités en tant qu'«organe judiciaire principal des
                  Nations Unies» (article 92 de la Charte), la Cour
                  ne devrait pas en principe refuser de donner un avis
                  consultatif, et seules des «raisons décisives» devraient
                  l'amener à opposer un tel refus.
                           
                  Selon le premier argument avancé
                  à cet effet devant elle, la Cour ne devrait pas
                  exercer sa compétence en l'espèce, au motif que la demande
                  concernerait un différend entre Israël et la Palestine à l'égard
                  duquel Israël n'a pas accepté la juridiction de la Cour. 
                  Ainsi, l'objet de la question posée par l'Assemblée générale
                  ferait «partie intégrante du différend israélo‑palestinien
                  plus large qui concerne des questions liées au terrorisme, à
                  la sécurité, aux frontières, aux colonies de peuplement, à
                  Jérusalem et à d'autres questions connexes».  La Cour
                  relève à cet égard que l'absence de consentement à la
                  juridiction contentieuse de la Cour de la part des Etats intéressés
                  est sans effet sur la compétence qu'a celle‑ci de
                  donner un avis consultatif, mais elle rappelle sa
                  jurisprudence selon laquelle le défaut de consentement d'un
                  Etat intéressé pourrait rendre le prononcé d'un avis
                  consultatif incompatible avec le caractère judiciaire de la
                  Cour.  Tel serait le cas si accepter de répondre aurait
                  pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n'est
                  pas tenu de soumettre un différend au règlement judiciaire
                  s'il n'est pas consentant.
                           
                  S'agissant de la requête pour avis consultatif dont elle est
                  saisie, la Cour prend acte du fait qu'Israël et la Palestine
                  ont exprimé des vues radicalement opposées sur les conséquences
                  juridiques de l'édification du mur par Israël, sur
                  lesquelles la Cour a été priée de se prononcer dans le
                  cadre de l'avis qu'elle rendrait.  Toutefois, ainsi que
                  la Cour l'a elle‑même noté, «[p]resque toutes les
                  procédures consultatives ont été marquées par des
                  divergences de vues».  En outre, la Cour n'estime pas
                  que la question qui fait l'objet de la requête de l'Assemblée
                  générale puisse être considérée seulement comme une
                  question bilatérale entre Israël et la Palestine. 
                  Compte tenu des pouvoirs et responsabilités de l'Organisation
                  des Nations Unies à l'égard des questions se rattachant
                  au maintien de la paix et de la sécurité internationales, la
                  Cour est d'avis que la construction du mur doit être regardée
                  comme intéressant directement l'Organisation des Nations Unies
                  en général et l'Assemblée générale en particulier. 
                  La responsabilité de l'Organisation à cet égard trouve également
                  son origine dans le mandat et dans la résolution relative au
                  plan de partage de la Palestine.  Cette responsabilité a
                  été décrite par l'Assemblée générale comme «une
                  responsabilité permanente à assumer en ce qui concerne la
                  question de Palestine jusqu'à ce qu'elle soit réglée sous
                  tous ses aspects de manière satisfaisante et dans le respect
                  de la légitimité internationale» (résolution 57/107
                  de l'Assemblée générale, en date du 3 décembre 2002). 
                  L'objet de la requête dont la Cour est saisie est d'obtenir
                  de celle‑ci un avis que l'Assemblée générale estime
                  utile pour exercer comme il convient ses fonctions. 
                  L'avis est demandé à l'égard d'une question qui intéresse
                  tout particulièrement les Nations Unies, et qui
                  s'inscrit dans un cadre bien plus large que celui d'un différend
                  bilatéral.  Dans ces conditions, la Cour estime que
                  rendre un avis n'aurait pas pour effet de tourner le principe
                  du consentement au règlement judiciaire et qu'elle ne saurait
                  dès lors, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire,
                  refuser de donner un avis pour ce motif.
                           
                  La Cour aborde alors un autre argument avancé pour étayer la
                  thèse selon laquelle elle devrait refuser d'exercer sa compétence :
                  selon cet argument, un avis consultatif de la Cour sur la licéité
                  du mur et les conséquences juridiques de son édification
                  pourrait faire obstacle à un règlement politique négocié
                  du conflit israélo‑palestinien.  En particulier,
                  selon cette thèse, une telle opinion pourrait porter atteinte
                  à la «feuille de route», qui prescrit à Israël et à la
                  Palestine le respect d'un certain nombre d'obligations au
                  cours des différentes phases qui y sont prévues.  La
                  Cour fait observer qu'elle n'ignore pas que la «feuille de
                  route», entérinée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1515
                  (2003), constitue un cadre de négociation visant au règlement
                  du conflit israélo‑palestinien, mais que l'influence
                  que l'avis de la Cour pourrait avoir sur ces négociations
                  n'apparaît pas de façon évidente : les participants à
                  la présente procédure ont exprimé à cet égard des vues
                  divergentes.  La Cour estime qu'elle ne saurait considérer
                  ce facteur comme une raison décisive de refuser d'exercer sa
                  compétence.
                           
                  Certains participants ont par ailleurs affirmé devant la Cour
                  que la question de la construction du mur n'était qu'un
                  aspect de l'ensemble du conflit israléo‑palestinien, à
                  l'examen duquel la présente procédure ne saurait servir de
                  cadre approprié.  Toutefois, la Cour estime que cela ne
                  saurait justifier qu'elle refuse de répondre à la question
                  posée : elle est consciente que la question du mur fait
                  partie d'un ensemble et elle prendrait en considération cette
                  circonstance.  En même temps, la question que l'Assemblée
                  générale a choisi de lui soumettre pour avis est limitée
                  aux conséquences juridiques de la construction du mur, et la
                  Cour ne tiendrait compte d'autres éléments que dans la
                  mesure où ceux‑ci seraient nécessaires aux fins de
                  l'examen de cette question.
                           
                  Il a encore été soutenu que la Cour devrait refuser
                  d'exercer sa compétence parce qu'elle ne dispose pas des
                  faits et des éléments de preuve nécessaires pour lui
                  permettre de formuler des conclusions.  Selon Israël, si
                  la Cour décidait de donner l'avis demandé, elle en serait réduite
                  à des conjectures sur des faits essentiels et à des hypothèses
                  sur des arguments de droit.  La Cour souligne que, en
                  l'espèce, elle a à sa disposition le rapport du Secrétaire
                  général, ainsi qu'un dossier volumineux soumis par
                  celui‑ci à la Cour, qui contient des informations détaillées
                  non seulement quant au tracé du mur mais aussi quant aux conséquences
                  humanitaires et socio‑économiques de celui‑ci sur
                  la population palestinienne.  Le dossier inclut de
                  nombreux rapports fondés sur des visites effectuées sur le
                  terrain par des rapporteurs spéciaux et des organes compétents
                  des Nations Unies.  Nombre d'autres participants ont
                  en outre présenté à la Cour des exposés écrits qui
                  renferment des informations pertinentes pour une réponse à
                  la question posée par l'Assemblée générale.  La Cour
                  note en particulier que l'exposé écrit d'Israël, bien que
                  se limitant aux questions de compétence et d'opportunité
                  judiciaire, comporte des observations concernant d'autres
                  sujets, y compris les préoccupations d'Israël en matière de
                  sécurité, et est accompagné d'annexes correspondantes; et
                  que de nombreux autres documents émanant du Gouvernement israélien
                  et concernant ces mêmes sujets relèvent du domaine public.
                           
                  La Cour estime donc qu'elle dispose de renseignements et d'éléments
                  de preuve suffisants pour lui permettre de donner l'avis
                  consultatif demandé par l'Assemblée générale.  Par
                  ailleurs, la circonstance que d'autres pourraient évaluer et
                  interpréter ces faits de manière subjective ou politique ne
                  saurait au demeurant constituer un motif pour qu'une cour de
                  justice s'abstienne d'assumer sa tâche judiciaire.  Il
                  n'y a donc pas, en l'espèce, insuffisance d'éléments
                  d'information qui constituerait une raison décisive pour la
                  Cour de refuser de donner l'avis sollicité.
                           
                  Il a en outre été soutenu que la Cour devrait refuser de
                  donner l'avis consultatif demandé sur les conséquences
                  juridiques de l'édification du mur, parce que pareil avis
                  consultatif ne serait d'aucune utilité : l'Assemblée générale
                  n'aurait pas besoin d'un tel avis de la Cour, parce qu'elle a
                  déjà déclaré la construction du mur illégale, qu'elle a déjà
                  déterminé les conséquences juridiques de cette construction
                  en exigeant qu'Israël l'arrête et revienne sur le projet, et
                  parce que, en outre, l'Assemblée générale n'a jamais fait
                  clairement connaître ce qu'elle entendait faire de l'avis
                  demandé.  La Cour fait observer que, ainsi qu'il ressort
                  de sa jurisprudence, les avis consultatifs servent à fournir
                  aux organes qui les sollicitent les éléments de caractère
                  juridique qui leur sont nécessaires dans le cadre de leurs
                  activités.  Elle rappelle ce qu'elle a déclaré dans
                  son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de
                  l'emploi d'armes nucléaires : «il n'appartient pas
                  à la Cour de prétendre décider si l'Assemblée a ou non
                  besoin d'un avis consultatif pour s'acquitter de ses
                  fonctions.  L'Assemblée générale est habilitée à décider
                  elle‑même de l'utilité d'un avis au regard de ses
                  besoins propres.»  Il s'ensuit donc que la Cour ne
                  saurait refuser de répondre à la question posée au motif
                  que son avis ne serait d'aucune utilité.  La Cour ne
                  peut substituer sa propre appréciation de l'utilité de
                  l'avis demandé à celle de l'organe qui le sollicite, en
                  l'occurrence l'Assemblée générale.  En outre, et en
                  tout état de cause, la Cour estime que l'Assemblée générale
                  n'a pas encore procédé à la détermination de toutes les
                  conséquences possibles de sa propre résolution.  La tâche
                  de la Cour consisterait à déterminer l'ensemble des conséquences
                  juridiques de l'édification du mur, alors que l'Assemblée générale
                  ¾ et le Conseil
                  de sécurité ¾
                  pourraient ensuite tirer des conclusions de ces déterminations
                  de la Cour.
                           
                  Enfin, Israël a avancé un autre argument concernant
                  l'opportunité de donner un avis consultatif en l'espèce,
                  selon lequel la Palestine, compte tenu de la responsabilité
                  qui est la sienne dans les actes de violence auxquels le mur
                  vise à parer, commis contre Israël et sa population, ne
                  saurait demander à la Cour de remédier à une situation résultant
                  de ses propres actes illicites.  Dès lors, conclut Israël,
                  la bonne foi et le principe des «mains propres» constituent
                  une raison décisive qui devrait conduire la Cour à refuser
                  d'accéder à la demande de l'Assemblée générale.  De
                  l'avis
                  de la Cour, cet argument est dénué de pertinence.  La
                  Cour souligne, comme elle l'a fait précédemment, que c'est
                  l'Assemblée générale qui a sollicité un avis consultatif,
                  et qu'un tel avis serait donné à l'Assemblée générale et
                  non à un Etat ou une entité déterminés.
                  Haut
                  page
                  *
                           
                  A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu'elle a
                  compétence pour donner un avis sur la question qui lui a été
                  posée par l'Assemblée générale, et qu'il n'existe aucune
                  raison décisive pour qu'elle use de son pouvoir discrétionnaire
                  de ne pas donner cet avis.
                  Portée de la question posée à
                  la Cour (par. 66‑69)
                           
                  La Cour passe alors à l'examen de la question qui lui a été
                  adressée par l'Assemblée générale par la résolution
                  ES‑10/14 (voir ci‑dessus).  La Cour explique
                  qu'elle a choisi d'employer le terme «mur», à l'instar de
                  l'Assemblée générale, parce que les autres termes utilisés
                  ¾ «clôture»
                  ou «barrière» ¾,
                  pris dans leur acception physique, ne sont pas plus exacts.  Elle
                  relève en outre que la requête de l'Assemblée
                  générale a trait aux conséquences juridiques de l'édification
                  du mur «dans le territoire palestinien occupé, y compris à
                  l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est» et
                  considère qu'elle n'est pas appelée à examiner les conséquences
                  juridiques de la construction des parties du mur qui se
                  trouvent sur le territoire même d'Israël.
                  Contexte historique (par. 70‑78)
                           
                  En vue de préciser les conséquences juridiques de l'édification
                  du mur dans le territoire palestinien occupé, la Cour doit au
                  préalable déterminer si l'édification de ce mur est ou non
                  contraire au droit international.  A cette fin, elle
                  effectue tout d'abord une brève analyse historique du statut
                  du territoire en cause, depuis l'époque où la Palestine,
                  ayant fait partie de l'Empire ottoman, fut, à l'issue de la
                  première guerre mondiale, placée sous un mandat «A» confié
                  à la Grande‑Bretagne par la Société des Nations. 
                  Au cours de cette analyse, la Cour mentionne les hostilités
                  de 1948‑1949 et la ligne de démarcation de l'armistice
                  entre Israël et les forces arabes, fixée par une convention
                  générale d'armistice conclue le 3 avril 1949 entre
                  Israël et la Jordanie, appelée «Ligne verte». A l'issue de
                  cette analyse, la Cour note que les territoires situés entre
                  la Ligne verte et l'ancienne frontière orientale de la
                  Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967
                  au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la
                  Jordanie.  Elle fait observer que, selon le droit
                  international coutumier, il s'agissait donc de territoires
                  occupés dans lesquels Israël avait la qualité de puissance
                  occupante.  Les événements survenus depuis lors dans
                  ces territoires n'ont rien changé à cette situation. 
                  La Cour conclut que l'ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem‑Est)
                  demeurent des territoires occupés et qu'Israël y a conservé
                  la qualité de puissance occupante.
                  Description du mur (par. 79‑85)
                           
                  La Cour décrit ensuite, sur la base des informations
                  contenues dans un rapport du Secrétaire général de
                  l'Organisation des Nations Unies et dans l'exposé écrit présenté
                  à la Cour par le Secrétaire général, les ouvrages
                  construits ou en cours de construction sur ce territoire.
                  Règles et principes pertinents du
                  droit international (par. 86‑113)
                           
                  La Cour aborde alors la détermination des règles et
                  principes de droit international qui sont pertinents pour
                  l'appréciation de la licéité des mesures prises par Israël. 
                  Elle fait observer que ces règles et principes figurent dans
                  la Charte des Nations Unies et certains autres traités,
                  dans le droit international coutumier et dans les résolutions
                  pertinentes adoptées en vertu de la Charte par l'Assemblée générale
                  et le Conseil de sécurité.  Elle est consciente,
                  toutefois, que des doutes ont été exprimés par Israël en
                  ce qui concerne l'applicabilité dans le territoire
                  palestinien occupé de certaines règles de droit
                  international humanitaire et des conventions relatives aux
                  droits de l'homme. 
                  
                  
                      
                  Charte des Nations Unies et résolution 2625 (XXV) de
                  l'Assemblée générale (par. 87‑88)
                           
                  La Cour rappelle tout d'abord le paragraphe 4 de
                  l'article 2 de la Charte des Nations Unies, qui
                  dispose :
                          
                  «Les Membres des Nations Unies s'abstiennent, dans leurs
                  relations internationales, de recourir à la menace ou à
                  l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale
                  ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de tout autre
                  manière incompatible avec les buts des Nations Unies»
                  et la résolution 2625 (XXV) de
                  l'Assemblée générale, intitulée «Déclaration relative
                  aux principes du droit international touchant les relations
                  amicales et la coopération entre Etats» (ci‑après dénommée
                  la «résolution 2625 (XXV)»), dans laquelle l'Assemblée
                  a souligné que «[n]ulle acquisition territoriale obtenue par
                  la menace ou l'emploi de la force ne sera reconnue comme légale.» 
                  Comme la Cour l'a dit dans l'affaire des Activités
                  militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
                  celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d'Amérique),
                  les principes énoncés dans la Charte au sujet de l'usage de
                  la force reflètent le droit international coutumier (voir C.I.J.
                  Recueil 1986, p. 98‑101, par. 187‑190);
                  la Cour observe que cela vaut également pour ce qui en est le
                  corollaire, l'illicéité de toute acquisition de territoire résultant
                  de la menace ou de l'emploi de la force.
                           
                  Quant au principe du droit des peuples à disposer
                  d'eux‑mêmes, la Cour fait observer qu'il a été
                  consacré dans la Charte des Nations Unies et réaffirmé
                  par la résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée générale
                  déjà mentionnée, selon laquelle «[t]out Etat a le devoir
                  de s'abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui
                  priverait de leur droit à l'autodétermination … les
                  peuples mentionnés [dans ladite résolution]». 
                  L'article 1er commun au pacte international relatif
                  aux droits économiques, sociaux et culturels et au pacte
                  international relatif aux droits civils et politiques réaffirme
                  le droit de tous les peuples à disposer d'eux‑mêmes et
                  fait obligation aux Etats parties de faciliter la réalisation
                  de ce droit et de le respecter, conformément aux dispositions
                  de la Charte des Nations Unies.  La Cour rappelle sa
                  jurisprudence antérieure, qui soulignait que l'évolution
                  actuelle du «droit international à l'égard des territoires
                  non autonomes, tel qu'il est consacré par la Charte des
                  Nations Unies, a fait de l'autodétermination un principe
                  applicable à tous ces territoires», et que le droit des
                  peuples à disposer d'eux‑mêmes est un droit opposable erga omnes. 
                      
                  Droit international humanitaire (par. 89‑101)
                           
                  Pour ce qui concerne le droit international humanitaire, la
                  Cour rappelle en premier lieu qu'Israël n'est pas partie à
                  la quatrième convention de La Haye de 1907 à
                  laquelle le règlement est annexé.  Elle estime
                  cependant que les dispositions du règlement de La Haye
                  de 1907 ont acquis un caractère coutumier, comme
                  d'ailleurs tous les participants à la procédure devant la
                  Cour le reconnaissent.  Elle observe en outre que,
                  conformément à l'article 154 de la quatrième
                  convention de Genève, le règlement de La Haye a été
                  complété en ses sections II et III par les
                  dispositions de ladite convention.  La section III
                  dudit règlement, qui concerne «l'autorité militaire sur le
                  territoire de l'Etat ennemi», est particulièrement
                  pertinente en l'espèce. 
                           
                  S'agissant en second lieu de la quatrième convention de Genève,
                  la Cour prend acte que des points de vue divergents ont été
                  exprimés par les participants à la procédure devant la
                  Cour.  Contrairement à la grande majorité des
                  participants, Israël conteste en effet l'applicabilité de
                  jure de la convention au territoire palestinien occupé. 
                  La Cour rappelle que la quatrième convention de Genève a été
                  ratifiée par Israël le 6 juillet 1951 et qu'Israël
                  est partie à cette convention; que  la Jordanie y est
                  aussi partie depuis le 29 mai 1951; et qu'aucun des
                  deux Etats n'a formulé de réserve pertinente au cas
                  particulier.  La Cour observe que les autorités israéliennes
                  ont déclaré à plusieurs reprises qu'en fait elles
                  appliquaient de manière générale les dispositions
                  humanitaires de la quatrième convention de Genève dans les
                  territoires occupés.  Toutefois, selon la thèse israélienne,
                  cette convention ne serait pas applicable de jure dans ces
                  territoires car, conformément au deuxième alinéa de son
                  article 2, elle s'appliquerait seulement en cas
                  d'occupation de territoires relevant de la souveraineté d'un
                  Etat contractant partie à un conflit armé.  Israël
                  expose que les territoires occupés par lui à la suite du
                  conflit de 1967 ne relevaient pas auparavant de la
                  souveraineté jordanienne.
                           
                  La Cour fait observer que, selon le premier alinéa de
                  l'article 2 de la quatrième convention de Genève, dès
                  lors que deux conditions sont remplies, à savoir l'existence
                  d'un conflit armé (que l'état de guerre ait ou non été
                  reconnu) et la survenance de ce conflit entre deux parties
                  contractantes, la convention s'applique, en particulier dans
                  tout territoire occupé au cours d'un tel conflit par l'une
                  des parties contractantes.  Le deuxième alinéa de
                  l'article 2, qui mentionne «l'occupation du territoire
                  d'une Haute Partie contractante», n'a pas pour objet de
                  restreindre le champ d'application de la convention ainsi fixé
                  par l'alinéa premier, en excluant de ce champ d'application
                  les territoires qui ne relèveraient pas de la souveraineté
                  de l'une des parties contractantes, mais seulement de préciser
                  que, même si l'occupation opérée au cours du conflit a eu
                  lieu sans rencontrer de résistance militaire, la convention
                  demeure applicable. 
                           
                  Cette interprétation reflète l'intention des auteurs de la
                  quatrième convention de Genève de protéger les personnes
                  civiles se trouvant d'une manière ou d'une autre au pouvoir
                  de la puissance occupante, indépendamment du statut des
                  territoires occupés, et elle est confirmée par les travaux
                  préparatoires de la convention.  Les Etats parties à la
                  quatrième convention de Genève, lors de la conférence
                  qu'ils ont tenue le 15 juillet 1999, ont retenu
                  cette interprétation, qui a aussi été adoptée par le CICR,
                  l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité.  La
                  Cour mentionne enfin un arrêt de la Cour suprême d'Israël,
                  en date du 30 mai 2004, allant dans le même sens.
                           
                  Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la quatrième
                  convention de Genève est applicable dans les territoires
                  palestiniens qui étaient, avant le conflit de 1967, à l'est
                  de la Ligne verte, et qui ont à l'occasion de ce conflit été
                  occupés par Israël, sans qu'il y ait lieu de rechercher quel
                  était auparavant le statut exact de ces territoires. 
                      
                  Instruments relatifs aux droits de l'homme (par. 102‑113)
                           
                  Les participants à la procédure devant la Cour sont également
                  divisés en ce qui concerne l'applicabilité dans le
                  territoire palestinien occupé des conventions internationales
                  concernant les droits de l'homme auxquelles Israël est
                  partie.  A l'annexe I au rapport du Secrétaire général,
                  il est précisé :
                          
                  «4. Israël conteste que le pacte international relatif aux
                  droits civils et politiques et le pacte international relatif
                  aux droits économiques, sociaux et culturels, qu'il a signés
                  l'un et l'autre, soient applicables au territoire palestinien
                  occupé.  Il affirme que le droit humanitaire est le type
                  de protection qui convient dans un conflit tel que celui qui
                  existe en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, tandis que les
                  instruments relatifs aux droits de l'homme ont pour objet
                  d'assurer la protection des citoyens vis‑à‑vis de
                  leur propre gouvernement en temps de paix.»
                           
                  Israël a ratifié le 3 octobre 1991 le pacte
                  international relatif aux droits économiques, sociaux et
                  culturels du 19 décembre 1966, le pacte
                  international relatif aux droits civils et politiques du même
                  jour, ainsi que la convention des Nations Unies relative
                  aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989.
                           
                  S'agissant de la question des rapports entre droit
                  international humanitaire et droit relatif aux droits de
                  l'homme, la Cour commence par rappeler la conclusion à
                  laquelle elle est parvenue dans une affaire antérieure, à
                  savoir que la protection offerte par le pacte international
                  relatif aux droits civils et politiques ne cesse pas en temps
                  de guerre (C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 240,
                  par. 25).  De manière plus générale, elle estime
                  que la protection offerte par les conventions régissant les
                  droits de l'homme ne cesse pas en cas de conflit armé, si ce
                  n'est par l'effet de clauses dérogatoires du type de celle
                  figurant à l'article 4 du pacte international relatif
                  aux droits civils et politiques.  Elle note que trois
                  situations peuvent dès lors se présenter : certains
                  droits peuvent relever exclusivement du droit international
                  humanitaire; d'autres peuvent relever exclusivement des droits
                  de l'homme; d'autres enfin peuvent relever à la fois de ces
                  deux branches du droit international.  Pour répondre à
                  la question qui lui est posée, la Cour aura en l'espèce à
                  prendre en considération les deux branches du droit
                  international précitées, à savoir les droits de l'homme et,
                  en tant que lex specialis, le droit international
                  humanitaire.
                           
                  Reste à déterminer si les deux pactes internationaux et la
                  convention relative aux droits de l'enfant sont applicables
                  sur le seul territoire des Etats parties, ou s'ils sont également
                  applicables hors de ce territoire et, si oui, dans quelles
                  circonstances.  Après avoir examiné les dispositions
                  des deux pactes internationaux, à la lumière des travaux préparatoires
                  pertinents et de la position prise par Israël dans ses
                  rapports au Comité des droits de l'homme et au Comité des
                  droits économiques, sociaux et culturels, la Cour conclut que
                  ces instruments sont applicables aux actes d'un Etat agissant
                  dans l'exercice de sa compétence en dehors de son propre
                  territoire.  Pour ce qui concerne le pacte international
                  relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, Israël
                  est aussi dans l'obligation de ne pas faire obstacle à
                  l'exercice de ces droits dans les domaines où compétence a
                  été transférée à des autorités palestiniennes.  La
                  Cour conclut en outre que la convention relative aux droits de
                  l'enfant est aussi applicable dans le territoire palestinien
                  occupé. 
                  Violation des règles pertinentes
                  (par. 114‑142)
                           
                  La Cour entreprend ensuite de rechercher si la construction du
                  mur a porté atteinte aux règles et principes de droit
                  international qui sont pertinents pour répondre à la
                  question posée par l'Assemblée générale. 
                      
                  Incidence sur le droit du peuple palestinien à l'autodétermination
                  (par. 115‑122)
                           
                  La Cour relève à cet égard les affirmations de la Palestine
                  et d'autres participants selon lesquelles la construction du
                  mur est «une tentative d'annexion du territoire qui constitue
                  une transgression du droit international» et «contrevient au
                  principe interdisant l'acquisition de territoire par le
                  recours à la force» et selon lesquelles «l'annexion de
                  facto de terres constitue une atteinte à la souveraineté
                  territoriale et en conséquence au droit des Palestiniens à
                  l'autodétermination».  Elle relève aussi que, pour sa
                  part, Israël expose que le mur a pour seul objet de permettre
                  de lutter efficacement contre le terrorisme en provenance de
                  Cisjordanie et qu'il a déclaré à plusieurs reprises que l'édification
                  de la barrière a un caractère temporaire.
                           
                  La Cour rappelle que tant l'Assemblée générale que le
                  Conseil de sécurité se sont référés, à propos de la
                  Palestine, à la règle coutumière de «l'inadmissibilité de
                  l'acquisition de territoire par la guerre».  S'agissant
                  du principe du droit des peuples à disposer d'eux‑mêmes,
                  la Cour observe que l'existence d'un «peuple palestinien» ne
                  saurait plus faire débat et qu'elle a été reconnue par Israël,
                  au même titre que les «droits légitimes» de ce peuple. 
                  De l'avis de la Cour, parmi ces droits figure le droit à
                  l'autodétermination, comme l'Assemblée générale l'a
                  d'ailleurs reconnu à plusieurs occasions. 
                           
                  La Cour observe que le tracé du mur tel qu'il a été fixé
                  par le Gouvernement israélien incorpore dans la «zone fermée»
                  (la partie de la Cisjordanie comprise entre la Ligne verte et
                  le mur) environ 80 % des colons installés
                  dans le territoire palestinien occupé et qu'il a été fixé
                  de manière à inclure dans la zone la plus grande partie des
                  colonies de peuplement installées par Israël dans le
                  territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem‑Est). 
                  Les informations fournies à la Cour montrent qu'à partir de
                  1977 Israël a mené une politique et développé des
                  pratiques consistant à établir des colonies de peuplement
                  dans le territoire palestinien occupé, contrairement aux
                  prescriptions du sixième alinéa de l'article 49 de la
                  quatrième convention de Genève, qui dispose : «La
                  puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou
                  au transfert d'une partie de sa propre population civile dans
                  le territoire occupé par elle.»  Le Conseil de sécurité
                  a considéré que cette politique et ces pratiques «n'ont
                  aucune validité en droit» et constituent une «violation
                  flagrante» de la convention.  La Cour conclut que les
                  colonies de peuplement installées par Israël dans le
                  territoire palestinien occupé (y compris Jérusalem‑Est)
                  l'ont été en méconnaissance du droit international.
                           
                  Tout en prenant acte de l'assurance donnée par Israël que la
                  construction du mur n'équivaut pas à une annexion et que le
                  mur est de nature temporaire, la Cour estime que la
                  construction du mur et le régime qui lui est associé créent
                  sur le terrain un «fait accompli» qui pourrait fort bien
                  devenir permanent, auquel cas, et nonobstant la description
                  officielle qu'Israël donne du mur, la construction de
                  celui‑ci équivaudrait à une annexion de facto.
                             
                  La Cour estime par ailleurs que le tracé choisi pour le mur
                  consacre sur le terrain les mesures illégales prises par Israël
                  et déplorées par le Conseil de sécurité en ce qui concerne
                  Jérusalem et les colonies de peuplement.  La
                  construction du mur risque également de conduire à de
                  nouvelles modifications dans la composition démographique du
                  territoire palestinien occupé, dans la mesure où elle
                  occasionne le départ de populations palestiniennes de
                  certaines zones.  Cette construction, s'ajoutant aux
                  mesures prises antérieurement, dresse ainsi un obstacle grave
                  à l'exercice par le peuple palestinien de son droit à
                  l'autodétermination et viole de ce fait l'obligation
                  incombant à Israël de respecter ce droit. 
                  Dispositions
                  pertinentes du droit international humanitaire et des
                  instruments relatifs aux droits de l'homme (par.
                  123‑137)
                           
                  La construction du mur pose en outre plusieurs problèmes au
                  regard des dispositions pertinentes du droit international
                  humanitaire et des conventions relatives aux droits de
                  l'homme.
                           
                  Tout d'abord, la Cour énumère et cite plusieurs de ces
                  dispositions applicables au territoire palestinien occupé,
                  notamment certains articles du règlement de La Haye de 1907,
                  de la quatrième convention de Genève, du pacte international
                  relatif aux droits civils et politiques, du pacte
                  international relatif aux droits économiques, sociaux et
                  culturels et de la convention des Nations Unies relative
                  aux droits de l'enfant.  A cet égard, la Cour se réfère
                  aussi aux obligations visant les garanties d'accès aux lieux
                  saints chrétiens, juifs et musulmans.
                           
                  Il ressort des informations fournies à la Cour, et notamment
                  du rapport du Secrétaire général, que la construction du
                  mur a entraîné la destruction ou la réquisition de propriétés
                  dans des conditions contraires aux prescriptions des articles 46
                  et 52 du règlement de La Haye de 1907 et de
                  l'article 53 de la quatrième convention de Genève.
                           
                  Cette construction, la création d'une zone fermée entre la
                  Ligne verte et le mur, et la constitution d'enclaves ont par
                  ailleurs apporté des restrictions importantes à la liberté
                  de circulation des habitants du territoire palestinien occupé
                  (à l'exception des ressortissants israéliens et assimilés). 
                  Il en est aussi résulté de sérieuses répercussions pour la
                  production agricole et, pour les populations concernées, des
                  difficultés croissantes d'accès aux services de santé,
                  ainsi qu'aux établissements scolaires et à
                  l'approvisionnement primaire en eau.
                           
                  De l'avis de la Cour, la construction du mur priverait également
                  un nombre significatif de Palestiniens de leur droit
                  de «choisir librement [leur] résidence».  En outre,
                  puisque la construction du mur et le régime qui lui est
                  associé ont déjà obligé un nombre significatif de
                  Palestiniens à quitter certaines zones ¾ processus
                  qui se poursuivra avec l'édification de nouveaux tronçons du
                  mur ¾, cette
                  construction, combinée à l'établissement des colonies de
                  peuplement mentionné au paragraphe 120 de l'avis, tend
                  à modifier la composition démographique du territoire
                  palestinien occupé.
                  
                  
                           
                  Au total, de l'avis de la Cour, la construction du mur et le régime
                  qui lui est associé entravent la liberté de circulation des
                  habitants du territoire palestinien occupé (à l'exception
                  des ressortissants israéliens et assimilés) telle que
                  garantie par le paragraphe 1 de l'article 12 du
                  pacte international relatif aux droits civils et politiques. 
                  Ils entravent également l'exercice par les intéressés des
                  droits au travail, à la santé, à l'éducation et à un
                  niveau de vie suffisant tels que proclamés par le pacte
                  international relatif aux droits économiques, sociaux et
                  culturels et la convention des Nations Unies relative aux
                  droits de l'enfant.  Enfin, la construction du mur et le
                  régime qui lui est associé, en contribuant aux changements démographiques
                  mentionnés, sont contraires au sixième alinéa de l'article 49
                  de la quatrième convention de Genève et aux résolutions du
                  Conseil de sécurité pertinentes déjà citées.
                           
                  La Cour examine ensuite certaines dispositions du droit
                  international humanitaire applicable permettant de tenir
                  compte dans certains cas des impératifs militaires,
                  dispositions qui, selon la Cour, peuvent être invoquées dans
                  des territoires occupés même après la fin générale des opérations
                  militaires ayant conduit à l'occupation de ces territoires;
                  elle fait observer, toutefois, que seul
                  l'article 53 de la quatrième convention de Genève
                  contient une disposition de ce type, et, en conséquence, au
                  vu du dossier, la Cour n'est pas convaincue que les
                  destructions opérées contrairement à l'interdiction édictée
                  à cet article 53 aient été rendues «absolument nécessaires
                  par des opérations militaires», auquel cas elles relèveraient
                  de cette exception.
                           
                  De la même manière, la Cour examine certaines dispositions
                  tirées de conventions relatives aux droits de l'homme
                  permettant de déroger aux droits garantis par
                  celles‑ci, mais elle conclut, au vu des informations
                  dont elle dispose, que les conditions posées dans ces
                  dispositions ne sont pas remplies en l'espèce.
                           
                  Au total, la Cour, au vu du dossier, n'est pas convaincue que
                  la poursuite des objectifs de sécurité avancés par Israël
                  nécessitait l'adoption du tracé choisi pour le mur.  Le
                  mur tel que tracé et le régime qui lui est associé portent
                  atteinte de manière grave à de nombreux droits des
                  Palestiniens habitant dans le territoire occupé par Israël
                  sans que les atteintes résultant de ce tracé puissent être
                  justifiées par des impératifs militaires ou des nécessités
                  de sécurité nationale ou d'ordre public.  La
                  construction d'un tel mur constitue dès lors une violation
                  par Israël de diverses obligations qui lui incombent en vertu
                  des instruments applicables de droit international humanitaire
                  et des droits de l'homme.
                      
                  Légitime défense et état de nécessité (par.
                  138‑141)
                           
                  La Cour rappelle qu'à l'annexe I du rapport du Secrétaire général,
                  il est cependant précisé que, selon Israël, «la
                  construction du mur est conforme à l'article 51 de la
                  Charte des Nations Unies, ainsi qu'à son droit inhérent
                  de légitime défense et aux résolutions 1368 (2001)
                  et 1373 (2001) du Conseil de sécurité».
                           
                  La Cour note que l'article 51 de la Charte reconnaît
                  l'existence d'un droit naturel de légitime défense en cas
                  d'agression armée par un Etat contre un autre Etat. 
                  Toutefois Israël ne prétend pas que les violences dont il
                  est victime soient imputables à un Etat étranger.  La
                  Cour note par ailleurs qu'Israël exerce son contrôle sur le
                  territoire palestinien occupé et que, comme Israël l'indique
                  lui‑même, la menace qu'il invoque pour justifier la
                  construction du mur trouve son origine à l'intérieur de ce
                  territoire, et non en dehors de celui‑ci.  Cette
                  situation est donc différente de celle envisagée par les résolutions 1368
                  (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité, et de ce
                  fait Israël ne saurait en tout état de cause invoquer ces résolutions
                  au soutien de sa prétention à exercer un droit de légitime
                  défense.  En conséquence, la Cour conclut que l'article 51
                  de la Charte est sans pertinence au cas particulier.
                  
                  
                           
                  La Cour se demande par ailleurs si Israël pourrait se prévaloir
                  d'un état de nécessité permettant d'exclure l'illicéité
                  de la construction du mur.  A cet égard, citant sa décision
                  en l'affaire relative au Projet Gabčíkovo‑Nagymaros
                  (Hongrie/Slovaquie), elle observe que l'état de nécessité
                  constitue une cause, reconnue par le droit international
                  coutumier, qui «ne peut être invoqué[e]
                  qu'à certaines conditions, strictement définies, qui doivent
                  être cumulativement réunies» (C.I.J. Recueil 1997,
                  p. 40, par. 51), l'une de ces conditions étant que
                  le fait incriminé doit constituer pour l'Etat le seul moyen
                  de protéger un intérêt essentiel contre un péril grave et
                  imminent.  Au vu du dossier, la Cour n'est pas convaincue
                  que la construction du mur selon le tracé retenu était le
                  seul moyen de protéger les intérêts d'Israël contre le péril
                  dont il s'est prévalu pour justifier cette construction. 
                  Si Israël a le droit, et même le devoir, de répondre aux
                  actes de violence, nombreux et meurtriers, visant sa
                  population civile, en vue de protéger la vie de ses citoyens,
                  les mesures prises n'en doivent pas moins demeurer conformes
                  au droit international applicable.  Israël ne saurait se
                  prévaloir du droit de légitime défense ou de l'état de nécessité,
                  comme excluant l'illicéité de la construction du mur. 
                  En conséquence, la Cour juge que la construction du mur et le
                  régime qui lui est associé sont contraires au droit
                  international.
                  Conséquences
                  juridiques des violations (par. 143‑160)
                           
                  La Cour examine ensuite les conséquences des violations par
                  Israël des obligations internationales lui incombant. 
                  Après avoir rappelé les arguments avancés à cet égard par
                  divers participants à la procédure, la Cour constate que la
                  responsabilité d'Israël est engagée selon le droit
                  international.  Elle examine alors ces conséquences
                  juridiques en opérant une distinction entre, d'une part,
                  celles qui en découlent pour Israël et, d'autre part, celles
                  qui en découlent pour les autres Etats et, le cas échéant,
                  pour l'Organisation des Nations Unies.
                      
                  Conséquences juridiques de ces violations pour Israël
                  (par. 149-154)
                           
                  La Cour note qu'Israël est tout d'abord tenu de respecter les
                  obligations internationales auxquelles il a contrevenu par la
                  construction du mur en territoire palestinien occupé. 
                  En conséquence, Israël doit observer l'obligation qui lui
                  incombe de respecter le droit à l'autodétermination du
                  peuple palestinien et les obligations auxquelles il est tenu
                  en vertu du droit international humanitaire et du droit
                  international relatif aux droits de l'homme.  Par
                  ailleurs, il doit assurer la liberté d'accès aux Lieux
                  saints passés sous son contrôle à la suite du conflit de 1967.
                           
                  La Cour observe qu'Israël a également l'obligation de mettre
                  un terme à la violation de ses obligations internationales,
                  telle qu'elle résulte de la construction du mur en territoire
                  palestinien occupé.  Israël a en conséquence
                  l'obligation de cesser immédiatement les travaux d'édification
                  du mur qu'il est en train de construire dans le territoire
                  palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le
                  pourtour de Jérusalem‑Est.  De l'avis de la Cour,
                  la cessation par Israël des violations de ses obligations
                  internationales implique le démantèlement immédiat des
                  portions de cet ouvrage situées dans le territoire
                  palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le
                  pourtour de Jérusalem‑Est.  L'ensemble des actes législatifs
                  et réglementaires adoptés en vue de l'édification du mur et
                  de la mise en place du régime qui lui est associé doivent
                  immédiatement être abrogés ou privés d'effet, sauf s'ils
                  demeurent pertinents dans le contexte de l'obligation de réparation
                  à laquelle Israël est tenu.
                           
                  La Cour constate par ailleurs qu'Israël a l'obligation de réparer
                  tous les dommages causés à toutes les personnes physiques ou
                  morales concernées.  La Cour rappelle la jurisprudence
                  bien établie, selon laquelle «[l]e
                  principe essentiel, qui découle de la notion même d'acte
                  illicite, ... est que la réparation doit, autant
                  que possible, effacer toutes les conséquences de l'acte
                  illicite et rétablir l'état qui aurait vraisemblablement
                  existé si ledit acte n'avait pas été commis».  Israël
                  est en conséquence tenu de restituer les terres, les vergers,
                  les oliveraies et les autres biens immobiliers saisis à toute
                  personne physique ou morale en vue de l'édification du mur
                  dans le territoire palestinien occupé.  Au cas où une
                  telle restitution s'avérerait matériellement impossible,
                  Israël serait tenu de procéder à l'indemnisation des
                  personnes en question pour le préjudice subi par elles. 
                  De l'avis de la Cour, Israël est également tenu
                  d'indemniser, conformément aux règles du droit international
                  applicables en la matière, toutes les personnes physiques ou
                  morales qui auraient subi un préjudice matériel quelconque
                  du fait de la construction de ce mur.
                      
                  Conséquences juridiques pour les autres Etats
                  (par. 154‑159)
                           
                  La Cour fait remarquer qu'au rang des obligations
                  internationales violées par Israël figurent des obligations erga
                  omnes.  Comme la Cour l'a précisé dans l'affaire de
                  la Barcelona Traction, de telles obligations, par leur
                  nature même, «concernent tous les Etats» et, «[v]u
                  l'importance des droits en cause, tous les Etats peuvent être
                  considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces
                  droits soient protégés» (Barcelona Traction, Light and
                  Power Company, Limited, arrêt, C.I.J. Recueil 1970,
                  p. 32, par. 33).  Les obligations erga omnes
                  violées par Israël sont l'obligation de respecter le droit
                  du peuple palestinien à l'autodétermination ainsi que
                  certaines des obligations qui sont les siennes en vertu du
                  droit international humanitaire.  S'agissant du droit à
                  l'autodétermination, la Cour rappelle ses conclusions en
                  l'affaire du Timor oriental et la résolution 2625
                  (XXV) de l'Assemblée générale.  Elle rappelle qu'un
                  grand nombre de règles du droit humanitaire «constituent des
                  principes intransgressibles du droit international coutumier»
                  (C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79)
                  et constate qu'elles incorporent des obligations revêtant par
                  essence un caractère erga omnes. 
                  Elle souligne en outre l'obligation incombant aux Etats
                  parties à la quatrième convention de Genève d'en «faire
                  respecter» les dispositions.
                           
                  Vu la nature et l'importance des droits et obligations en
                  cause, la Cour est d'avis que tous les Etats sont dans
                  l'obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant
                  de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé,
                  y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est. 
                  Ils sont également dans l'obligation de ne pas prêter aide
                  ou assistance au maintien de la situation créée par cette
                  construction.  Il appartient par ailleurs à tous les
                  Etats de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies
                  et du droit international, à ce qu'il soit mis fin aux
                  entraves, résultant de la construction du mur, à l'exercice
                  par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination. 
                  En outre, tous les Etats parties à la convention de Genève
                  relative à la protection des personnes civiles en temps de
                  guerre, du 12 août 1949, ont l'obligation, dans le
                  respect de la Charte des Nations Unies et du droit
                  international, de faire respecter par Israël le droit
                  international humanitaire incorporé dans cette convention.
                      
                  L'Organisation des Nations Unies (par. 160)
                           
                  La Cour est enfin d'avis que l'Organisation des Nations Unies,
                  et spécialement l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité,
                  doivent, en tenant dûment compte du présent avis
                  consultatif, examiner quelles nouvelles mesures doivent être
                  prises afin de mettre un terme à la situation illicite découlant
                  de la construction du mur et du régime qui lui est associé.
                  *
                           
                  La Cour estime que la construction du mur par Israël dans le
                  territoire palestinien occupé est contraire au droit
                  international et doit être replacée dans un contexte plus général. 
                  Depuis 1947, année de l'adoption de la résolution 181
                  (II) de l'Assemblée générale et de la fin du mandat pour la
                  Palestine, se sont multipliés sur le territoire de l'ancien
                  mandat les conflits armés, les actes de violence indiscriminés
                  et les mesures de répression.  La Cour relève qu'aussi
                  bien Israël que la Palestine ont l'obligation de respecter de
                  manière scrupuleuse le droit international humanitaire, dont
                  l'un des buts principaux est de protéger la vie des personnes
                  civiles.  Des actions illicites ont été menées et des
                  décisions unilatérales ont été prises par les uns et par
                  les autres alors que, de l'avis de la Cour, seule la mise en
                  œuvre de bonne foi de toutes les résolutions pertinentes du
                  Conseil de sécurité, en particulier les résolutions 242
                  (1967) et 338 (1973), est susceptible de mettre un terme
                  à cette situation tragique.  La «feuille de route»
                  approuvée par la résolution 1515 (2003) du Conseil de sécurité
                  constitue l'effort le plus récent en vue de provoquer des négociations
                  à cette fin.  La Cour croit de son devoir d'appeler
                  l'attention de l'Assemblée générale, à laquelle cet avis
                  est destiné, sur la nécessité d'encourager ces efforts en
                  vue d'aboutir le plus tôt possible, sur la base du droit
                  international, à une solution négociée des problèmes
                  pendants et à la constitution d'un Etat palestinien vivant côte
                  à côte avec Israël et ses autres voisins, et d'assurer à
                  chacun dans la région paix et sécurité.
                  Haut
                  page
                  *
                           
                  Le texte intégral du dernier paragraphe (par. 163) est libellé
                  comme suit :
                           
                  «Par ces motifs,
                           
                  La Cour,
                           
                  1) A l'unanimité,
                           
                  Dit qu'elle est compétente pour répondre à la
                  demande d'avis consultatif;
                           
                  2) Par
                  quatorze voix contre une,
                           
                  Décide de donner suite à la demande d'avis
                  consultatif;
                  pour :
                  M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président;
                  MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins,
                  MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh,
                  Elaraby, Owada, Simma, Tomka,
                  juges;
                  contre :
                  M. Buergenthal,
                  juge;
                           
                  3) Répond de la manière suivante à la
                  question posée par l'Assemblée générale :
                           
                  A. Par quatorze voix contre une,
                           
                  L'édification du mur qu'Israël, puissance occupante, est en
                  train de construire dans le territoire palestinien occupé, y
                  compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est,
                  et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit
                  international;
                  pour :
                  M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président;
                  MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins,
                  MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh,
                  Elaraby, Owada, Simma, Tomka,
                  juges;
                  contre :
                  M. Buergenthal,
                  juge;
                           
                  B. Par quatorze voix contre une,
                           
                  Israël est dans l'obligation de mettre un terme aux
                  violations du droit international dont il est l'auteur; il est
                  tenu de cesser immédiatement les travaux d'édification du
                  mur qu'il est en train de construire dans le territoire
                  palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le
                  pourtour de Jérusalem‑Est, de démanteler immédiatement
                  l'ouvrage situé dans ce territoire et d'abroger immédiatement
                  ou de priver immédiatement d'effet l'ensemble des actes législatifs
                  et réglementaires qui s'y rapportent, conformément au
                  paragraphe 151 du présent avis;
                  pour :
                  M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président;
                  MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins,
                  MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh,
                  Elaraby, Owada, Simma, Tomka,
                  juges;
                  contre :
                  M. Buergenthal,
                  juge;
                           
                  C. Par quatorze voix contre une,
                           
                  Israël est dans l'obligation de réparer tous les dommages
                  causés par la construction du mur dans le territoire
                  palestinien occupé, y compris à l'intérieur et sur le
                  pourtour de Jérusalem‑Est;
                  pour :
                  M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président;
                  MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins,
                  MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh,
                  Elaraby, Owada, Simma, Tomka,
                  juges;
                  contre :
                  M. Buergenthal,
                  juge;
                           
                  D. Par treize voix contre deux,
                           
                  Tous les Etats sont dans l'obligation de ne pas reconnaître
                  la situation illicite découlant de la construction du mur et
                  de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la
                  situation créée par cette construction; tous les Etats
                  parties à la quatrième convention de Genève relative à la
                  protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949,
                  ont en outre l'obligation, dans le respect de la Charte des
                  Nations Unies et du droit international, de faire respecter
                  par Israël le droit international humanitaire incorporé dans
                  cette convention; 
                  pour :
                  M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président;
                  MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins,
                  MM. Parra‑Aranguren, Rezek, Al‑Khasawneh,
                  Elaraby, Owada, Simma, Tomka,
                  juges;
                  contre :
                  MM. Kooijmans, Buergenthal,
                  juges;
                           
                  E. Par quatorze voix contre une,
                           
                  L'Organisation des Nations Unies, et spécialement l'Assemblée
                  générale et le Conseil de sécurité, doivent, en tenant dûment
                  compte du présent avis consultatif, examiner quelles
                  nouvelles mesures doivent être prises afin de mettre un terme
                  à la situation illicite découlant de la construction du mur
                  et du régime qui lui est associé.
                  pour :
                  M. Shi, président; M. Ranjeva, vice‑président;
                  MM. Guillaume, Koroma, Vereshchetin, Mme Higgins,
                  MM. Parra‑Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al‑Khasawneh,
                  Elaraby, Owada, Simma, Tomka,
                  juges;
                  contre :
                  M. Buergenthal,
                  juge.»
                  ___________
                 
                
                  Haut
                  page
                  Annexes
                  au résumé 2004/2
                  Opinion individuelle de M. le juge Koroma
                           
                  Dans son opinion individuelle, le juge Koroma indique que,
                  tout en souscrivant à la décision de la Cour selon laquelle
                  le mur qu'Israël, puissance occupante, est en train de
                  construire dans le territoire palestinien occupé, y compris
                  à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem‑Est, et
                  le régime qui lui est associé sont contraires au droit
                  international, il estime que les points suivants méritent d'être
                  soulignés.
                           
                  Selon lui, l'édification du mur — qui a entraîné
                  l'annexion de portions du territoire occupé et la dépossession
                  d'un certain nombre de Palestiniens de leurs terres —
                  est contraire au droit international (notamment au principe
                  interdisant l'acquisition de territoire par la force), au
                  droit relatif aux droits de l'homme et au droit international
                  humanitaire, en vertu desquels les droits qu'exerce une
                  puissance occupante dans un territoire occupé et sur ses
                  habitants sont de nature limitée; ces droits n'équivalent
                  pas à des droits souverains qui autoriseraient l'occupant à
                  apporter au statut de ce territoire des modifications telles
                  que la construction du mur.  En d'autres termes, lorsque,
                  par son action, une puissance occupante modifie unilatéralement
                  le statut d'un territoire qu'elle occupe militairement, elle
                  viole le droit existant.
                           
                  Sur la question de la compétence, le juge Koroma déclare
                  que, même s'il est concevable qu'il y ait des points de vue
                  juridiques très divers sur la question dont est saisie la
                  Cour, il est d'avis que, à la lumière de la Charte des
                  Nations Unies, du Statut de la Cour et de la jurisprudence de
                  celle‑ci, l'objection à la compétence de la Cour pour
                  connaître des problèmes soulevés dans la question posée à
                  la Cour n'est pas fondée.  A son avis, l'objection
                  reposant sur l'opportunité judiciaire ¾ un
                  aspect que la Cour a amplement examiné sous l'angle de la
                  bonne administration de la justice ¾
                  n'est pas fondée non plus.  Selon le juge, non seulement
                  la question dont est saisie la Cour est une question éminemment
                  juridique à laquelle il est possible d'apporter une réponse
                  juridique, mais aucune preuve décisive n'a été produite
                  pour persuader la Cour de décliner sa compétence
                  consultative.
                           
                  Il convient de mettre en exergue de la même manière la
                  conclusion de la Cour concernant le droit à l'autodétermination
                  du peuple palestinien, y compris l'établissement de son
                  propre Etat par celui‑ci, comme l'envisage la résolution
                  181 (II), et la conclusion selon laquelle la construction du
                  mur serait un obstacle à la réalisation de ce droit.
                           
                  Le juge Koroma souligne également le fait que les conclusions
                  de la Cour font autorité, certaines reposant sur les
                  principes de jus cogens et revêtant un caractère erga
                  omnes. 
                           
                  Tout aussi important est l'appel lancé aux parties au conflit
                  pour qu'elles respectent, durant les hostilités en cours, les
                  principes du droit humanitaire, notamment la quatrième
                  convention de Genève.
                           
                  Enfin, le juge déclare que, la Cour s'étant prononcée, il
                  incombe à présent à l'Assemblée générale d'utiliser ces
                  conclusions de manière à apporter une solution juste et
                  pacifique au conflit israélo‑palestinien, un conflit
                  qui non seulement dure depuis trop longtemps mais cause également
                  d'énormes souffrances aux personnes directement concernées
                  et envenime les relations internationales en général.
                  Opinion individuelle de Mme le
                  juge Higgins
                           
                  Dans son opinion individuelle, le juge Higgins, qui a voté
                  avec la Cour en faveur de chacun des points du dispositif, développe
                  sa position sur certains des problèmes rencontrés par la
                  Cour, lorsque celle‑ci a eu à se prononcer sur la
                  question de savoir si elle devait exercer ou non le pouvoir
                  discrétionnaire qu'elle a de refuser de répondre à la
                  question qui lui a été posée.  Selon elle, une
                  condition énoncée par la Cour dans l'avis consultatif sur le
                  Sahara occidental ne se trouve pas remplie, à savoir
                  que, lorsque deux Etats ont un différend, l'Assemblée générale
                  ne devrait pas demander d'avis consultatif «afin d'exercer
                  plus tard, sur la base de l'avis rendu par la Cour, ses
                  pouvoirs et ses fonctions en vue de régler pacifiquement ce
                  différend ou cette controverse» (C.I.J. Recueil 1975,
                  p. 56, par. 39).  Les participants à la présente
                  procédure ont clairement fait savoir que l'intention était
                  précisément de se servir de l'avis en tant que moyen de
                  pression.
                           
                  Le juge Higgins est d'avis que, en principe, il n'est pas
                  souhaitable qu'une question soit posée à la Cour en empêchant
                  en même temps celle‑ci de se pencher sur le contexte
                  dans lequel le problème se pose.  Elle indique ce que la
                  Cour aurait dû faire, à la fois pour que l'avis soit équilibré
                  et impartial et pour mettre à profit les possibilités
                  qu'offre un avis consultatif afin de rappeler tant à la
                  Palestine qu'à Israël les responsabilités que leur impose
                  le droit international.
                           
                  Le juge Higgins explique en outre que, tout en souscrivant à
                  l'idée que les articles 46 et 52 du règlement de
                  La Haye et l'article 53 de la quatrième convention
                  de Genève ont été violés par l'édification du mur dans le
                  territoire occupé, elle ne partage pas la totalité du
                  raisonnement qui a conduit la Cour à cette conclusion. 
                  Elle doute en particulier que le mur constitue un «obstacle
                  grave» à l'exercice par le peuple palestinien de son droit
                  à l'autodétermination, le véritable obstacle se situant
                  ailleurs, selon elle.  Elle convient qu'Israël ne peut
                  exclure l'illicéité en invoquant le droit de légitime défense,
                  mais les motifs qui l'amènent à tirer pareille conclusion
                  sont différents de ceux de la Cour, parce qu'elle ne partage
                  pas les vues de celle‑ci sur la légitime défense
                  telles qu'exposées au paragraphe 139 de l'avis.
                           
                  S'agissant des conséquences juridiques qui découlent des
                  conclusions de la Cour, le juge Higgins indique que, tout
                  en ayant voté pour, notamment, l'alinéa D du point 3,
                  elle n'est pas convaincue que les obligations qui incombent
                  aux Membres des Nations Unies résultent du concept
                  juridique des obligations erga omnes, ni se fondent sur
                  ce concept.
                  Opinion individuelle de M. le juge Kooijmans
                           
                  Le juge Kooijmans commence par exposer brièvement les raisons
                  pour lesquelles il a voté contre l'alinéa D du
                  paragraphe 3) du dispositif.
                           
                  Il présente ensuite succinctement le cadre historique et le
                  contexte de la demande de l'Assemblée générale. Selon lui,
                  la Cour aurait dû décrire ce contexte plus en détail;
                  l'avis aurait alors reflété de manière plus satisfaisante
                  les intérêts légitimes et les responsabilités de tous les
                  groupes et individus concernés.
                           
                  Le juge Kooijmans formule alors certaines observations sur les
                  questions de compétence et d'opportunité judiciaire. 
                  Il considère que la demande, qui postule l'illicéité de l'édification
                  du mur, est rédigée en termes plutôt maladroits.  Or
                  la responsabilité judiciaire incombait à la Cour d'analyser
                  la demande et, le cas échéant, d'en reformuler l'objet.
                           
                  S'agissant du fond, le juge Kooijmans se désolidarise de la
                  conclusion de la Cour selon laquelle l'édification du mur
                  constitue une violation par Israël de son obligation de
                  respecter le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même. 
                  L'exercice de ce droit entre dans le cadre beaucoup plus large
                  du processus politique, bien que le juge Kooijmans considère,
                  comme la Cour, que le mur fait obstacle à cet exercice.
                           
                  Le juge Kooijmans déplore par ailleurs que les mesures prises
                  par Israël n'aient pas été assujetties au critère de
                  proportionnalité, mais seulement à celui des exigences
                  militaires et des impératifs de sécurité nationale. 
                  En droit international humanitaire, les critères de nécessité
                  militaire et de proportionnalité sont étroitement liés.
                           
                  S'agissant de l'argument d'Israël selon lequel il a agi au
                  titre de la légitime défense, le juge Kooijmans fait
                  remarquer que si la Cour a omis de relever que les résolutions
                  1368 (2001) et 1373 (2001) du Conseil de sécurité,
                  sur lesquelles se fonde Israël, ne mentionnent pas une
                  agression armée par un autre Etat, elle souligne à juste
                  titre que ces résolutions mentionnent des actes de terrorisme
                  international.  En la présente instance, les
                  actes terroristes trouvent leur origine dans un territoire sur
                  lequel Israël exerce son contrôle.
                           
                  Enfin, le juge Kooijmans explique pourquoi il souscrit aux
                  conclusions de la Cour sur les conséquences en droit de l'édification
                  du mur pour l'Organisation des Nations Unies et pour Israël,
                  mais pourquoi il se désolidarise de ses conclusions à l'égard
                  des autres Etats, à l'exception du devoir de ne pas prêter
                  aide ou assistance au maintien de la situation ainsi créée.
                           
                  S'agissant du devoir de non-reconnaissance et de celui de
                  faire respecter par Israël le droit international
                  humanitaire, le juge Kooijmans est d'avis que les conclusions
                  de la Cour sont insuffisamment fondées en droit international
                  positif et que, par ailleurs, ces obligations sont en réalité
                  dénuées de substance.
                  Opinion individuelle de M. le juge Al‑Khasawneh
                           
                  Le juge Al‑Khasawneh, dans l'opinion individuelle qu'il
                  joint à l'avis, déclare souscrire aux conclusions et au
                  raisonnement de la Cour, mais souhaite préciser trois points :
                           
                  Premièrement, l'identification de la présence d'Israël en
                  Cisjordanie, y compris à Jérusalem‑Est, et dans la
                  bande de Gaza, à une occupation militaire repose sur une
                  solide opinio juris et trouve appui dans de nombreuses
                  résolutions, dont certaines ont force obligatoire, ainsi que
                  dans la position, individuelle ou collective, des Etats. 
                  La Cour, tout en prenant acte de cette opinio juris
                  constante, est parvenue à des conclusions analogues indépendamment
                  de ces résolutions et autres éléments.  Selon le juge
                  Al‑Khasawneh, la Cour a bien fait de ne pas s'interroger
                  sur le statut exact des territoires occupés avant 1967,
                  car nul n'est besoin de se reporter à leur statut antérieur
                  pour conclure qu'il s'agit de territoires occupés auxquels
                  s'applique le régime juridique international de l'occupation. 
                  En outre, ce statut n'aurait de l'importance que si ces
                  territoires étaient terra nullius, ce qui est indéfendable. 
                  On ne saurait en effet sérieusement soutenir la notion de terra
                  nullius, qui est discréditée et ne trouve plus à
                  s'appliquer dans le monde d'aujourd'hui.  De surcroît,
                  les territoires faisaient partie d'un territoire sous mandat,
                  et le droit de leur population à l'autodétermination n'est
                  pas éteint et ne le sera pas tant que les Palestiniens ne
                  l'auront pas réalisé.
                           
                  Deuxièmement, le juge Al‑Khasawneh examine la question
                  de la Ligne verte et rappelle qu'avant 1967, d'éminents
                  juristes israéliens ont cherché à prouver qu'elle était
                  plus qu'une simple ligne d'armistice.  Aujourd'hui, c'est
                  à partir d'elle que l'occupation israélienne est mesurée. 
                  Nier l'importance de cette ligne est une démarche à double
                  tranchant, qui ouvre la voie aux contestations du titre d'Israël
                  et de l'expansion de son territoire au‑delà de ce qui
                  était prévu dans le plan de partage de la Palestine de 1947.
                           
                  Troisièmement, le juge Al‑Khasawneh rappelle que, si
                  rien n'empêche de parler de négociations, celles-ci sont un
                  moyen qui permet d'atteindre une fin, et non une fin en soi. 
                  Pour que les négociations aboutissent à une solution
                  conforme à des principes, il faut qu'elles soient fondées en
                  droit.  En gage de leur bonne foi, ceux qui y prennent
                  part doivent s'abstenir de créer des faits accomplis.
                  Déclaration de M. le juge Buergenthal
                           
                  Le juge Buergenthal estime que la Cour aurait dû exercer
                  son pouvoir discrétionnaire et refuser de rendre l'avis
                  consultatif qui lui était demandé, car elle ne disposait
                  pas, selon lui, d'informations et d'éléments de preuve
                  suffisants pour le faire.  Faute de reposer sur les éléments
                  de fait requis, les conclusions beaucoup trop générales de
                  la Cour sur le fond sont viciées; c'est ce qui a conduit le
                  juge Buergenthal à voter contre elles. 
                           
                  Le juge Buergenthal admet volontiers qu'une analyse
                  approfondie de tous les faits pertinents pourrait amener à
                  conclure que certains tronçons, voire tous les tronçons, du
                  mur qu'Israël est en train de construire dans le territoire
                  palestinien occupé sont érigés en violation du droit
                  international.  Il estime cependant que rien ne justifie,
                  en droit, que la Cour soit parvenue à cette conclusion au
                  sujet du mur tout entier sans avoir eu à sa disposition ni
                  cherché à vérifier tous les faits pertinents touchant
                  directement au droit naturel de légitime défense d'Israël,
                  à ses impératifs militaires et à ses besoins de sécurité,
                  compte tenu des multiples attaques terroristes meurtrières
                  menées à partir du territoire palestinien occupé contre
                  Israël même et sur son territoire, qu'Israël a subies et
                  continue de subir.  A ce sujet, le juge Buergenthal
                  fait valoir que le droit de légitime défense n'existe pas
                  seulement en cas d'attaque commise par des Etats et que les
                  agressions armées menées contre Israël même à partir du
                  territoire palestinien occupé doivent être considérées,
                  dans le contexte de l'espèce, comme répondant aux critères
                  de l'article 51 de la Charte des Nations Unies.
                           
                  Le juge Buergenthal ne peut davantage s'associer à la
                  Cour lorsque celle‑ci conclut globalement que l'édification
                  du mur viole le droit international humanitaire et les
                  instruments relatifs aux droits de l'homme, parce que ces
                  conclusions ne s'appuient sur aucun fait ou élément de
                  preuve qui contredise précisément l'argument des impératifs
                  militaires ou des raisons de sécurité nationale avancé par
                  Israël.  Le juge Buergenthal reconnaît, certes,
                  que plusieurs dispositions du droit international humanitaire
                  citées par la Cour n'autorisent aucune exception fondée sur
                  les impératifs militaires : c'est le cas notamment de
                  l'article 46 du règlement de La Haye et du sixième
                  alinéa de l'article 49 de la quatrième convention de
                  Genève.  Si le juge Buergenthal pense que l'analyse
                  que fait la Cour de l'applicabilité de l'article 46 en
                  l'espèce est mal fondée, il estime en revanche que le sixième
                  alinéa de l'article 49, qui dispose que «[la] puissance
                  occupante ne pourra procéder à la déportation ou au
                  transfert d'une partie de sa propre population civile dans le
                  territoire occupé par elle», s'applique effectivement aux
                  colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie, et que
                  l'existence de ces colonies est donc une violation de cette
                  disposition.  Par conséquent, l'édification des tronçons
                  du mur construits par Israël pour protéger les colonies
                  constitue ipso facto une violation de cette
                  disposition.
                           
                  Enfin, le juge Buergenthal note que l'on pourrait faire
                  valoir que, si nombre de faits pertinents concernant la licéité
                  de la construction du mur par Israël ont fait défaut à la
                  Cour, c'est parce qu'Israël ne les avait pas produits, et que
                  la Cour était dès lors fondée à s'appuyer presque
                  exclusivement sur les rapports soumis par l'Organisation des
                  Nations Unies.  Cet argument serait valable si la
                  Cour était saisie non pas d'une demande d'avis consultatif
                  mais d'une affaire contentieuse, dans laquelle chaque partie
                  doit prouver le bien‑fondé de ses demandes.  Telle
                  n'est pas la règle en matière consultative.  Israël
                  n'avait nullement l'obligation juridique de participer à
                  cette procédure ni de produire des éléments tendant à
                  prouver la licéité de son mur.  Par conséquent, la
                  Cour ne saurait conclure que le mur est illicite simplement
                  parce qu'Israël n'a pas produit ces éléments, ni considérer,
                  sans les vérifier elle‑même de manière exhaustive,
                  que les informations qui lui ont été fournies suffisent à
                  étayer des conclusions juridiques par trop générales.
                  Opinion individuelle de M. le juge Elaraby
                           
                  Le juge Elaraby souscrit entièrement et sans réserve aux
                  constatations et conclusions de la Cour.  Il estime
                  cependant nécessaire d'y joindre une opinion individuelle,
                  afin de développer certains des aspects historiques et
                  juridiques abordés dans l'avis consultatif.
                           
                  Le juge examine en premier lieu la nature et la portée de la
                  responsabilité de l'Organisation des Nations Unies à l'égard
                  de la Palestine, qui tire son origine de la résolution 181
                  (II) adoptée le 29 novembre 1947 par l'Assemblée générale. 
                  Cette résolution, connue sous le nom de résolution sur le
                  partage, prévoyait la création de deux Etats indépendants,
                  l'un arabe et l'autre juif, et affirmait que la période qui
                  s'écoulerait avant la réalisation de cet objectif «sera[it]
                  une période de transition».
                           
                  Le juge Elaraby aborde ensuite le statut, au regard du droit
                  international, du territoire palestinien occupé et les conséquences
                  juridiques du mandat pour la Palestine et de sa terminaison
                  par l'Assemblée générale.  Il rappelle en outre que la
                  Cour, dans les affaires relatives au Sud-Ouest africain
                  et à la Namibie, avait jugé que les territoires
                  anciennement sous mandat faisaient l'objet d'une «mission
                  sacrée de civilisation» et ne «devaient pas être annexés». 
                  Il évoque également les engagements répétés qu'a pris
                  Israël de se retirer et de respecter l'intégrité
                  territoriale du territoire palestinien occupé.
                           
                  Dans une troisième partie de son opinion individuelle, le
                  juge Elaraby analyse brièvement les effets de l'occupation
                  israélienne prolongée et les limites qui sont prévues dans
                  les règles du jus bello afin de garantir la protection
                  des non-combattants.  Il considère que les violations
                  par Israël du droit international humanitaire auraient dû être
                  qualifiées de violations graves.
                           
                  Le juge Elaraby présente également des observations sur la
                  constatation de la Cour selon laquelle «[la] construction [du
                  mur] … dresse … un obstacle grave à
                  l'exercice par le peuple palestinien de son droit à l'autodétermination». 
                  A son avis, cette importante constatation aurait dû être
                  incluse dans le dispositif.
                  Opinion individuelle de M. le juge Owada
                           
                  Dans son opinion individuelle, le juge Owada souscrit aux
                  conclusions énoncées dans l'avis consultatif de la Cour,
                  tant sur les questions préliminaires relatives à la compétence
                  et à l'opportunité judiciaire d'exercer cette compétence
                  que sur la plupart des points relevant du fond.  Il émet
                  toutefois quelques réserves quant à la manière dont la Cour
                  a exercé cette opportunité judiciaire dans la présente procédure.
                           
                  Plus précisément, le juge Owada est d'avis que la Cour
                  aurait dû s'interroger sur l'opportunité judiciaire non
                  seulement pour déterminer si elle devait donner suite à la
                  demande d'avis consultatif, mais également pour savoir
                  comment exercer sa compétence, une fois qu'elle a décidé de
                  l'exercer, en vue d'assurer une bonne administration de la
                  justice dans cette affaire qui fait intervenir un différend
                  bilatéral sous-jacent.  En pareil cas, une bonne
                  administration de la justice impose également de traiter équitablement
                  les positions des parties concernées quant à l'évaluation
                  des faits et des points de droit.  Enfin, le juge Owada
                  regrette que la Cour n'ait pas exprimé dans son avis un rejet
                  catégorique du cycle tragique d'actes de violence aveugle
                  perpétrés de part et d'autre contre des populations civiles
                  innocentes, cycle qui constitue un élément important de la
                  toile de fond de la présente affaire.
                  
                  Haut
                  page
                  ___________